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École à la maison : comment transformer ce défi en opportunité

école à la maison école à la maison
Écrit par Marie-Jeanne Acquaviva
Publié le 1 avril 2020, mis à jour le 1 avril 2020

Confinement, distanciation, enseignement à distance, école à la maison… des concepts et des mots que nous n’utilisions quasiment jamais sont devenus ceux que nous prononçons le plus souvent quotidiennement. Nous voici, habitants de Dubaï comme près d’un cinquième de la planète, à devoir apprendre du jour au lendemain comment faire fonctionner nos familles cloisonnées, prendre en charge tout à la fois notre travail, les études des enfants, leur activité physique, la bonne marche de la maison… et la santé mentale de tout ceux qui y vivent désormais confinés.

 

Mais ne paniquons pas : l’homme est plein de ressource (la femme aussi) et nous allons essayer de vous faire bénéficier des conseils de deux mamans qui pratiquent le fameux “homeschooling” depuis longtemps. Bien entendu pour elles aussi le confinement est une nouvelle donne, mais vous verrez que l’école à la maison - même lorsqu’on avait jamais envisagé de s’y lancer - n’est pas nécessairement synonyme de surcharge mentale, catastrophe éducative et luttes incessantes, loin de là.

 

Tâchons donc de tirer parti de ces contraintes et de prendre soin de nous et de nos familles de la façon la plus positive possible en ces temps complexes, concentrons nous sur l’essentiel.

 

Voici donc Nazy Saif et Maryame Razawi qui ont accepté de répondre à nos questions, et de nous raconter leur parcours de « homeschoolers », leurs découvertes. Elles sont toutes les deux « prof à la maison » de plusieurs enfants, Nazy est anglophone et Maryame francophone.

 

école à la maison

 

 

Deux mots sur votre famille ?

 

Nazy : Nous sommes 4, mon mari et moi originaires du Pakistan, mon fils Rayyan a 11 ans et ma fille Lana a 10 ans. Je dirige une petite entreprise qui s’occupe surtout de décorations florales.

Maryame : Nous sommes 6, je suis française d’origine afghane - comme mon mari, et nous avons 4 enfants, Ryan 15 ans, Imran 13 ans, Lina 8 ans, et Issa 5 ans. J’ai été enseignante dans le système scolaire pendant 11 ans et ai traversé 4 expatriations.

 

 

Est-ce que vous travaillez en plus de faire l’école à la maison, et si oui, comment vous organisez-vous ?

 

Nazy : Je suis propriétaire d'une petite entreprise, en fait, notre parcours d'enseignement à domicile et mon entreprise ont commencé en même temps en septembre 2018. Au départ nous prenions chaque jour comme il venait et il n'y avait pas beaucoup d'organisation… par exemple mes enfants m'ont accompagnée lors de séances photo, d'ateliers et de réunions avec les clients. Tout comme je les ai accompagnés dans leurs cercles d'études et leurs sorties. Certains clients me regardaient de travers mais la très grande majorité était très compréhensive. Je dirais que l’organisation est venue de façon organique avec la pratique, et que nous avons appris les uns des autres pour aujourd’hui former une équipe très fonctionnelle !

Maryame : après des années en tant que professeur dans des écoles, je me consacre pour l’instant entièrement à l’éducation de mes 4 enfants.

 

Qu’est-ce qui vous a convaincu de vous lancer dans ce projet éducatif?

 

Nazy : Durant l'été 2017, on a diagnostiqué un cancer du sein en stade 3 à ma mère, et nous avons été très secoués en famille, devant gérer une multitude d'émotions et d'incertitudes, j'ai dû quitter les enfants et voyager plusieurs fois seule pour être avec elle. Cette expérience de séparation forcée et de devoir en même temps assister aux progrès de la maladie chez ma mère m'a changée en tant que personne. J'ai décidé alors que nous affronterions cette épreuve en passant le plus de temps possible ensemble.  Et l'école à la maison est juste devenue un choix naturel qui nous a permis de prendre les choses à notre rythme, et de nous concentrer sur l’essentiel : être ensemble. J'avais plus que jamais besoin de mes enfants - et vice-versa - et avec le recul, je pense que c'était vraiment la meilleure décision pour nous tous.

Maryam : J'ai habité et travaillé dans 4 pays différents, où j’ai enseigné dans les écoles, et au début si j’avais choisi de devenir enseignante pour avoir les mêmes horaires que mes enfants, il se trouve que j’ai vite déchanté car les journées très longues et très lourdes, pour eux comme pour moi, faisaient que nos soirées ensemble étaient loin d’être agréables. Donc après 4 ans à Dubaï j’ai décidé de quitter mon poste pour me dédier entièrement à mes enfants. C’était une décision pratiquement d’ordre moral: j’estime que le système scolaire classique souffre de beaucoup de lacunes et de défauts et que nos enfants ont besoin d’un soutien parental solide et personnalisé dès leur plus jeune âge, pour pouvoir les imbiber de nos valeur humaines et soutenir au mieux leur croissance. Donc après avoir énormément lu et m’être beaucoup documentée sur le sujet je me suis lancée.

 

Quels conseils auriez- vous aimé recevoir rétrospectivement ?

 

Nazy Honnêtement, je crois fermement que chacun a ses propres méthodes et sa zone de confort. Ce qui peut être « magique »pour une personne peut ne pas fonctionner du tout pour quelqu'un d'autre. Pour moi ce choix d’éducation a été tellement libérateur, que je me suis sentie libre justement de le modeler à notre image, de faire nos propres erreurs, d’apprendre en chemin.  Disons que si j’avais un conseil à mon « moi d’avant le homeschooling » ce serait de lâcher prise et de laisser les enfants suivre leur passion, de se concentrer sur la qualité de l'apprentissage plutôt que sur la quantité, et d’exposer les enfants à des livres et à des environnements les plus variés que possible.

Maryame Avant de me lancer j’aurais bien aimé qu’on me dise que le principe qui préside au homeschooling est vraiment tout à fait différent de l’enseignement traditionnel… et que c’est normal (rires). Et effectivement le point primordial c’est de construire une connexion forte et une relation forte avec l’enfant, de rendre à l’enfant l’enfance qu’il a perdu pendant un temps scolaire fait selon moi majoritairement de stress, d’examens et de fatigue. Scolariser ses enfants à la maison donne aux enfants plus de liberté pour exploiter leurs qualités et leurs forces. L’enfant est plus sûr de lui. J’aurais voulu qu’on me dise que ce qu’il y a de plus important… c’est de se concentrer sur les choses importantes justement : les relations familiales, la confiance en soi, l’apprentissage par le jeu… pour petit à petit incorporer le programme académique bien sûr... Mais toujours commencer par les choses importantes.

 

 

Les erreurs de débutants ou les conseils que vous souhaiteriez transmettre à votre tour à tous les parents qui aujourd’hui se retrouvent du jour au lendemain à pratiquer l’école à la maison sans l’avoir choisie ?

 

Maryame : Donc les conseils pour les parents en panique (sourire)… alors

1- C’est un cliché et je ne suis pas la seule à le répéter souvent :

même si toutes les écoles vont vous fournir du e-learning et des ressources en ligne, essayer de limiter les écrans électroniques, qui nuisent à la concentration, à la communication, au développement cérébral, à la confiance en soi…

Pas besoin d’être sorcier pour voir avec quelle facilité les enfants deviennent accro, donc bien évidemment le manque est très difficile à gérer. En revanche quand ils s’habituent à s’en passer, c’est le bonheur. Il faut être créatif pour les occuper, et surtout en cette période de confinement où le défi sera d’autant plus grand, il est important de ne pas se reposer sur les écrans et l’électronique à 100%... mais si vous décidez d’y prendre du plaisir aussi, vous verrez que vous ne pourrez plus faire marche arrière !

2- Ne paniquez pas, 15 jours, un trimestre, une année non-scolarisée ne sera au détriment de votre enfant. Au lieu de penser constamment à ce qui va lui manquer, pensez aussi à ce qui ne lui manquera pas : la pression des pairs, les incidents de harcèlement, la pression scolaire, la pression des notes, de l’excellence, le conformisme, la fatigue des rythmes imposés, etc.

3- Ne vous concentrez pas sur le côté académique mais sur leurs atouts, leurs passions et leur bien-être. Faites des choses ensemble : lisez, bricolez, cuisinez, rendez-leur une enfance sans examen et sans devoirs supplémentaires, pas de stress : laissez-les s’épanouir et créer du lien avec vous.

4- Concentrez-vous sur le nécessaire, anglais, français, maths et c’est tout : des pratiques courtes et constantes sont suffisantes, encore une fois gardez tout votre temps disponible pour l’essentiel : le lien qui vous relie.

 

Nazy Encore une fois, je pense que c'est à chacun de trouver son équilibre… Cependant, mon conseil serait d’apprendre à connaître votre enfant et ses forces et faiblesses avant de vous lancer dans une routine académique rigoureuse.  Accordez-vous du temps pour vous familiariser avec les différents sujets, prenez le temps d’en parler en profondeur avec vos enfants, lâchez prise sur les exigences de l’école, installez une routine peu à peu sans forcer, et gardez assez de souplesse pour vous adapter à eux. Utilisez ce temps de contrainte pour vous connecter les uns aux autres. Ne vous préoccupez pas du travail scolaire, des délais, d’avoir terminé tous les programmes, coché toutes les cases… Les raisons de stresser sont suffisamment nombreuses en ce moment ! Ralentissez : ne luttez pas contre le système, prenez ce moment comme il vient et réfléchissez à la vie, méditez, discutez beaucoup, jouez à des jeux de société, démarrez un passe-temps mutuel, lisez ensemble. Essayez de rendre l'apprentissage différent et significatif. Une fois que vous avez atteint cet objectif de calme, concentrez-vous sur l'enseignement à domicile mais de manière progressive et non agressive. Espérons qu'avec de la patience, de la compréhension et du respect les uns des autres, nous réussirons tous à traverser ces jours difficiles et à en tirer le meilleur!

 

 

Voilà, au Petit Journal de Dubai nous espérons vous avoir aidé dans notre moindre mesure : rappelez-vous que tous les parents du monde ou presque doivent affronter ce changement brutal de paradigme, rappelez-vous que vous n’êtes pas seuls, ni vos enfants qui eux aussi en sortiront changés, grandis, différents : laissez-leur le temps, soyez fiers de leur façon courageuse d’affronter ce bouleversement, accompagnez-les et laissez-les respirer. Bien sûr rien n’est si simple dans la vraie vie qu’un joli slogan fleuri, jongler avec plusieurs enfants qui grimpent aux murs, pleurnichent pour voir leurs copains, et discutent tout ce que vous leur demandez peut vous donner l’impression de ressembler nettement plus à un dompteur de lionceaux en cage qu’à la Marie Von Trapp de La Mélodie du Bonheur, nous ne sommes pas dupes.

 

Mais ça va aller : vous verrez, vous trouverez votre équilibre, et oui, même si cela semble improbable, vous trouverez chaque jour des moments précieux, chaleureux, drôles, plein de tendresses, des moments que vous n’auriez pas vécu si vous n’étiez pas sortis - contraints et forcés - de votre routine. Alors soyez-en sûr : tout ira bien.

 

 

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