Alors qu’il évolue avec ses danseurs depuis 4 ans dans l’univers d’Esmeralda et de Quasimodo, Stéphen Delattre, directeur artistique et chorégraphe français, formé à l'Ecole Nationale Supérieure de Danse de Marseille avec Roland Petit et installé depuis de nombreuses années à Mayence, s’est dit comme « touché en plein cœur » par l’incendie qui a ravagé la cathédrale de Paris le 15 avril dernier. Les 24, 25 et 26 mai, les derniers spectacles du ballet « Notre-Dame de Paris » de la Delattre Dance Company marqueront la fin de la saison pour la troupe de danseurs qui rendra un hommage particulier à la cathédrale. Les représentations au Mainzer Kammerspiele de Mayence s’annoncent chargées d’émotions intenses aussi bien pour les artistes sur scène que pour le public. Entretien avec Stéphen Delattre.
Lepetitjournal.com/francfort : depuis 4 ans, vous produisez le spectacle « Notre-Dame de Paris » en Allemagne. Comment avez-vous réagi à l’annonce de la tragédie du 15 avril à Paris ?
Stéphen Delattre : J'ai été en état de choc et eu peine à réaliser ce qui s'était passé. J'étais en route pour Amsterdam pour y travailler pendant quelques jours lorsque j’ai eu écho de la catastrophe. Très attristé, peiné, contrarié, choqué, j’ai même ressenti des douleurs dans tout mon corps, j’ai eu des crampes d’estomac, des pointes au cœur, je me suis senti physiquement connecté même si je n’étais pas en France au moment de l’incendie... J’ai été surpris par ces réactions viscérales mais c’est une part importante de la culture et de l’histoire française qui partait en fumée, un véritable désastre. La catastrophe aura marqué l'histoire un peu comme le 11 septembre.
Quelle est votre relation à la cathédrale et au roman historique de Victor Hugo publié en 1831 ?
Notre-Dame de Paris, c'est pour moi un lieu de rencontre et de recueillement, c'est un lieu situé au centre de la France mais aussi au centre de l'Europe, un symbole fort de la religion mais aussi de l'amour, l'amour pour Dieu mais aussi l'amour pour une femme, Esmeralda, un des personnages principaux de l’œuvre de Victor Hugo dont les écrits me touchent beaucoup.
Pourquoi avoir choisi ce thème pour votre ballet ?
J'ai créé le spectacle « Notre-Dame de Paris » d'après l’œuvre de Victor Hugo car celle-ci m’a non seulement touché mais fortement inspiré pour monter la chorégrahie. Je me suis basé uniquement sur l'œuvre écrite Notre-Dame de Paris et non pas le Bossu de Notre-Dame qui est une version de Walt Disney un peu plus commerciale. J’ai vraiment veillé à respecter la trame et l’histoire du roman historique de Victor Hugo qui se déroule dans le Paris médiéval avec l'archidiacre Frollo dans le rôle principal.
Ce qui m’intéresse, c’est que le roman aborde des sujets d’actualité de notre société comme l'apparence, la beauté extérieure et la beauté intérieure. Le personnage de Quasimodo, le sonneur de cloches très laid, n'est pas quelqu'un de mauvais, cependant en raison de son apparence extérieure, celui-ci est rejeté et porte le fardeau de nombreux maux, alors qu’Esméralda, sublime, envoûte par sa beauté étincelante. C’est cette
relation à certains personnages d’un livre sombre et sanglant que j'ai voulu ramener à la vie sur scène de manière poétique et tout à la fois dramatique. Aussi, étant Français en Allemagne avec pas mal de danseurs français dans la troupe, j’ai trouvé normal de ramener une œuvre française et faire rayonner la culture française outre-Rhin, d'autant plus que mon premier spectacle de ballet intitulé Momo, s’inspire de l’œuvre de l’écrivain allemand Michael Ende. Nous sommes très peu de chorégraphes en Allemagne et dans le monde, trois ou quatre je crois, incluant Roland Petit, à avoir chorégraphié Notre-Dame de Paris contrairement à Casse-noisette ou le Lac des Cygnes.
Où peut-on encore voir le spectacle à part à Mayence où est basée votre troupe ?
Le ballet a été présenté à Mayence en « Word première » il y a 4 ans mais aussi dans un décor un petit peu plus réduit au théâtre Gallus à Francfort. On a tourné dans plusieurs villes en Allemagne mais aussi en France et en Suisse. En revanche, nous jouerons les trois derniers spectacles à Mayence au Mainzer Kammerspiele après 4 ans de production les 24, 25 et 26 mai !
Vos spectacles sur le thème de Notre-Dame sont désormais rodés. Qu'est-ce que la catastrophe du 15 avril va changer pour vos prochains spectacles des 24, 25 et 26 mai à Mayence ?
Les trois dernières représentations sur scène seront définitivement dédiées à la tragédie du 15 avril dernier à Paris. Il y aura un petit mot avant le ballet et j'espère que beaucoup de gens seront intéressés par les spectacles, d’une part parce que ce sont les derniers de la saison après 4 ans de production intense mais aussi car ils rendront hommage à la cathédrale Notre-Dame de Paris. Je pense que nous allons vivre de grands moments d'émotion, les danseurs qui sont avec nous depuis 3 ou 4 ans danseront pour la dernière fois sur scène. Certains d’entre eux sont français comme les danseurs qui incarnent Esmeralda et Frollo et sont aussi très concernés par la catastrophe.
Puisque vous me donnez la parole, je voudrais ajouter que la Delattre Dance Company qui existe depuis maintenant 7 ans à Mayence avec un chorégraphe français et des danseurs français, est un peu devenue comme une institution dans la ville. Nous avons eu la chance par le passé de collaborer étroitement avec l’Institut français de Mayence, et ce pendant 5 ans jusqu’en 2017. Nous espérons pouvoir travailler à nouveau avec des partenaires institutionnels sur des projets pour continuer à proposer une plateforme à des artistes français et faire rayonner la culture française en Allemagne.
Site de la Delattre Dance Company
Vidéo du spectacle