Ils ont déjà fêté leurs noces d’or et s’apprêtent à célébrer leur 53ème anniversaire de mariage : c’est Colette et Hermann, un couple franco-allemand attachant et intarissable dont le témoignage riche, tantôt cocasse, tantôt émouvant, sur leur histoire aussi longue que le Traité de l’Elysée, aurait presque mérité un ouvrage.
Retour en 1963 où Colette encore étudiante en droit à Paris, part en vacances avec ses copines sur la Costa Brava, au nord-est de la Catalogne. Hermann, jeune étudiant allemand parlant un peu français, est lui aussi en vacances en Espagne avec quelques camarades de l’université de Heidelberg. Au cours d’une soirée entre amis à l’ambiance estivale, Hermann invite à danser la jeune Colette. Les deux étrangers l’un en face de l’autre, font plus ample connaissance. Puis la rentrée approche à grand pas et Colette doit rentrer à Paris. Soudain, elle aperçoit à la fenêtre du salon, son amour de vacances venu en Vespa depuis l’Allemagne pour la retrouver. Lepetitjournal.com/francfort a cherché à en savoir plus…
Lepetitjournal.com/francfort : quand et comment avez-vous rencontré votre partenaire ?
Colette : j’ai rencontré Hermann en septembre 1963 quand j’étais en vacances sur la Costa Brava en Espagne. Il se trouve qu’il y avait au même moment un groupe d’étudiants de l’université de Heidelberg. Il m’a d’abord invitée à danser puis nous avons fait plus ample connaissance. Il parlait déjà un peu français alors on s’est très vite compris.
Hermann : nous étions en boîte de nuit, puis j’ai vu cette fille qui m’a tout de suite plu. Je faisais à l’époque un peu de danse de salon alors je l’ai invitée à faire quelques pas avec moi.
Comment avez-vous gardé le contact à la fin des vacances ?
Colette : un mois après, j’étais de retour à Paris pour mes études. Moi qui pensais que c’était un amour de vacances et que je ne le reverrais probablement jamais. Un jour, alors que je regardais par la fenêtre du salon par pur hasard, j’ai aperçu une Vespa rouge, c’était celle de Hermann qui était au café du coin en train de prendre un remontant après tous les kilomètres qu’il avait parcourus. Il est ensuite venu sonner à l’appartement dans lequel j’habitais avec ma mère. Il avait fait toute la route depuis Heidelberg avec des journaux sous sa canadienne pour se protéger du froid. Nous avons trouvé une chambre d’hôtel pas très chère en plein Paris pour qu’il puisse loger quelques jours.
Hermann : j’ai décidé de partir avec ma Vespa la rejoindre à Paris. Je m’étais protégé avec des journaux car il faisait assez froid. Nous nous sommes retrouvés un après-midi et j’ai logé pendant 3 jours dans un hôtel très rudimentaire à côté de chez elle et sa mère. Nous avons alors entamé une relation à distance entre Heidelberg et Paris.
Qu'est-ce qui vous a le plus séduit chez l'autre et/ou dans sa culture ?
Colette : je l’ai trouvé différent des autres étudiants que je pouvais côtoyer à l’université. A Paris, les garçons étaient arrogants, prétentieux et cherchaient à impressionner les filles. Quant à Hermann, il était beaucoup plus simple et très charmant surtout quand il s’exprimait en français, j’aimais son petit accent allemand.
Hermann : je dois avouer qu’elle me plaisait physiquement mais je l’ai trouvée tout de suite intéressante et cultivée et le fait qu’elle soit française m’a attiré. La France est un pays qui m’a toujours passionné, j’aime sa langue, sa culture et son art de vivre.
Et qu'est-ce qui vous a le moins séduit chez l'autre ?
Colette : j’ai remarqué quelques temps après le début de notre relation, que Hermann était différent quand il parlait en allemand. J’ai eu l’impression que ce n’était plus la même personne, je le trouvais plus dur lorsqu’il s’exprimait dans sa langue maternelle.
Hermann : ce qui m’a le moins séduit, c’est peut-être son côté citadin même si elle savait rester malgré tout très simple.
Dans quelle langue est-ce que vous communiquez ?
Colette : nous avons toujours parlé en français ensemble. Quand nos enfants ont commencé à grandir et qu’ils comprenaient le français mais nous répondaient en allemand, alors mon mari en faisait de même. J’ai dû me mettre à parler allemand avec mes deux enfants aussi mais pas avec Hermann.
Hermann : à l’université, j’étudiais le français alors nous avons toujours échangé en français sauf avec les enfants. Colette ne parlait pas du tout allemand à l’époque.
Pourquoi vous êtes-vous installés en Allemagne et pas en France ?
Colette : en raison de nos études, nous avons vécu une relation à distance pendant 3 ans. J’ai commencé à travailler en tant qu’assistante de direction à l’université Paris-Sorbonne pour pouvoir payer le billet de train une fois par mois environ. Je voyageais en train de nuit et arrivais le matin. Quand nous avons vu que la relation était sérieuse, j’ai décidé de le rejoindre en Allemagne car nous ne pouvions plus faire ces allers-retours. Nous nous sommes ensuite mariés en 1966 en Allemagne. Puis nous avons eu notre première fille en 1972, c’est à ce moment là que j’ai pris conscience que je devrais m’installer pour de bon.
Hermann : mon diplôme de professeur en poche, j’ai commencé à enseigner à Francfort où nous avons décidé de nous installer. Nous voulions vivre ensemble et Colette n’avait plus envie de continuer ses études de droit à Paris.
Dans votre vie quotidienne, vos différences culturelles se remarquent-elles et posent-elles parfois problème ?
Colette : l’Allemagne est un pays qui m’était complètement étranger au début de notre relation et pour lequel je n’avais pas le moindre intérêt. Je ne voulais pas « m’enraciner » en Allemagne mais mon mari me disait « Tu auras une culture en plus ». Je reste cependant attachée à la France, nous nous intéressons toujours aux actualités françaises et allons souvent en vacances dans l’Hexagone. Par ailleurs, mon mari s’est toujours intéressé à la France.
Sinon je trouve en Allemagne, les gens bien plus passifs quand il y a des débats politiques et sociétaux. J’ai l’impression que les personnes contestent moins les idées et obéissent plus facilement à des décisions politiques par exemple. Aujourd’hui, même si je me sens très bien ici avec ma famille, je me sentirai toujours un peu différente et pas totalement intégrée.
Hermann : oui elle voit les choses différemment, elle aime beaucoup polémiquer. Son influence française se ressent à la maison, nous avons toujours écouté les actualités françaises mais cela ne me dérange absolument pas.
Avez-vous rencontré des problèmes d'acceptation ou de compréhension de votre couple mixte dans votre entourage ?
Colette : mes parents l’ont tout de suite trouvé adorable mais ma mère trouvait qu’épouser un étudiant fauché et allemand en plus n’était pas un assez bon parti pour moi après tous les efforts qu’elle avait faits pour me trouver des futurs gendres bien « comme il faut » ! Mon frère était plus réticent en ce qui concerne notre relation, surtout quand j’ai décidé de m’installer avec lui en Allemagne. Aussi, dans les années 60, la mentalité d’après-guerre était encore présente en Allemagne. En tant que Française, la plus vieille génération notamment me regardait d’un mauvais œil. Je me rappelle d’un voisin qui m’insultait en balançant des « sale Française ».
Hermann : non pas vraiment, toute ma famille l’a très vite acceptée.
Que pensez-vous de la relation franco-allemande aujourd’hui au sens large ?
Colette : il existe beaucoup de différences culturelles entre les deux pays, ce qui pousse à une forme de rejet parfois. Les élèves allemands sont minoritaires à choisir le français comme deuxième langue et réciproquement. Même si la réconciliation a eu lieu, cette amitié franco-allemande ne se voit parfois qu’au niveau diplomatique.
Hermann : je trouve ça bien qu’on continue les échanges entre nos deux pays.
Quel est votre endroit préféré dans la région ?
Colette : les bords du Rhin ou bien les montagnes du Taunus, nous nous promenons souvent là-bas.
Hermann : les bords du Main à Francfort.
Quel a été son plus beau cadeau ?
Colette : la bague de nos fiançailles que j’avais égarée, et qu’il m’a réofferte à l’occasion de la naissance de notre première fille.
Hermann : une chaîne en or pour un de mes anniversaires.
Quel objet pourrait être le symbole de votre relation et pourquoi ?
Colette : une Vespa car nous avons vécu tellement de choses avec.
Hermann : une voiture, cela symbolise l’invitation au voyage.
Si vous deviez définir votre relation en un mot, quel serait-il ?
Colette : l’amour, pas l’un sans l’autre. Hermann est comme ma béquille ou bien le « bâton de pèlerin », j’aurai toujours besoin de lui.
Hermann : la sincérité.