Édition internationale

Antoine Verger, Ecovadis : la climate tech depuis Hambourg

Antoine Verger a rejoint la licorne française EcoVadis en décembre 2024, en tant qu'expert chargé de calculer l'empreinte carbone du côté des produits. Ce Limousin, installé à Hambourg depuis une dizaine d'années, nous parle de son départ pour l'Allemagne et de sa bifurcation vers la climate tech, d'abord en tant que cofondateur d'une start-up, Yook, puis en tant qu'expert chez Ecovadis.

Portrait de face et buste d'Antoine Verger, homme blanc avec les cheveux bruns et courts, qui sourit en regardant l'objectifPortrait de face et buste d'Antoine Verger, homme blanc avec les cheveux bruns et courts, qui sourit en regardant l'objectif
Antoine Verger chez Yook © Linda Brack
Écrit par Pénélope Le Mauguen
Publié le 28 mai 2025, mis à jour le 29 mai 2025

L'Allemagne, une révélation tardive

 

Pour comprendre la trajectoire professionnelle d'Antoine Verger et son ancrage hambourgeois, il faut d'abord faire un détour par la case personnelle. A l'origine, ce natif de Limoges n'a « aucune connexion avec l'Allemagne », nous confie-t-il. Le bac en poche, il part étudier l'informatique et les mathématiques à Bordeaux. S'il caresse un temps l'idée de se consacrer à la recherche scientifique en université, le manque de financements chronique auquel fait face la recherche publique en France le convainc de s'orienter plutôt vers l'industrie. Ce sera donc un poste de consultant informatique chez Orange, toujours à Bordeaux.

Jusqu'à cette soirée, organisée par un colocataire fêtard, lors de laquelle il rencontre sa future femme, Allemande de passage dans la cité girondine pour une semaine... qu'ils passeront ensemble. « Je ne parlais pas allemand et mon anglais était très moyen. Je ne sais même pas comment nous avons fait pour nous comprendre », relate-t-il dans un sourire. Suivent deux années de relation à distance, puis le fameux questionnement, dans lequel les couples binationaux se reconnaîtront sûrement : où s'installer à deux ?

La réponse sera : en Allemagne, et plus précisément à Lübeck pendant les premières années. Une expérience qu'Antoine Verger qualifie d'enrichissante mais difficile, car il lui faut d'abord apprendre l'anglais pour le travail, l'allemand n'arrivant que bien plus tard. Au bout de trois ans, le couple déménage à Hambourg, plus internationale, plus dynamique. Depuis son expérience à Orange, Antoine Verger s'est passionné pour le produit, c'est-à-dire « comprendre les peines et souffrances des utilisateurs d'Orange, et amener la technologie à leur service ». À Hambourg, il rejoint d'abord un laboratoire d'innovation produits chez Otto, puis devient chef des produits et de la technologie chez Fitfox, start-up proposant une plateforme en ligne pour réserver des activités sportives ou prendre un abonnement dans une salle de sport. Mais la pandémie de Covid-19 survient, et l'activité s'arrête brutalement. L'entreprise est contrainte de fermer à la fin de l'année 2020.

 

La climate tech et l'entrepreneuriat

 

C'est là que le virage vers la climate tech, secteur regroupant les innovations technologiques visant à mesurer les effets de la crise climatique et à y apporter des solutions, s'opère.
 

C'était un domaine qui m'attirait depuis déjà quelques années. J'ai deux petites filles, la première est née en 2017. Avant ça, je n'avais pas de réelle prise de conscience du risque du changement climatique. Mais avec le premier enfant, on commence à se poser des questions qui vont au-delà de soi-même. Je suis passé par toutes les phases des gens qui commencent à identifier le risque climatique : la panique, le déni, et puis la volonté d'agir personnellement, mais aussi à travers mon travail.

Coïncidence, juste après l'arrêt de Fitfox, Antoine Verger rencontre Varena Junge, entrepreneuse allemande spécialisée dans la climate tech. Elle vient de créer une nouvelle entreprise, Yook, a levé des fonds, et cherche un cofondateur. Le courant passe bien, et Antoine Verger est prêt à s'engager, mais, quand on est membre d'un foyer en construction, se lancer dans l'entrepreneuriat n'est pas une décision que l'on prend seul. « Je ne l'aurais pas fait sans ma femme, qui m'a soutenu. Derrière chaque personne qui prend le risque entrepreneurial, je pense qu'il y a quelqu'un qui la soutient, volontairement ou involontairement. »
 

Ce soutien garanti, l'aventure Yook commence, autour d'une question : « Peut-on amener la conscience climatique dans le e-commerce ? », et l'ébauche d'une solution : développer un logiciel permettant aux marques de calculer et de comprendre l'empreinte carbone des produits qu'elles commercialisent.
 

Le timing semble parfait. À la pandémie de Covid-19 a succédé un boom du commerce en ligne, et de plus en plus de personnes et d'entreprises prennent conscience du risque climatique. Rapidement, Yook s'éloigne cependant des acteurs du e-commerce, pour se concentrer sur les fabricants. « Ce sont eux qui ont le plus gros levier pour décarboner les produits », explique Antoine Verger. Les deux associés sont persuadés que l'approche par les produits pour aider les entreprises à décarboner leur activité est la bonne :
 

Décarboner toute une entreprise de haut en bas, c'est très compliqué, il existe très peu de produits globaux permettant une telle décarbonation. Avec Yook, nous avons aidé les entreprises à calculer leur empreinte carbone, puis à comprendre comment la réduire, grâce à l'éco-design, à savoir : qu'est ce qu'il faut changer dans une souris d'ordinateur par exemple, dans la façon dont elle est faite, ses matériaux, son utilisation, voire son recyclage, pour diminuer son empreinte carbone ?


L'aventure dure quatre ans, avec des hauts et des bas. Des années tumultueuses, l'engagement intense requis par le statut d'entrepreneur laissant peu de répit : « Autant en entreprise, on peut se mettre en arrêt maladie, autant dans une start-up, le devoirs de loyauté envers les clients, les partenaires dans l'entreprise, les investisseurs, est tellement énorme, que les gens continuent au-delà de ce qui est raisonnable », souligne Antoine Verger.
 

Jusqu'à ce constat, partagé par les deux associés, qui s'impose au cours de l'année 2024 : s'ils ont réussi à atteindre un certain nombre d'entreprises, ce n'est pas encore suffisant pour avoir un véritable impact. Or, en lançant Yook, l'objectif était d'être rapidement en mesure de changer les choses, à l'échelle du marché de masse. L'idée de se rattacher à un plus gros bateau émerge alors.

 

La rencontre avec EcoVadis

 

C'est ainsi qu'en décembre 2024, Antoine Verger et Varena Junge montent à bord d'EcoVadis, entreprise française créée en 2007, qui a désormais atteint le statut de licorne, ces start-up valorisées à hauteur d'un milliard de dollars ou plus, non cotées en Bourse et non affiliées à un grand groupe. Son activité ? Aider les grandes entreprises à comprendre leurs chaînes de valeur, en notant leurs fournisseurs selon des critères RSE. Depuis quelques années, EcoVadis a développé une offre de décarbonation, qui vise notamment à aider les acheteurs à identifier la maturité carbone de leurs fournisseurs.

 

 

Le sujet est d'autant plus crucial que, pour respecter l'accord de Paris sur le climat (2015) et limiter la hausse des températures du globe, l'Union européenne multiplie les réglementations sur les émissions et l'empreinte carbone des entreprises, à l'image du Mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF, qui devrait entrer en vigueur en 2026). Pour s'aligner sur ces nouvelles règles plus respectueuses de l'environnement, les entreprises ont avant tout besoin d'outils leur permettant de calculer leurs données carbone.


Recrutés pour leur expertise dans ce domaine, Antoine Verger et Varena Junge sont donc chargés de « développer un module Produit, c'est-à-dire de calculer l'empreinte carbone des produits des fournisseurs des grandes entreprises ». On y retrouve la passion des débuts d'Antoine Verger chez Orange pour la création d'outils technologiques au service de problématiques clients. Mais depuis, l'Elbe a remplacé la Gironde, deux enfants sont nées, et avec elles l'envie d’œuvrer, à son échelle, pour une économie décarbonée.



 

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