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Tatouages au Danemark : quand le pays maintient une loi controversée

La culture danoise offre une place toute particulière à l'art corporel : les tatouages sont omniprésents, des jeunes étudiants aux grands-parents, ornant fièrement les bras, les jambes, et les dos. Pourtant, derrière cette apparente liberté se cache une particularité que peu de gens connaissent : la loi danoise encadre strictement les zones du corps qui peuvent être tatouées.

histoire du tatouage a Copenhague_main et visage interdithistoire du tatouage a Copenhague_main et visage interdit
Écrit par Gwladys N'Djem Nadi
Publié le 11 août 2025

 

En France, comme dans beaucoup d'autres pays, la décision de se faire tatouer le visage, le cou ou les mains relève de l'initiative personnelle, pour le meilleur et pour le pire. Ici, au Danemark, un tatoueur risque gros s'il accepte de le faire. En effet, une loi de 1966, toujours en vigueur, interdit formellement de tatouer la tête, le cou et les mains.

 

Une légende royale

Si vous vivez au Danemark et que vous vous intéressez à l’art du tatouage, peut-être avez-vous déjà entendu cette histoire : on raconte que la loi concernant les zones du corps ne pouvant être tatouées a été mise en place pour empêcher le roi Frederik IX d’aller trop loin dans sa passion du tatouage !

Pour la petite histoire, le roi Frédéric IX (1899-1972) était un véritable passionné de tatouages et n’a pas hésité à se faire tatouer. Le fait qu'un monarque, symbole de la nation, se soit fait tatouer a contribué à normaliser l'art corporel et à le faire sortir de l'image de marginalité alors associée aux marins et aux hors-la-loi. Son petit fils et héritier le roi Frederik X est lui aussi tatoué.

 

photo du roi Frederic IX avec ses tatouages
©Le roi Frederik IX posant fièrement pour le magazine américain Life

 

Une histoire de marins

L'histoire du tatouage au Danemark est étroitement liée à la mer. Le port de Nyhavn à Copenhague est considéré comme le berceau de la culture du tatouage dans le pays. À la fin du XIXe siècle, les marins revenant de longs voyages arboraient fièrement des tatouages ramenés de l'étranger. Des boutiques de tatouage ont ouvert pour les servir, devenant des lieux emblématiques.

D’ailleurs, la boutique Tattoo Ole qui a tatoué le roi Frédéric IX est une des plus anciennes encore en activité au monde, et un véritable monument de l'histoire danoise.

 

plus vieille boutique de tatouage de Copenhague
©Tattoo Ole

 

Sans oublier que les Vikings eux-mêmes étaient probablement tatoués. Ces tatouages, s'ils ont bel et bien existé, étaient bien différents des motifs modernes. L'historien arabe Ahmad ibn Fadlan, témoin de la culture scandinave, a décrit au Xème siècle ces tatouages comme des "arbres" ou des "figures" sombres couvrant les corps "du bout des doigts au cou". L'encre, sans doute à base de cendres et de colorants végétaux, a servi de moyen d'expression pour ce peuple de guerriers et de navigateurs.

C'est une histoire qui donne à l'art du tatouage une dimension historique et culturelle fascinante, loin de nos préoccupations contemporaines.

 

personnage de Ragnar Lodbrok dans la série Vikings
Personnage de Ragnar Lodbrok (roi de Suède et du Danemark) dans la série Vikings

 

Et officiellement ?

Bien entendu, la version officielle est très différente et quelque peu plus sensée : l’objectif initial de cette législation était de protéger les individus d'un marquage corporel potentiellement stigmatisant, notamment dans un contexte professionnel.
À l'époque, les tatouages visibles étaient souvent associés à des milieux marginaux, et on considérait qu'ils pouvaient nuire aux chances d'insertion ou d'évolution professionnelle. C'est une vision qui peut sembler désuète aujourd'hui, à l'heure où les tatouages sont de plus en plus acceptés, mais la loi, elle, n'a jamais été amendée.

Au fil du temps, des débats ont eu lieu pour assouplir, voire abroger, cette loi. Les professionnels du tatouage et les amoureux de cet art argumentent que la loi est dépassée et qu'elle entrave la liberté artistique et individuelle. Malgré ces discussions, les politiques semblent réticents à toucher à ce texte, et il est peu probable qu'un changement majeur ait lieu dans un futur proche.

Vous l’aurez donc compris, il vous sera (quasi)impossible de vous faire tatouer le visage, le cou ou les mains qu Danemark, le tatoueur risquant beaucoup. Et si vous résidez au Danemark et que vous vous faites tatouer en dehors du pays, vous ne manquerez pas de croiser quelques regards suspects une fois de retour au Danemark. La loi est la loi, et ici, elle dicte les limites de la toile corporelle.

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