Édition internationale

OIF, opérateurs, programmes : comment s’organise l’action concrète de la Francophonie

Quatre institutions, nées à des époques et dans des contextes différents, se sont vu reconnaître en 1995 le rôle d’opérateurs de la Francophonie. TV5 Monde, l’Association internationale des maires francophones, l’Agence universitaire de la Francophonie et l’Université Senghor d’Alexandrie constituent aujourd’hui les piliers d’une organisation qui, au-delà des sommets politiques, s’incarne dans le quotidien de millions de francophones. La Conférence des organisations internationales non gouvernementales (COING), inscrite dans la Charte de la Francophonie en 2005, complète ce dispositif en portant la voix structurée de la société civile.

Ombres devant le logo de l'OIFOmbres devant le logo de l'OIF
Photos OIF (Conférence Ministérielle de la Francophonie de Kigali octobre 2025)
Écrit par LePetitJournal Francophonie
Publié le 14 décembre 2025

 

Une mosaïque d’institutions devenue un système cohérent

Bien avant la création officielle de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), certaines structures francophones existaient déjà. L’Agence universitaire de la Francophonie, fondée en 1961 à Montréal, fédère aujourd’hui plus de 1 000 établissements d’enseignement supérieur. TV5MONDE, née en 1984 de l’alliance de chaînes publiques européennes et canadiennes, s’est imposée comme la vitrine audiovisuelle du monde francophone. La même année, l’Association internationale des maires francophones (AIMF) voyait le jour à l’initiative de Jacques Chirac, du maire de Québec et de quelques élus pionniers. Enfin, l’Université Senghor d’Alexandrie, inaugurée en 1990, s’est spécialisée dans la formation des cadres du développement africain.

En 1995, au Sommet de Cotonou, ces institutions jusque-là indépendantes furent officiellement reconnues comme « opérateurs de la Francophonie ». « Le terme souligne qu’elles ne sont pas de simples partenaires, mais des institutions chargées de traduire, dans leurs domaines respectifs, les orientations politiques décidées par les États », rappelle un ancien diplomate.

 

Disposition des représentants de l'OIF lors de la 132e session du Conseil Permanent de la Francophonie à Kigali en octobre 2025
Disposition des représentants de l'OIF lors de la 132e session du Conseil Permanent de la Francophonie à Kigali en octobre 2025. Au premier rang, les représentants des Opérateurs et au dessus la Secrétaire Générale et son secrétariat.


 

Des missions complémentaires, un même horizon

Chacun des opérateurs couvre un champ d’action clairement identifié : l’enseignement supérieur et la recherche pour l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), la coopération décentralisée pour l’Association internationale des maires francophones (AIMF), la diffusion culturelle et médiatique pour TV5MONDE, et la formation des cadres africains au développement pour l’Université Senghor d’Alexandrie.

 

Le recteur de l'AUF -  le Professeur Slim Khalbous
Le recteur de l'AUF -  le Professeur Slim Khalbous

 

Cette diversité d’expertises traduit une volonté commune : ancrer la Francophonie dans des actions concrètes et durables. « Notre force est d’être à la fois spécialisés et reliés entre nous par une même langue », souligne un responsable de l’AUF.

 

La PDG de TV5MONDE, Kim Younes
La PDG de TV5MONDE, Kim Younes

 

Cette architecture permet de donner corps aux orientations définies lors des Sommets de la Francophonie. Lorsque les chefs d’État évoquent la mobilité étudiante, l’AUF déploie des programmes structurants.

 

Le Délégué général de l'AIMF, Frédéric Vallier
Le Délégué général de l'AIMF, Frédéric Vallier 

 

Quand il est question de gouvernance locale, l’AIMF expérimente des solutions de terrain au plus près des collectivités. TV5MONDE, de son côté, assure une visibilité planétaire aux cultures francophones, tandis que l’Université Senghor forme, depuis Alexandrie, les futurs décideurs du continent africain.

 

Le Recteur de l'Université Senghor, le Professeur Thierry Verdel
Le Recteur de l'Université Senghor, le Professeur Thierry Verdel

 

 

Un cadre politique renforcé par le Secrétariat général

Deux ans après la reconnaissance des opérateurs, le Sommet de Hanoï (1997) créait le poste de Secrétaire général de la Francophonie. Louise Mushikiwabo, actuelle titulaire, incarne aujourd’hui cette fonction de coordination. Sa mission : veiller à la cohérence d’un ensemble où les opérateurs disposent de leur autonomie mais sont appelés à agir de concert.

Cette articulation entre volonté politique, exécution institutionnelle et action de terrain constitue le cœur du système francophone. Elle confère à l’OIF une capacité singulière : transformer les grandes orientations diplomatiques en programmes concrets. Parallèlement à l’action de ses opérateurs, l’OIF conduit également ses propres programmes, notamment en matière de langue française, de gouvernance démocratique et de gestion des crises.

 

Liste des Secrétaires Généraux de l’OIF
Louise Mushikiwabo (Rwanda) : Depuis janvier 2019.
Michaëlle Jean (Canada) : 2015-2018.
Abdou Diouf (Sénégal) : 2003-2014.
Boutros Boutros-Ghali (Égypte) : 1997-2002 (premier Secrétaire général)

 

Louise Mushikiwabo - Secrétaire générale depuis janvier 2019
Louise Mushikiwabo - Secrétaire générale depuis janvier 2019

 

Rôle et fonction
Le Secrétaire général est le représentant officiel de la Francophonie et dirige son secrétariat.
Il préside le Conseil permanent de la Francophonie (CPF).
Le mandat est de quatre ans et peut être renouvelé. 


 

 

Une société civile en recomposition

Trente ans après leur reconnaissance officielle, les opérateurs demeurent les piliers du dispositif francophone, articulant actions sectorielles et programmation coordonnée avec l’OIF. À leurs côtés, la société civile francophone, structurée autour de la Conférence des Organisations internationales non gouvernementales (COING), marque son vingtième anniversaire en 2025 dans un contexte qui dépasse le simple constat institutionnel.

 

À la différence des quatre opérateurs, la COING, inscrite dans la Charte de la Francophonie depuis 2005, ne met pas en œuvre de programmes : elle constitue l’espace institutionnel de représentation et d’expression de la société civile francophone.

 

Longtemps oscillant entre influence réelle et fragilité politique, la COING traverse aujourd’hui une phase de recomposition stratégique. Après une crise interne qui a mis en lumière les tensions entre acteurs et États, le médiateur Claude Musavyi a été élu président en octobre 2025 pour achever la mandature jusqu’en septembre 2026. Il défend une approche fondée sur la diplomatie citoyenne collaborative, privilégiant le dialogue structuré entre citoyens, organisations, collectivités territoriales et institutions, dans une logique de co-construction plutôt que d’opposition.

 

Claude Musavyi, Président de la COING
Claude Musavyi, Président de la COING

 

« Il ne s’agit pas de bousculer les États, mais de collaborer avec eux », affirme-t-il, revendiquant une société civile conçue comme levier d’innovation et de co-action, notamment autour de chantiers tels que la mobilité circulaire des talents, la finance responsable ou la création de hubs citoyens. Une orientation qui se veut en phase avec les défis contemporains du multilatéralisme et de l’engagement civique.

 

Opérateurs vs COING : l’essentiel

Les opérateurs — AUF, TV5 Monde, AIMF, Université Senghor — sont reconnus comme opérateurs de la Francophonie depuis 1995. Autonomes, ils mènent des actions concrètes sur le terrain, chacun dans son domaine.
La COING, inscrite dans la Charte de la Francophonie depuis 2005, représente la société civile francophone. Elle ne met pas en œuvre de programmes, mais formule recommandations et plaidoyers.

Les opérateurs agissent. La COING interpelle.

 

 

Vingt ans de diplomatie citoyenne : la COING au cœur des secousses du monde

 

Une Francophonie à l’épreuve

Dans cette perspective, la COING n’est plus seulement un corps consultatif. Elle revendique désormais la capacité de fédérer des acteurs sur cinq continents, d’alimenter les débats politiques et sociétaux, et de faire émerger des projets concrets en résonance avec les priorités de la Francophonie — de la paix à l’éducation, de la culture à l’innovation sociale. Mais l’enjeu est de taille : comment transformer cette ambition en impact durable, à l’heure où la crédibilité et l’efficacité des organisations multilatérales sont de plus en plus questionnées ?

À l’approche du XXᵉ Sommet de la Francophonie au Cambodge en 2026, une ligne de crête se dessine. La Francophonie saura-t-elle dépasser une juxtaposition d’institutions, d’opérateurs et d’instances consultatives pour construire une action réellement lisible, partagée et efficace ? Ou restera-t-elle prisonnière d’un équilibre fragile entre diplomatie d’États, autonomie des opérateurs et société civile encore en quête de légitimité ?

C’est à cette question — plus que jamais politique — que la Francophonie devra répondre.

 

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