A l’occasion des élections irlandaises, la sénatrice des Français établis hors de France, Vice-présidente du sénat, Hélène Conway-Mouret est allée à la rencontre des Français vivant en Irlande lors de réunions publiques à Cork et Dublin. Elle a également questionné ses nombreux amis politiques irlandais sur Un scrutin dont le résultat était inattendu. L’occasion de nous entretenir avec elle et d’avoir son opinion sur la signification de la victoire de Sinn Féin et les conséquences du Brexit.
Dans quel cadre s’effectue votre déplacement en Irlande ?
Il est très important pour moi d’aller au contact de mes compatriotes pour informer au mieux mon travail parlementaire. Je crois beaucoup aussi à la diplomatie parlementaire et celle-ci peut jouer un rôle important, notamment lors de moments historiques. C’était le cas le 31 janvier dernier à Edimbourg lors de la sortie forcée de l’Ecosse de l’Union européenne et c’est le cas aujourd’hui lors des élections législatives en Irlande. Ces déplacements sont l’occasion de rappeler le rôle des sénateurs des Français établis hors de France à un moment de grande défiance envers les politiques. La réunion publique que j’ai tenue à Cork avec le consul honoraire, Josselin Le Gall, a permis aux Français présents de nous questionner sur des problématiques personnelles. Les mêmes questions ont été posées à Dublin en présence de l’ambassadeur et de la vice-consule. Ils nous ont fait part de leurs inquiétudes quant à leurs retraites, leur couverture santé . Ces rencontres sont très enrichissantes à la fois pour l’administration et pour les élus, en particulier pour les conseillers consulaires qui étaient présents.
La victoire de Sinn Féin est une nouvelle page d’histoire qui s’ouvre sur cette île
Que pensez-vous de la victoire de Sinn Féin aux élections irlandaises ?
Il y a beaucoup de leçons à tirer de ces élections. La victoire de Sinn Féin est une nouvelle page d’histoire qui s’ouvre sur cette île. Les jeunes Irlandais se sont beaucoup mobilisés dans ce scrutin et on voit donc que dans leur esprit la connexion entre Sinn Féin et l’IRA a disparu. L’unification de l’Irlande devient un objectif.
Ce vote est aussi protestataire. Même si l’Irlande fait rêver avec un taux de croissance de 8% et un chômage à moins de 6%, les inégalités restent très importantes. Les classes moyennes sont en souffrance et ont du mal à joindre les deux bouts. Le logement, la santé et l’éducation qui sont au cœur des préoccupations des Irlandais n’ont pas eu de réponses de la part des gouvernements successifs trop occupés soit par la sortie de la crise financière qui a mis ce pays à genoux en 2018 soit par les négociations du Brexit. La gestion de la macro économie n’a pas laissé de place à la micro-économie. Mai les Irlandais ne vivent pas de statistiques. Suite à l’effondrement du Labour Party, il n’y avait pas d’autre choix de vote pour ceux qui ne souhaitaient pas voter pour Fianna Fail ou Fine Gael. Les prochaines semaines vont être déterminantes. Soit Sinn Fein forme un gouvernement de coalition avec Fianna Fáil et obtient ce qu’il souhaite, étant aujourd’hui en position de force, soit il forme un gouvernement pour ensuite le faire tomber dans quelques mois et présenter plus de candidats pour avoir la majorité absolue et prendre le pouvoir. La communauté économique peut s’inquiéter de l’absence d’un véritable programme économique. Il est probable que la relation diplomatique avec le Royaume-Uni change aussi.
Le Brexit, c’est maintenant !
Le Brexit Day est arrivé. Quelles sont les conséquences pour nos concitoyens présents au Royaume-Uni et ailleurs ?
J’ai été très surprise que la plupart de mes interlocuteurs considèrent que le Brexit est terminé alors que le Brexit, c’est maintenant ! Il y a une énorme inquiétude des Français vivant au Royaume-Uni sur leur avenir. Nous les encourageons à prendre le Settled Status et être en conformité avec la loi car personne ne sait comment la mobilité va être impactée. Il y a encore beaucoup d’interrogations sur le traité de libre-échange à venir ou sur l’instauration de visas ou permis de travail.
Quant à la République d’Irlande, si la question de la frontière entre le nord et le sud n’est plus un sujet, il reste néanmoins la question des marchandises qui viendront du Royaume-Uni par l’Irlande du Nord et entreront ainsi dans l’Union européenne. L’Union Européenne entend bien continuer à se protéger des produits américains ou chinois, en cas de traités commerciaux entre ces pays et le Royaume-Uni, produits qui ne sont pas tous conformes aux normes sanitaires européennes. Cela pourrait créer une suspicion de la part des autres pays de l’UE s’ils pensaient que la République sert de porte d’entrée. L’impact serait alors très négatif pour le marché d’exportations irlandais dont les produits sont bien aux normes.
Les négociations entre l’UE et le Royaume-Uni débutent. On en saura plus à la fin de l’année, voire en 2022 si une extension est décidée. C’est donc le moment de prendre en compte ce qui doit être mis dans la balance en vue des négociations à venir.
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