Kaouthar, doctorante en biologie moléculaire âgée de 29 ans, est tunisienne. En 2012, elle quitte Djerba pour faire un master international à Nancy, puis elle lève les voiles vers l’Allemagne dans le but d’y écrire sa thèse. Antoine, auto-entrepreneur de 35 ans dans le domaine du design industriel, est français. En 2012, il s’expatrie en Allemagne pour le travail. Si ni l’un ni l’autre ne sont originaires du pays de Goethe, c’est pourtant dans la ville de Mayence qu’ils vivent tous deux aujourd’hui. Entretien avec un couple pour lequel un seul mot d’ordre règne : ouverture d‘esprit !
Lepetitjournal.com/francfort : quand et comment avez-vous rencontré votre partenaire ?
Kaouthar : c’était il y a quelques années, dans le cadre de soirées francophones organisées par un ami en commun à Mayence. C’est là que j’ai rencontré Antoine.
Antoine : c’est bien ça.
Qu'est-ce qui vous a le plus séduit chez l'autre et/ou dans sa culture ?
Kaouthar : c’est la facilité que j‘avais de communiquer avec lui. Antoine fait en effet preuve d’une grande ouverture culturelle et avec lui on peut discuter de différents sujets, bien au-delà de la culture tunisienne ou française.
Antoine : son sourire m’a plu. Son ouverture et sa curiosité aussi, ces qualités sont très importantes dans notre relation. Le fait qu’elle se soit construite toute seule en Europe m’a également séduit.
Et ce qui vous a le moins séduit ?
Kaouthar : (Rires). C’est difficile, mais si je devais dire une chose, ce sont les différences qui existent entre nos deux cultures en ce qui concerne les rendez-vous amoureux. En Tunisie, c’est l’homme qui prend toutes les initiatives. Avec les Français, ça doit venir des deux côtés, chacun paye sa part, ce qui m’a un peu déstabilisée lors de nos premiers rendez-vous !
Antoine : en fait rien ne m’a déplu chez elle.
Dans votre vie quotidienne, vos différences culturelles se remarquent-elles et posent-elles parfois problème ?
Kaouthar : en fait, comme j’étais déjà habituée à la culture française, le choc culturel a été moins dur qu’avec les Allemands. Prenons l’exemple des repas : nous avions tous deux l’habitude de manger chaud le midi et le soir alors que de nombreux Allemands mangent froid le soir, et nous mangeons aussi plus sucré que salé, le repas en Allemagne ne se termine pas toujours par un dessert. Mais s’il y a quelque chose que je ne comprends pas chez Antoine, c’est le fait que son anniversaire soit pour lui si important, alors que pour moi ça ne l’est pas du tout ! (Rires). Mais j’essaye de comprendre et de lui faire une fête à ce moment-là. Aussi, au quotidien, j’aimerais qu’on parle un peu plus arabe à la maison.
Antoine : je connais quelques mots d’arabe mais c’est une langue très dure. Sinon, je n’ai pas vraiment d’idées... On sait faire des compromis, par exemple par rapport à l’alimentation de Kaouthar qui est musulmane et qui ne mange que de la viande hallal, alors que moi j’adore les pâtes à la carbonara ! (Rires). Mais on s’arrange toujours au quotidien et ce n’est pas si contraignant que ça.
Kaouthar : il y a aussi la religion, non ? Toi tu ne connaissais rien à cela avant !
Antoine : ah oui, c’est vrai. En Tunisie, la religion tient en effet une place très importante : le vendredi, tous les hommes se rendent à la mosquée, ce qui est différent en France et en Allemagne. Mais nous n’allons en Tunisie que deux ou trois fois par an, donc ce n’est pas un problème au quotidien.
Justement parlons religion. Kaouthar, vous êtes donc musulmane et Antoine catholique. Comment s’organise votre quotidien par rapport à vos croyances ?
Kaouthar : pour moi, c’est important de vivre ma religion comme je le faisais en Tunisie, sauf qu’ici je ne porte pas le voile (par choix personnel). Mais être musulmane en Allemagne, ce n’est pas toujours facile, notamment lorsqu’il s’agit d’adapter ses horaires lors du ramadan. Antoine a essayé le jeûne avec moi pendant quelques jours et moi j’ai fêté Pâques et Noël à ses côtés. Chez nous, la prière dure 10 minutes et j’ai dû assister à une messe de Noël de 3 heures, c’était long ! (Rires).
Antoine : même pour moi c’était trop long ! (Rires). De toute façon, l’important c’est de s’ouvrir à la religion de l’autre et d’essayer, comme je l’ai fait avec le ramadan et comme l’a fait Kaouthar avec les fêtes de Pâques et Noël.
Et dans votre entourage, avez-vous rencontré des problèmes d'acceptation ou de compréhension de votre couple mixte ?
Kaouthar : comme j’évolue dans un environnement international en Allemagne, ici mon entourage n’a pas du tout eu de problèmes avec cela. C’est avec ma famille en Tunisie que ça a été plus compliqué, mais c’était plus par rapport à la religion que le fait d’être en couple avec un étranger, en particulier un Français, car ce n’est justement pas rare de voir des couples franco-tunisiens.
Antoine : au début, ça a été compliqué avec mes parents, surtout avec ma mère, qui, en tant qu'infirmière en collège et lycée, depuis peu à la retraite, a travaillé avec beaucoup d’élèves d’origine maghrébine avec lesquels c’est assez difficile… Du coup, elle pensait que c’était comme ça partout car elle était imprégnée de beaucoup de clichés. Mais quand on prend le temps d’apprendre à connaître les gens, on se rend compte que pas du tout.
Comment avez vous vécu la période de crise sanitaire et l’éloignement de vos proches ?
Antoine : nous sommes des personnes assez travailleuses, mais j’avoue qu’être à deux en télétravail à la maison, ça n’a pas toujours été facile. On est très sociables et on a toujours besoin de faire de nouvelles rencontres, ce qui nous a manqué pendant cette période d’isolement. Aussi, de mon côté, en tant qu’indépendant, j’avoue que ces derniers mois m'ont vraiment tiré vers le bas.
Kaouthar : j’étais en home office, donc tout s’est plutôt déroulé normalement au niveau de mes cours, la seule chose qui changeait de mon quotidien, c’était au niveau des expériences en laboratoire, il n’y avait par exemple pas de manipulations, ce qui m’a beaucoup manqué. Par ailleurs, je m’inquiétais pour ma mère et ma sœur en Tunisie : c’était difficile car on ne savait pas ce qui allait se passer… D’ailleurs comme on se prépare pour une 2ème vague en Allemagne, je ne suis malheureusement toujours pas retournée en Tunisie...
Vous vous êtes mariés le 30 août 2019 en Allemagne. Avez-vous rencontré des difficultés administratives en tant que Tunisienne et Français en Allemagne ?
Kaouthar : oh oui ! (Rires). Je suis née à Paris mais je n’ai que la nationalité tunisienne. Au moment de présenter mon acte de naissance, les autorités allemandes l’ont refusé car je ne suis pas Française ! Il a donc fallu aller chercher un acte de naissance en Tunisie, le faire valider par le ministère de l’Intérieur… une vraie galère !
Antoine : de mon côté rien de tout ça, j’ai juste aidé Kaouthar dans ses problèmes administratifs.
Quel est votre endroit préféré à Mayence ?
Kaouthar : j’aime beaucoup la « Altstadt » (vielle ville).
Antoine : en ce moment, on adore aller pique-niquer dans le quartier de Zollhafen à Mayence, car c’est assez isolé et qu’il n’y a pas beaucoup de monde.
Quel a été votre plus beau fou rire ?
Kaouthar : ce matin non ? Ou hier soir ?
Antoine : non, c’était au restaurant gastronomique à Berlin !
Kaouthar : ah oui, nous sommes allés récemment à Berlin à l’ambassade. Nous mangions dans un restaurant très chic et quand les plats sont arrivés, c’était de simples petites salades, bref rien de ce qui était indiqué au menu !
Quel a été son plus beau cadeau ?
Kaouthar : matériellement parlant, ce serait le vélo qu’il m’a offert pour Noël 2019. Mais sinon, ce serait juste lui, le fait qu’il existe sur cette terre.
Antoine : c'est elle et la découverte de sa culture.
Vos projets à deux ? Comptez-vous rester en Allemagne ? Avoir des enfants ?
Kaouthar : en ce moment nous regardons particulièrement les offres immobilières. Tout dépendra de ma situation professionnelle l’année prochaine, quand j’aurai fini ma thèse.
Antoine : pour l’instant on ne s’imagine ni rentrer en Tunisie, où ce serait compliqué au niveau du travail, ni en France où le statut d’auto-entrepreneur est plutôt mal vu selon moi au contraire de l'Allemagne et où je trouve les gens plus racistes qu’ici. Nous comptons bien sûr avoir des enfants, qui, en plus de la langue et la culture allemande auxquelles nous les initierons, apprendront aussi le français et l’arabe.
Kaouthar : allemand, français, arabe, anglais… ça commence à faire beaucoup ! (Rires)
Quel objet pourrait être le symbole de votre relation et pourquoi ?
Kaouthar : ce n’est pas un objet mais je dirais le Rhin, au bord duquel on s’est beaucoup retrouvés.
Antoine : les briks à l’œuf !
Si vous deviez définir votre relation en un mot, quel serait-il ?
Antoine : évidence.
Kaouthar : de même !