La frégate française anti sous-marine La Motte Picquet a fait escale à Casablanca. Partie de Brest pour plusieurs semaines, elle effectue missions et entrainements au large du détroit de Gibraltar. Lepetitjournal a été reçu à bord?
Le commandant d'Andigné a été affecté sur La Motte Picquet en août 2012. Il connait ce bâtiment pour y avoir été affecté à sa sortie de l'école navale en 1988. Il a ensuite poursuivi sa carrière sur d'autres frégates ainsi que sur un sous-marin. "Lorsque l'on sait comment cela se passe sous mer, l'on sait mieux comment se défendre sur terre" déclare-t-il !
Lepetitjournal.com : Commandant, pouvez-vous nous présenter votre frégate ?
Commandant Geoffroy d'Andigné : La frégate sous-marine de type F-10 La Motte Picquet est un bâtiment de combat qui a commencé sa carrière opérationnelle en 1988. Construit à Brest, il a été affecté à Toulon jusqu'en 2007 avant de rejoindre Brest pour rééquilibrer les façades maritimes de la France. Elle appartient à une série de bateaux développés autour de la dissuasion pour aider à maitriser les espaces aéro-maritimes.
Dans la dénomination OTAN, une frégate représente un tonnage, en l'occurrence 4800 tonnes, avec 230 hommes d'équipage et un lynx embarqué (hélicoptère). Mais au-delà, c'est un bateau fortement armé pour la défense et l'offensive, capable d'opérer dans toutes les conditions de crise ou de combat, même les plus dures. Ce navire de premier rang a vocation à opérer en flotte mais peut également patrouiller seul. Il peut atteindre une vitesse de 30 n?uds.
Les frégates de ce type ont été sur tous les théâtres opérationnels : Océan indien, guerres Iran, Irak, conflits autour de l'Irak, le Liban, la Lybie ou encore au large de l'Afrique de l'ouest. Elle a également participé à toutes les opérations en ex Yougoslavie, Bosnie et Kosovo.
La frégate a eu tout au long de sa vie des évolutions matérielles et techniques pour améliorer ses capacités à faire face à ces opérations.
(Ci-contre, Geoffroy d'Andigné, Commandant de frégate La Motte Picquet)
Pourquoi avez-vous décidé de faire escale au port de Casablanca ?
Nous arrivons de Brest et devons passer 2 mois en Atlantique entre Casablanca et l'Angleterre, avec des activités à caractère opérationnel et d'autres d'entrainements.
Casablanca est une escale assez régulière pour nos bateaux. Nous avons une relation suivie avec la marine marocaine, amie de longue date.
Ceci dit, l'escale d'un navire de combat n'est jamais un geste anodin. Il y a toujours une autorisation diplomatique à demander. Lorsque nous avons conçu ce programme, nous avons lancé une demande qui est passée par les affaires étrangères françaises, transmise ensuite au service des affaires étrangères marocain qui donne son accord officiellement, généralement sous la forme d'une invitation à venir en escale. Cette procédure se passe de façon naturelle et simple avec le Maroc car nous avons régulièrement des bateaux qui viennent ici. (ci-contre: La frégate La Motte Picquet amarrée au port de Casablanca)
Comment se déroule une escale ? Parlez-nous de votre coopération avec la marine marocaine.
Nous sommes tous militaires, tous des marins engagés. L'escale est une occasion de relâche pour l'équipage, un moment de ravitaillement en matériel, nourriture, et éventuellement gasoil. C'est aussi une occasion d'échange avec la marine marocaine, avec qui nous avons des relations suivies et continues, sans difficulté particulière : Des visites, rencontres, invitations croisées, matchs de foot amicaux?sont organisés. Et également des entrainements ensemble pour améliorer notre savoir-faire commun. En mer, on est rarement tout seul en période de crise, donc il faut apprendre à travailler ensemble. Lors de cette escale, nous allons passer une journée en mer avec la frégate marocaine type sigma, Ala Ben Abdallah. La Somme, le pétrolier ravitailleur en escale avec nous se joindra aux activités : il y aura des man?uvres, des exercices de ravitaillement, une attaque simulée d'hélicoptère, une simulation de chasse au sous-marin?
En dehors des journées de travail, les membres d'équipage peuvent sortir mais doivent en principe dormir à bord, sauf autorisation accordée, et le bateau doit être en mesure d'appareiller en 24 heures en cas de nécessité. Cela permet aux gens de sortir dans la journée, d'aller faire des visites ou se détendre. On organise des sorties et excursions avec des tours opérateurs.
En escale, le bateau vient en appui au pavillon français au sens diplomatique du terme. L'ambassade tire profit de la venue d'un bateau pour mener un certain nombre d'actions, pour organiser un ou plusieurs événements avec l'invitation de militaires? (Marine marocaine, attachés de défense?) mais aussi les représentants de la société civile française et marocaine, invités par monsieur le consul général.
Cette fois-ci, nous sommes aussi venus soutenir la cérémonie du 8 mai en apportant des troupes. Cela fait vivre cette cérémonie et lui donne un intérêt particulier.
La frégate La Motte Picquet a des relations particulières avec Rennes, sa ville marraine. En effet, Guillaume Picquet de la Motte était rennais. Nous entretenons donc des relations très suivies avec la ville et aidons à mettre en valeur le savoir-faire économique de la ville et ses alentours. Concrètement, lors des escales, nous proposons aux PME rennaises implantées localement de les soutenir en leur permettant d'organiser un évènement à bord du bateau. Sans être une mise à disposition du bâtiment, c'est un moyen pour les entreprises de valoriser leurs actions localement et de se mettre en avant. (ci-contre: le buste de Guillaume Picquet de La Motte)
A quoi ressemble la vie à bord ?
Nous vivons dans un espace confiné. Il faut donc des règles de vie et de l'organisation, mais aussi des espaces de liberté. Dans les carrés de vie, les marins sont répartis par grade et tranches d'âge pour une convergence des centres d'intérêts et du vécu. Il y a une sorte d'intimité et une liberté de parole dans ces espaces, qui sont nécessaires. Les règles de vie en communauté sont apprises très vite : Il s'agit de faire attention aux autres, faire que chacun ne soit pas une gêne pour les autres, et qu'il prenne sa part de travail. Dans un équipage, chacun a sa place mais fait en sorte que, s'il devient inopérant, quelqu'un autre puisse prendre le relais. D'ailleurs, les marins ont souvent plusieurs métiers à bord. Par exemple, le cuisinier aura également une formation de pompier ou de brancardier. En cas de nécessité, il devra abandonner sa cuisine pour aller aider ailleurs. (ci-contre: L'une des 4 valeurs de la devise dans la Marine: Honneur, patrie, valeur et discipline)
Pourquoi décide-t-on de devenir marin ?
Les marins ont en général un certain goût pour la mer, les découvertes, les autres pays, les océans. Lorsque l'on est marin, on prend part à un jeu très ouvert : Notre regard est plus géopolitique et stratégique que celui d'autres personnes car nous entrons dans un espace de liberté extraordinaire qui est la mer, et dans lequel nous avons un regard extérieur mais où nous faisons aussi des rencontres, et partageons avec d'autres pays.
Enfin, il faut avoir ce goût particulier du travail en équipe et en commun. On apprend au fur et à mesure.
Etre marin est un métier de valeurs et de service. Cela donne du sens à sa vie professionnelle et peut-être à sa vie tout court ! Dans cet engagement personnel au service du pays, il faut être prêt à donner sa vie. Nous vérifions que la réflexion est entamée chez les jeunes engagés avant de les faire signer. Cette réflexion ne doit jamais nous quitter et grandit au fil de notre expérience et au contact de la réflexion des autres. Ce matin encore, nous étions au cimetière de Ben M'Sick. Cela entretient notre sens de l'engagement.
Ce métier est très physique donc il faut des gens jeunes. Au début de leur carrière, ils sont très vite emmenés sur mer pour être formés. La moyenne d'âge est actuellement de 25 ans environ. Chaque année, un tiers de l'équipage se renouvelle puisqu'il y a un changement d'affectation tous les 3 ans.
Il n'y a pas de problème de recrutement dans la Marine. La situation est certes plus complexe qu'il y a 10 ans mais cela attire encore des volontaires. C'est un métier qui fait du sens : la mer et le monde restent attirants !
Propos recueillis par Lorraine Pincemail (http://www.lepetitjournal.com/casablanca) Vendredi 23 mai 2014
Ensemble des crédits photos: Lorraine Pincemail



