Née des ruines d’un centre culturel détruit par le cyclone Pam en 2015, La Maison des Francophonies de Port-Vila incarne une renaissance. Portée par des acteurs locaux, soutenue par des partenaires régionaux et internationaux et animée par une nouvelle génération de responsables engagés, elle s’impose comme un espace de dialogue, de solidarité et de formation pour la communauté francophone du Vanuatu et de la région Asie-Pacifique. Rencontre avec sa directrice, Lucie Nauka.


Un archipel francophone au cœur du Pacifique Sud
Situé entre la Nouvelle-Calédonie, les îles Fidji et l’Australie, le Vanuatu est un archipel volcanique composé de 83 îles et îlots. Indépendant depuis 1980, après avoir été administré conjointement par la France et le Royaume-Uni sous le nom de Nouvelles-Hébrides, ce pays d’environ 300 000 habitants compte aujourd’hui trois langues officielles : le bislama, le français et l’anglais. Membre de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) depuis 1979, le Vanuatu affirme son attachement à la diversité linguistique et culturelle au sein d’un espace francophone mondial.
Sa capitale, Port-Vila, située sur l’île d'Efate, constitue le cœur politique, économique et culturel du pays. Port francophone en terre mélanésienne, la ville abrite une population cosmopolite, à la croisée de plusieurs influences régionales. Outre ses liens historiques avec la France et la Nouvelle-Calédonie, le Vanuatu entretient aujourd’hui des relations stratégiques fortes avec l’Australie, la Nouvelle Zélande, le Vietnam et la Chine, qui participent à son développement économique et à sa coopération régionale.
La Maison des Francophonies s’inscrit dans cette géopolitique du lien. Fruit d’un jumelage avec la commune de Dumbéa (Nouvelle-Calédonie), elle réactive un axe francophone dans une région où les équilibres linguistiques et diplomatiques sont en pleine recomposition.

Une genèse marquée par les épreuves
Le bâtiment, financé dès 2017 par l’Agence française de développement dans le cadre d’un jumelage entre les villes de Dumbéa (Nouvelle-Calédonie) et Port-Vila, avait vu sa vocation initiale s’effacer au fil des crises, des changements politiques et des catastrophes naturelles. Ce n’est qu’en 2023, grâce à l’implication de Jennifer Audebert, Experte technique internationale déployée par Expertise France au Ministère de l’Education et de la Formation du Vanuatu que le projet a pu reprendre son souffle. L’association La Maison des Francophonies de Port-Vila a été officiellement enregistrée le 22 avril 2025 et inaugurée le 10 juin 2025, dans un contexte encore marqué par les séquelles d’un puissant tremblement de terre.

Trois pôles pour répondre aux besoins locaux
«Notre Maison est une structure de quartier, inclusive, ancrée dans les besoins concrets des habitants », explique Lucie Nauka, responsable de la Maison et correspondante nationale auprès de l’OIF.
Trois pôles structurent l’activité du lieu :
● Un centre de loisirs et de sensibilisation, axé sur les enfants et les familles, avec des jeux éducatifs, un potager pédagogique et des espaces extérieurs ouverts à la communauté.
● Un centre éco social et inclusif, dédié aux initiatives de la société civile et du secteur privé, trop souvent absents des projets francophones.
● Un centre de développement des compétences, en lien avec le Centre d’employabilité francophone (CEF) de l’AUF, qui vise à renforcer les compétences numériques et professionnelles des jeunes et des adultes, notamment des mères de famille.

«On veut démocratiser le numérique et l’accès à la lecture grâce à des liseuses, des tablettes, et un espace où chacun peut venir se former ou tout simplement lire », - Lucie Nauka
Une gouvernance locale engagée
La Maison est portée par une association dont le Conseil d’administration rassemble des figures clés du territoire :
Jenny Tasale Regenvanu, présidente et maire de Port-Vila
Bergmans Lati, vice-président et directeur général du ministère de l’Éducation et de la Formation
Georges Cumbo, secrétaire général et directeur de l’Alliance française de Port-Vila
David Henri Coulon, vice-secrétaire et coordinateur national de l’EAHE
Léa Faccarello, trésorière et directrice de NAOIA
Antoine Pasut, vice-trésorier et directeur de Topo Concept Vanuatu
Et en tant que membre expert : Emmanuelle Boutier, représentante de l’AUF au Vanuatu
Cette équipe illustre la volonté de faire converger acteurs publics, éducatifs, culturels et privés autour d’une dynamique collective. Mais elle incarne surtout une francophonie à visage humain : ancrée dans le quotidien des habitants, fondée sur l’écoute des besoins du territoire et le dialogue entre institutions et société civile. En cela, Port-Vila renoue avec l’esprit pionnier de la première Maison de la Francophonie, inaugurée à Lyon en 2008 par Abdou Diouf, alors Secrétaire général de l’OIF — un appel à faire vivre la francophonie non pas seulement dans les sommets, mais au cœur même des villes, des quartiers et des communautés.

Une Francophonie menacée, mais résiliente
Le projet s’inscrit dans une stratégie plus large de relance de la Francophonie au Vanuatu, dans un contexte de déclin préoccupant. Grâce au soutien de l’OIF, à l’engagement de la mairie et à la mobilisation citoyenne, la Maison est devenue un symbole de résilience. Elle s’affirme aussi comme tête de pont d’une francophonie plus inclusive, qui ne se limite ni aux institutions ni à l’enseignement formel.

Un modèle pour la région ?
Avec ses fondations locales solides et son ouverture vers les réseaux internationaux comme le RIMF (Réseau international des Maisons des Francophonies), la Maison de Port-Vila pourrait bien devenir un modèle pour d’autres initiatives dans la zone Asie-Pacifique. La jeunesse francophone y retrouve un lieu de formation et de socialisation, les institutions un partenaire crédible, et les habitants un espace de partage et d’émancipation.
«Le plus dur est derrière nous, maintenant tout commence », souffle Lucie Nauka. Reste à voir jusqu’où cette maison ira — et combien d’autres, à son image, verront le jour dans les territoires où la francophonie cherche à se réinventer.
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