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PLUIES AU VIETNAM

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Écrit par Asiatica Travel
Publié le 9 juin 2020, mis à jour le 11 juin 2020

J’ai rencontré Valéry, mon copain, par hasard, quand je faisais mes études en France. Le temps passé ensemble était un mélange de bons moments ainsi que de petites disputes, parfois persistantes, mais nécessaires pour que l’on se comprenne mieux. J’avais promis de lui écrire, une fois que je serais revenue à Hanoi, pour lui raconter ma vie d’ici : Français curieux, il n’était encore jamais allé au Vietnam. Je lui avais dit : “Ma vie c’est mon pays, je t’écrirai donc sur ce qu’est mon pays”. Et je lui écris…

 

Cher Valéry,

Comment vas-tu ? Emportes-tu toujours ton déjeuner au travail ? Ce midi je prends du bún ốc (nouilles aux escargots vietnamiens) comme déjeuner. Le restaurant se niche dans une petite allée située juste à deux pas de mon bureau, les ventilateurs tournent à toute vitesse, et moi, je veux vite en finir en raison d’une chaleur suffocante. Soudainement, on entend quelques gouttes de pluie tomber lourdement sur le toit, et après quelques  tic-tac, tout est trempé d’une étoffe épaisse de pluie, dans un flou blanchâtre. Il pleut violemment. La chaleur se calme tout de suite et l’odeur tiède de la terre émane doucement. Les clients décident de prendre leur temps pour se régaler de leur déjeuner plébéien en admirant la pluie. De toute façon, ils n’ont pas pris leur parapluie. Et moi, je me dis que c’est tellement étrange le Vietnam : lorsqu’on est sur le point de le détester, il sait bien comment faire pour qu’on l’adore de nouveau. Dans ce pays, tout peut atteindre des extrêmes intenses. Chaleur torride, pluie diluvienne. 

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La pluie tropicale, je l’aime et je la hais. Je la hais quand elle est toute capricieuse lorsque je suis en route pour le travail. Elle me taquine en tombant juste au moment où je démarre mon scooter ; assez pour que je doive sortir l’imperméable après 500 mètres, et en re-tombant au bout de 30 secondes après l’avoir ôté. Je la hais quand elle rend mes lunettes toutes floues lorsque je roule dans les rues. Je la hais quand elle inonde des quartiers où passent avec précipitation les maigres marchands ambulants et les parents qui vont chercher leurs enfants à l’école. Attention, elle pourrait probablement endommager le moteur de leur scooter ! Je la hais quand elle mouille mes cheveux et mes habits. Je la hais quand elle vient avec ses camarades : du tonnerre, des éclairs et du vent. Je la hais d’autant plus quand elle, avec l’aide de ces derniers, abat bien des branches d’arbre qu’on retrouve après une nuit. Et je la hais quand elle ne s’arrête pas pendant des semaines.

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Mais je l’aime quand elle arrive juste au moment où l’on en a besoin le plus, mettre un terme à la chaleur étouffante, et arroser l’atmosphère par sa tendre fraîcheur. Je l’aime quand elle engendre à l’horizon un splendide crépuscule avant son arrivée qui pourrait bien nous distraire, quand elle esquisse des silhouettes impressionnantes de nuage sur le ciel. J’aime son bruit quand elle gémit tout doucement pendant une nuit silencieuse. J’aime la sensation des gouttes d’eau qui me touchent et finissent par danser malicieusement sur la terre. J’aime son odeur – celle d’un mélange de terre, de poussière, de feuilles d’arbre et de la vie quotidienne : celle de l’essence des scooters et des voitures, celle des fleurs tout d’un coup aspergées, celle de poissons, de viande, de canard rôti, celles de toutes les activités qui se passent dans les rues. 

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Et j’aime bien, dans l’après-midi d’un week-end, quand il pleut, apprécier une tasse de café chaud en bavardant de tout et de rien avec mes amis, idéalement à l’étage d’un petit café mignon joliment décoré. Jusqu’à ce que le soleil se couche et que les gouttes de pluie étincellent sous les phares de voiture : on se dirait comme des gens expérimentés, non sans un peu de mélancolie : « Comme le temps passe vite ! »

Je t’écris plus tard, lorsque j’aurai le temps, au détour d’un petit café peut-être. 

Je t’embrasse fort.