Le Petit Journal a eu le privilège de s’entretenir avec cinq rescapés du crash du 4 avril 1975, tragédie qui s’inscrit dans l’opération Baby-Lift. Ce plan avait pour but d’organiser l’exfiltration d’environ 3000 nourrissons du Vietnam vers les Etats-Unis.


Le 3 avril 1975, l’opération Baby-Lift débute, avec son lot d’espoirs et de tragédie. Le crash du C-5 Galaxy, premier avion de l’US Airforce à exfiltrer des nourrissons vers San Francisco, a emporté avec lui 150 orphelins, pour seulement une soixantaine de rescapés.
Cinquante ans plus tard, Le Petit Journal a pu rencontrer cinq de ces enfants rescapés, adoptés en France, aujourd’hui adultes qui tiennent à raconter leur histoire.
Nous avons également pu rencontrer Pierre Bellet, réalisateur, qui travaille sur son documentaire « Les Enfants du Ciel » sur la base des témoignages de 6 rescapés du drame du 4 avril.
Dans cette discussion, ils ont évoqué leurs liens actuels, leurs moyens de se rencontrer afin de partager cet héritage qui les lie, tout en mettant en lumière l’importante communauté d’enfants adoptés en France suite au Baby-Lift. Ils abordent le lourd sujet de leur identité, du lien avec leurs familles, ainsi que de leurs objectifs afin de transmettre leur histoire.
Une communauté soudée
Grâce à l’émergence des réseaux sociaux et à la facilité d’accès à l’information qui y est associée, des rescapés ont pu partager plus facilement leur histoire, tout en découvrant des profils similaires aux leurs.

Les groupes Facebook ont notamment joué un grand rôle dans leurs retrouvailles, ayant permis de construire de forts liens amicaux, malgré la distance entre les rescapés et parfois l’impossibilité de se rendre aux commémorations.
Leur histoire commune les amène surtout à créer des liens, entre des individus qui, sans ce souvenir partagé, ne se connaîtraient probablement pas :
« On a ça en commun, c’est comme si on se connaissait, et c’est ce fil-là qui [nous lie]. »
« On rencontre des gens que dans la vie courante je ne côtoierais pas du tout. […] On a l’impression de se connaître sans se connaître, on vient tous pour la même chose . »
50 ans après, ils se retrouvent ainsi en mémoire de cet événement, au Vietnam, à Hô Chi Minh-Ville.
Un voyage au Vietnam pour retrouver ses racines
Pour certains rescapés, leur premier retour au Vietnam suscite des sentiments particuliers. Les rescapés témoignent en effet d’une sensation de ne pas « être ailleurs », de voyager chez soi. Un retour sur leurs racines encore plus fort à mesure que continue leur voyage sur leur terre de naissance, notamment à l’occasion de la découverte de l’orphelinat et des lieux de mémoire liés au crash.

Leur héritage vietnamien a tout de même pu leur être transmis, par la famille, et par un environnement composé de nombreux membres de la diaspora vietnamienne en France et à Paris.
Pour certains, la volonté de renouer avec leurs origines s’est manifestée assez tardivement, au moment de fonder une famille :
« La recherche de mes origines a commencé quand je suis devenue maman. Avant 22 ans, ça ne m’intéressait pas spécialement, mais j’étais fière de mes origines. […]. Quand je suis devenue maman, je me suis dit : qu’est-ce qui peut pousser une mère à devoir laisser son enfant ? Ça a été le déclic ».
Pour d’autres, la revendication de leurs origines vietnamiennes et la volonté d’en apprendre davantage sur leur passé a été moins évident. L’isolement, « être le seul asiatique »… autant de blocages dépassés au moment de devenir parent, ou de déménager dans un environnement plus propice à l’ouverture de soi et la découverte de son héritage.
La recherche de leurs origines et de potentiels proches a pu se faire par des tests ADN, avant leur interdiction en France, ce qui a permis à l’un des rescapés de retrouver des cousins. Une banque de données concernant les tests ADN est même élaborée en continu afin de faciliter cette recherche ; le tournage d’émissions a aussi parfois mené à retrouver de potentiels proches et parents à la recherche de leurs enfants.
Malgré toute leur volonté d’en apprendre davantage sur leurs origines, les rescapés l’assurent : s’informer ne signifie en rien renier leurs parents « adoptifs », qu’ils considèrent pleinement comme leurs parents, ceux qui les ont élevés, leur famille.
Transmettre, partager
Après avoir davantage pris connaissance de leur héritage, la plupart des rescapés souhaitent informer sur leur histoire et celle du drame du 4 avril 1975.
L’objectif premier : faire connaître l’opération Baby-Lift, un événement volontairement passé sous le tapis en France à l’époque, afin d’éviter un incident diplomatique avec le Vietnam.
L’une des rescapées présente au cours de cette discussion, particulièrement médiatisée, est également membre dans une association en lien avec les adoptions illégales. Elle est aussi engagée contre l’association qui, à l’époque, a organisé son adoption, ses dérives, et son manque de transparence.
Pierre Bellet, et son documentaire « Les Enfants du Ciel »
Par sa voisine, qui a pris le dernier avion de l’opération Baby-Lift, le réalisateur a décidé d’en apprendre plus sur cette série d’événements, et de la faire connaître au plus grand nombre.

Parfois confronté aux différences de récits selon les pays, il tient à fonder son travail sur « leurs histoires », comme il nous le dit :
« Ce qui m’intéresse, c’est eux, c’est leur vision, comment ils le perçoivent, eux qui l’ont vécu. »
L’accent est ainsi mis sur les expériences individuelles, sur le vécu des rescapés.
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