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Succès retentissant pour la première de « Extra Time » de Pierre Rigal

Extra Time Pierre Rigal MainzExtra Time Pierre Rigal Mainz
© Andreas Etter
Écrit par Caroline Rayner
Publié le 15 juin 2020, mis à jour le 15 juin 2020

Sous un tonnerre d’applaudissements et en présence de Pascale Trimbach, Consule générale de France à Francfort, le chorégraphe toulousain Pierre Rigal a présenté la première assez particulière de sa chorégraphie « Extra Time » le 14 juin dernier au « Staatstheater Mainz ». Lepetitjournal.com/francfort a pu savourer le spectacle hors du commun de l’artiste français, une chorégraphie axée sur le temps, palpable en ce moment, alors que celui-ci est comme arrêté. Vous n’y étiez pas ? Rassurez-vous, « Extra Time » sera présentée jusqu’au 5 juillet 2020 à Mayence.

 

Fruit d’une époque incertaine et absurde

De nombreux journalistes et autres personnalités de grande importance diplomatique, comme la Consule générale de France à Francfort, Pascale Trimbach, étaient présents, pour assister à ce spectacle inédit, qui est, d’une certaine manière, le fruit de l’époque à la fois incertaine et absurde que nous vivons depuis le début de la pandémie de Covid-19. Cette chorégraphie, comme son nom l’indique, évoque la thématique du temps, particulièrement importante en ce moment, alors que nous avons l’impression que ce dernier s’est arrêté.

Selon Pierre Rigal, « Cette chorégraphie n’est pas une danse sur le coronavirus, elle en est toutefois inévitablement inspirée ». À l’origine, le chorégraphe français était supposé présenter sa chorégraphie « Welcome Everybody », qu’il préparait depuis des mois mais cet exercice s’est avéré impossible, la distance obligatoire entre les danseurs et danseuses en cette période de crise sanitaire étant de 6 mètres minimum. C’est de là qu’est née l’idée de créer une toute nouvelle chorégraphie exploitant ces règles d’hygiène strictes.

Les conditions de répétitions pour ce spectacle ont été exceptionnelles. Pendant plus de 2 mois, les danseurs ont dû répéter seuls, chez eux, car les rencontres en grand groupe étaient interdites. Progressivement, d’abord individuellement, puis en groupe entier, les danseurs ont pu répéter ensemble, et créer la chorégraphie telle qu’elle a été présentée lors de la première le 14 juin. En raison des règles d’hygiène imposées par le gouvernement, la chorégraphie comporte également d’autres particularités : il n’y a en effet pas de contacts entre les danseurs, ce qui signifie que toutes les portées ou autres figures nécessitant que ces derniers se touchent ont été bannies.

 

Photo ensemble
©Andreas Etter

 

Des décors et costumes contemporains et minimalistes

Pour « Extra Time », Pierre Rigal a opté pour la simplicité. Au lieu d’avoir, comme dans le domaine du classique, un décor qui illustre clairement la scène, « Extra Time » présentait comme arrière-plan des formes géométriques suspendues au plafond. Pour les costumes, Pierre Rigal s’est clairement inspiré du streetdance et du streetwear, avec des costumes de couleurs fluorescentes, assez amples.

Malgré l’aspect simple et minimaliste que ces éléments dégagent, le message qu’ils portent en est d’autant plus important. Le décor pourrait symboliser le fait que pendant cette période de coronavirus, le temps est comme encadré, arrêté, tout comme nos vies : interdit d’aller dehors ou encore de d’avoir des contacts physiques avec nos proches. Lors de la dernière séquence, le décor disparait,comme pour symboliser la fin des mesures strictes de notre temps de confinement. En d’autres termes, l’enlèvement des formes qui constituent le décor symbolise le début du « monde d’après ».


Une chorégraphie très elliptique

Une des particularités de ce style de danse est l’aspect elliptique qui confère au spectateur une grande liberté d’interprétation. Il y a autant de manières d’interpréter la chorégraphie qu’il y a de spectateurs. Le dénominateur commun est sans conteste le talent des danseurs. Ces derniers exécutent leurs mouvements, souvent très complexes puisque Pierre Rigal s’est grandement inspiré des contorsionnistes et du monde de la gymnastique en général, avec une précision et une souplesse remarquable. Cette justesse dans leurs gestes a permis aux danseurs de réellement donner vie à leur personnage, tout en laissant la liberté au spectateur de les interpréter librement. De plus, l’alliance parfaite entre mouvements concrets et mouvement abstraits, musique rapide et lente, donne une dimension plus profonde à la chorégraphie : à chaque séquence son propre rythme et sa propre atmosphère.

De cette manière Pierre Rigal parvient à créer une forme de scénario, qui pourrait représenter la transition du « monde confiné » au « monde d’après ». Au début, les danseurs exécutent des mouvements très axés sur eux-mêmes, symbolisant l’introspection et la solitude du confinement. Leurs expressions faciales montrent également un certain tourment et un déchirement intérieur. Au fil de la chorégraphie, les mouvements deviennent de plus en plus ouverts et les danseurs évoluent davantage de manière synchronisée jusqu’à la dernière séquence dans laquelle les danseurs se déplacent en harmonie totale.

 

photo caroline rayner
© Caroline Rayner pour Lepetitjournal.com/francfort

 

L’espoir du « monde d’après »

Cette chorégraphie met en lumière le besoin de communication et de contact, inné chez l’homme. Dès le début de la chorégraphie, la soif d’interaction et de toucher physique est comme palpable pour les personnages d’une part, mais également pour le spectateur qui éprouve comme une frustration irrationnelle du fait que les danseurs ne peuvent pas avoir d’interaction directe entre eux. Dans certaines séquences, les personnages dansent, certes de manière synchronisée et sont donc proches dans l’âme, mais éloignés physiquement.

C’est une fable de notre époque « déconfinée », aussi incertaine qu’absurde, où chacun doit redéfinir sa notion du temps, des relations et de la communication avec les autres. C’est également une critique de notre monde virtuel, qui d’une certaine façon crée des liens, mais d’une autre, instaure une solitude profonde. Mais c’est surtout une fable poétique pleine d’espoir pour le futur.

 

« Extra time »

« Staatstheater Mainz » du 14 juin au 5 juillet

Plus d’informations sur le site du théâtre.

 

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