Aujourd'hui, le 4 octobre, s’ouvre à Villers-Cotterêts, non loin de Paris, le 19e sommet de la Francophonie. Le Vietnam sera bien sûr de la fête. Mieux encore, il sera représenté au plus haut niveau, c’est-à-dire par son secrétaire général du Parti communiste et Président de la République Tô Lâm.
C’est en 1970 que le Vietnam a officiellement adhéré à l’Organisation Internationale de la Francophonie, dont il se targue d’être un membre actif et responsable. On se souvient d’ailleurs qu’Hanoï avait eu le privilège d’accueillir le 7e sommet de la Francophonie. C’était en 1997. S’en étaient suivies toute une série de mesures (ouverture des classes bilingues, entre autres .) qui auraient pu faire croire à un retour sur le devant de la scène de la langue française.
Que nenni ! Force est de constater que le français est en net recul, au Vietnam. Il faut bien se rendre à l’évidence : Molière ne fait pas le poids face à Shakespeare. Eh oui ! On estime aujourd’hui à 693.000, soit moins de 1% de la population, le nombre de francophones dans le pays.
Le français a une histoire au Vietnam
Cette histoire, c’est au 18e siècle qu’elle débute, avec la présence de plus en plus fréquente d’explorateurs ou de marchands français au large des côtes de la péninsule indochinoise. On se souvient notamment de Pierre Poivre (1719-1786), qui débarque à Tourane (l’actuelle Danang) en 1749 pour tenter d’ouvrir un comptoir au profit de la compagnie française des Indes orientales.
Mais c’est également sous le signe de la croix que cette histoire prend forme, avec les missions étrangères de Paris qui se font particulièrement actives dans cette partie du monde, et dont l’un des plus illustres représentants, Pierre Pigneau de Béhaine, va, en aidant la dynastie Nguyen à unifier le pays dans les années 1790, y asseoir l’influence de la France.
Il faudra néanmoins attendre la seconde moitié du 19e siècle et le début de l’aventure coloniale de la France en Indochine pour que le français s’y impose comme une langue quasi-officielle.
La langue française en Indochine
Les colons français s’emploient en effet à développer l’enseignement scolaire en Indochine, ce qui a pour effet de répandre l’usage du français au sein d’une certaine élite sociale.
Au début du 20e siècle, le français commence aussi à se répandre en milieu urbain. Dans les grandes maisons coloniales, qui emploient nombre de serviteurs vietnamiens, c’est une sorte de « pidgin français » qui se développe, que d’aucuns appelleront Tây Boi.
Cela étant, le français reste une langue étrangère pour beaucoup de vietnamiens et à mesure que les revendications nationalistes se font jour, c’est même une langue honnie, que beaucoup de révolutionnaires refusent d’employer, sinon dans des diatribes anticolonialistes, destinées le plus souvent à des pays étrangers.
Lorsqu’en 1954, le pays est scindé en deux à la suite des accords de Genève, le sort de la langue française au Vietnam s’en ressent. Dans le Nord communiste, elle disparaît purement et simplement : il faut absolument expier le passé colonial . Dans le Sud, en revanche, elle reste encore bien présente, y compris dans l’enseignement et l’administration.
Après 1975, en revanche, le vietnamien devient la langue officielle du Vietnam réunifié et surtout la seule dont l’usage est autorisé au sein de la population et a fortiori dans les programmes scolaires.
Le renouveau aussi pour le français
Il faudra attendre le début des années 1990 et le début de l’ouverture du pays pour que les langues étrangères, et a fortiori le français, reviennent au goût du jour.
Au Vietnam, l’année 1997 sera celle de la Francophonie. Hanoï accueille en effet le 7e sommet « des chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage ». L’évènement est d’autant plus marquant que c’est la première fois que le pays, qui est donc resté malgré tout membre de l’Organisation Internationale de la Francophonie, sort ainsi de l’isolement dans lequel les années post-guerre l’ont maintenu.
« Renforcement de la coopération et de la solidarité francophones pour la paix et le développement social ».
Le thème alors choisi par Hanoï pour la grande messe de la Francophonie est on ne peut plus consensuel. Il témoigne en tout cas de la volonté du pays de s’ouvrir au monde, et pourquoi pas par le biais de la francophonie.
« Notre engagement à l'égard de la francophonie fait partie intégrante de notre nouvelle politique extérieure », expliquera alors Tran Quang Co, un ancien vice-ministre des Affaires étrangères.
Le sommet s’accompagne d’un ambitieux programme de formation linguistique qui va du primaire à l’enseignement supérieur, en passant naturellement par le secondaire. Ce sont notamment les classes dites « bilingues » (enseignement du et en français) qui vont, dans un premier temps, connaître un certain succès, mais qui aujourd’hui, sont en perte de vitesse, la faute à une américanophilie galopante et un pragmatisme de bon aloi qui fait que décidément Molière ne fait plus recette au pays de Nguyen Du.
Sô-cô-la ...
Que reste-t-il, alors, de la langue française, au Vietnam ? Eh bien toute une série de mots qui sont du français « vietnamisés » . En voici quelques-uns:
Vietnamien |
Français |
ăng-ten |
antenne |
ba toong |
bâton |
bê tông |
béton |
bi-da |
bille, billard |
(bút) bi |
(stylo à) bille |
búp bê, búp bế |
poupée |
cà phê |
café |
cao su |
caoutchouc |
cùi dìa |
cuillère |
ga |
gare |
(bánh) ga tô |
gâteau |
ma đam |
madame |
mề đay |
médaille |
(khăn) mùi xoa |
mouchoir |
ô tô buýt |
autobus |
(bánh) patê sô |
pâté chaud |
pin |
pile |
phanh |
frein |
phéc-mơ-tuya |
fermeture |
pho mát, phô mai |
fromage |
(áo) sơ mi |
chemise |
(quần) si/xi líp |
slip |
tăng xông |
tension |
xà lách |
salade |
xa lát |
salade |
xà phòng, xà bông |
savon |
xăng, ét-xăng |
essence |
xu chiêng |
soutien-gorge |
su kem |
choux à la crème |
sốt sô-cô-la |
sauce chocolat |
cà rốt |
carotte |