Adam Koulaksezian, directeur exécutif de la Chambre de Commerce et d'Industrie France-Vietnam, a accepté de nous recevoir. Arrivé au Vietnam il y a six ans et directeur de la CCIFV depuis le début de l'année 2020, il revient sur les enjeux économiques actuels pour les entreprises françaises au Vietnam, ainsi que sur le succès du French Tech Summit 2025, événement dont la Chambre a été co-organisatrice de l’événement.


LPJ : Depuis plus de cinq ans à la tête de la CCIFV, avez-vous observé des évolutions notables dans l'écosystème des entreprises françaises ici ? On constate que le paysage évolue rapidement.
J'ai constaté pas mal d'évolutions dans le sens où je suis arrivé quelques mois avant la pandémie. On a vu plusieurs séquences, on va dire. La pandémie évidemment qui a ralenti l'ensemble de l'économie ici aussi au Vietnam. Le Vietnam s'en est pas trop mal sorti. J'ai connu la reprise post-Covid. On peut voir cette évolution avec un écosystème français, des entreprises plutôt dynamiques, assez hétéroclites, parce qu'il y a des grands groupes et des PME, il y a des EFE d'entreprises de français à l'étranger.
Oui, je dirais une bonne dynamique. Je pense qu'on parle beaucoup du Vietnam mais pas forcément assez pour ce qu'il est actuellement. Je me réjouis de voir cette dynamique, de voir qu'on a une visite présidentielle et qu'on parle de plus en plus du Vietnam.
LPJ : Qu'en est-il des idées reçues selon lesquelles le Vietnam est perçu comme un pays à fort potentiel avec une main-d'œuvre à bas coût ?
J'ai eu des conversations avec des gens qui ne se rendaient pas compte de l'état de développement du Vietnam. Il y a des gens qui pensent que le Vietnam est un pays très agricole - ce qui n'est pas faux -, mais très peu développé. Il y a des gens qui pensent qu'on parle français au Vietnam aussi. Je pense qu'il faut casser ce mythe. Il faut voir que le Vietnam est en train de se positionner comme atelier du monde avec de plus en plus de technologies.
LPJ : La visite du président Macron peut-elle soutenir les intérêts économiques français et renforcer l'influence de la France dans la région, face à une concurrence étrangère croissante ?
C'est peut-être là-dessus que je voulais insister : il y a beaucoup de fantasmes sur le Vietnam. Moi, je dis à tout le monde : « Venez au Vietnam. Venez à Hô Chi Minh- Ville, venez à Hanoi, rendez-vous compte de la réalité. » Et je suis assez certain que beaucoup d'étudiants, de jeunes professionnels, d'entrepreneurs et de grands groupes, une fois qu'ils sont au Vietnam, se diront : « Ah, en fait, il se passe quelque chose. » Cela fait plus de cinq ans que je suis ici et je reste parce que je me dis : « Il se passe quelque chose. »
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La French Tech Summit a abordé un large éventail du sujet. Ils ont parlé de l'intelligence artificielle, de blockchain, même de beauté. Est-ce que, selon vous, tous ces sujets reflètent les multiples opportunités au Vietnam pour les entrepreneurs français ou plus largement étrangers ?
Lors de l'événement d'hier, nous avons pu constater une multitude d'expertises françaises, avec la participation de petites entreprises, d'entrepreneurs et de grands groupes. Cela a vraiment mis en lumière les nombreuses opportunités que ces entreprises peuvent saisir. Je pense à divers secteurs. Par exemple, la beauté et la cosmétique, qui sont des domaines très dynamiques au Vietnam. De même, le secteur de la santé est très porteur pour la France au Vietnam. Je pense que le fil conducteur de cet événement était l'innovation. Nous avons la chance d'avoir de nombreuses entreprises françaises innovantes.
Le Vietnam offre aujourd'hui de nombreuses opportunités pour les entreprises françaises à deux niveaux : d'une part, pour les entreprises françaises souhaitant vendre des produits ou des services au Vietnam, où une classe moyenne de plus de 100 millions d'habitants crée une forte demande pour les produits et l'expertise française. C'est une première chose : le Vietnam en tant que marché et partenaire pour la fourniture de produits et services.
D'autre part, cela peut également s'inscrire dans le cadre de l'innovation, où se situent les enjeux majeurs. Le Vietnam produit déjà beaucoup, étant champion de l'exportation de crevettes, de chaussures de sport, de fruits et de noix de cajou.
L'enjeu, évoqué hier, est de savoir comment nous, entreprises françaises, pouvons contribuer au développement du Vietnam, en ajoutant de la valeur sur l'échelle mondiale. Comment passer de l'exportation de produits peu transformés à des produits à plus forte valeur ajoutée pour mieux positionner le Vietnam dans le commerce international. Cela concerne de nombreux domaines, mais toujours avec cette idée centrale d'innovation et d'apport de valeur.
LPJ : N'y a-t-il pas un enjeu de concurrence avec l'économie nationale ? Comment concilier le développement des entreprises locales, votre mission de soutien, et la concurrence qui en découle ?
Je pense que c'est une question extrêmement importante. L'objectif est de maintenir une dynamique française et de veiller à ce que les entreprises françaises restent compétitives et rentables, au bénéfice des Français.

Je rappelle que la CCI France Vietnam est un club d'entreprises. Nous parlons donc pour nos membres et pour nos entreprises. Cependant, nous avons toujours en tête de défendre les intérêts de la France et des Français.
Les réussites des entreprises, notamment celles des entrepreneurs français à l'étranger (EFE), sont essentielles. Nous les soutenons au quotidien. Les PME françaises que nous accompagnons ici au Vietnam, dont 70 % de nos membres sont des PME impliquées dans l'export, en sont un exemple.
Focus sur la présence économique française au Vietnam : IDE et EFE
Évidemment, je pense qu'il y a un enjeu de concurrence potentielle avec la production française. Je pense qu'il faut travailler avec des produits qu'on importe, qu'on ne produit pas en France, tout simplement, sur lesquels on n'a pas d'expertise.
Encore une fois, j'ai cité des fruits exotiques, des noix de cajou. Je pense qu'il faut identifier des produits qui sont nécessaires, qui sont importés en France, et qui peuvent être valorisés aussi par des entreprises françaises au Vietnam.
LPJ : En tant qu'organisateur et coordinateur de l'événement, comment s'est déroulée la collaboration avec l'ambassade, la French Tech, ainsi qu'avec le secteur privé ?
Pour ma part, je n'étais pas impliqué dans tous les rouages. J'ai eu la chance de pouvoir compter sur une équipe très compétente, notamment Agathe, notre directrice de la communication événementielle, qui a joué le rôle de chef d'orchestre pour cet événement. Nous, à la CCI, nous étions, pour ainsi dire, les opérateurs de cet événement, avec nos 20 collaborateurs à temps plein.
Nous avons la chance, et il faut le souligner, d'avoir au Vietnam une chambre de commerce autonome financièrement, et performante lorsque l’on a besoin d’elle. Ainsi, la CCI s'est chargée de la mise en place de l'événement, de donner corps à la tête pensante qui a guidé la stratégie de cet l'événement et mené la sélection des intervenants. Je crois franchement que l'on peut dire que c'était de très haut niveau.
Les nouvelles ambitions de la French Tech au Vietnam
C'est vraiment le conseil d'administration de la French Tech, tous bénévoles, qu'il faut souligner, sous la houlette de leur président, Alexandre Sompheng, qui s'est positionné comme le véritable capitaine de cette équipe de France. Je pense donc que l'on peut dire que c'est un très beau succès collectif.
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