La création le 21 février de la Journée internationale de la langue maternelle par l’UNESCO est liée à l’exceptionnel mouvement de défense des Bengalis pour leur langue au Pakistan oriental en 1952.
De nos jours, hors diaspora, le bengali est la 7° langue maternelle au monde avec plus de 250 millions de locuteurs.
Le bengali, la langue du Bengale
Le bengali est la langue du Bengale qui fut divisé en 1947 au moment de l’Indépendance de l’Inde. La Partition a créée en Inde, l’état du Bengale occidental, majoritairement hindou avec Calcutta comme capitale, et le Pakistan oriental à majorité musulmane, qui deviendra l’Etat du Bangladesh en 1971, dont Dhaka est la capitale.
En Inde, le bengali est la langue du Bengale occidental ainsi que d’une partie des Etats de l’Assam et de Tripura et de tous les bengalis qui vivent en dehors de ces trois états. En nombre de locuteurs, le bengali est actuellement la 2° langue maternelle en l’Inde.
Et l’Hymne National indien a été composé par le grand poète bengali Rabindranath Tagore.
En savoir plus sur l’Hymne National indien ici.
Origine, vocabulaire et écriture du bengali
Le bengali est une des plus orientales des langues indo-européennes dont les premières oeuvres écrites datent du 14° siècle. Son vocabulaire a beaucoup emprunté au sanskrit mais aussi au persan et à une moindre mesure à l’arabe ou au turc, héritages de l’ère mongole et des invasions musulmanes. Elle comprend aussi des emprunts plus récents aux langues européennes, dont quelques mots au français, héritages de la période coloniale.
Le premier livre imprimé en bengali fut en 1778 une grammaire, grâce à la création de caractères typographiques par l’orientaliste anglais Charles Wilkins.
Au 19° siècle, Ishwar Chandra Vidyasagar fut un grand réformateur social de la Renaissance du Bengale. Il simplifia l’alphabet bengali dont la typographie reste actuelle. Son texte Borno Parichay (Introduction à la lettre) est toujours édité par apprendre le bengali.
L’écriture originale du bengali provient de l’alphabet brahmi, comme le devanagari utilisé pour le sanskrit et l’hindi. Mais, l’alphabet bengali s’en distingue notablement par ses arrondis, qui permettent aux artistes de réaliser facilement des calligraphies.
Satyajit Ray avait créé pour ses films des titres calligraphiés.
Le bengali est syllabaire, s’écrit de gauche à droite et n’a pas de lettres capitales. Le classement des voyelles et consonnes renvoie à la logique linguistique du sanskrit. L’alphabet bengali comme le sanskrit a des ligatures, lettres combinées entre une voyelle et une consonne (par exemple k+a ) ou entre deux consonnes (comme k+t). Il existe environ 700 caractères typographiques possibles.
La langue est neutre et les pronoms personnels n’ont pas de genre. Mais pour un certain nombre de noms ou d’adjectifs, il existe un masculin/féminin comme par exemple, étudiant/étudiante ou beau/belle. Les verbes se conjuguent à tous les temps et il existe des déclinaisons (génitif et locatif). Il y a trois formes de pronoms à la deuxième personne avec une déclinaison différente des verbes associés: une forme honorifique, apni, équivalente au « vous » français, une forme ordinaire tumi équivalente au « tu » et une 3° forme, tui pour s’adresser à quelqu’un de plus jeune ou d’intime.
Et pour terminer sur ces particularités linguistiques, le bengali utilise de manière très importante la re-duplication des mots ou des sons. Il peut s’agir d’onomatopées, tel cet exemple (emprunté à Jean Clément) : khochmoch (bruyamment) qui traduit le bruit des pattes d’un tigre dans les feuilles. Et les exemples de re-duplication des mots sont multiples, comme aste aste (plus lentement) ou bone bone (à travers toute la forêt).
Les nombres sont communs aux autres langues indo-européennes. Le système est décimal, les indiens ayant inventé le zéro (= le vide) transmis ensuite par les arabes. Mais lorsqu’ils comptent sur leurs phalanges (et non pas avec leurs doigts), les Indiens vont jusqu’à 12.
La littérature bengalie, riche et ancienne
Les particularités de la langue mènent à la vaste littérature bengalie, une des plus riches et des plus anciennes des langues indiennes.
La langue écrite existe sous deux formes : sadhu-bhasa, forme ancienne littéraire et savante et la forme courante, cholit-bhasa, comprise de tous, parlée et employée dans les textes modernes.
Pour citer quelques écrivains bengalis classiques traduits en français, Bankim Chandra Chatterjee est considéré comme le père du roman bengali. Rabindranath Tagore est la figure centrale de la poésie et de la littérature bengali et le seul Indien à avoir reçu le Prix Nobel de littérature.
Parmi les écrivains du début du 20° siècle, Sarat Chandra Chatterjee introduisit le réalisme social et Bhibhuti Bhushan Banerjee fut l’écrivain du Bengale rural comme Manik Banerjee qui fut plus politique. Le réalisateur Satyajit Ray créa le détective Feluda et publia aussi des nouvelles.
A la fin du 20° siècle, Mahashweta Devi fut l’écrivaine des causes contemporaines, dont celle des femmes. Et parmi les auteurs actuels, Upamanyu Chatterjee, comme Amitav Ghosh qui a reçu le Prix Médicis étranger en 1990, publient leurs romans en anglais.
Retrouvez des titres de la littérature bengalie dans notre sélection : Littérature indienne : 74 ouvrages traduits en français à découvrir.
Et la presse écrite indienne en bengali possède de nombreux titres, témoignages de sa vitalité.
Le bengali, la langue officielle du Bangladesh
Depuis la Partition en 1947, la langue bengali est restée aussi vivante de l’autre côté de la frontière par la volonté des bengalis du Pakistan oriental devenu depuis le Bangladesh.
Après la naissance du Pakistan, divisé en Pakistan occidental (Pakistan actuel) et Pakistan oriental (futur Bangladesh) le pouvoir politique s’établit au Pakistan occidental.
Pour unifier ce nouveau pays divisé en deux parties très éloignées, le pouvoir central voulait prendre comme langue commune l’ourdou qui a une écriture arabe. Mais les bengalis luttèrent pour conserver leur langue et leur identité culturelle.
La première manifestation pro-bengali eut lieu en décembre 1947. Mais la proposition d’un statut égal pour l’ourdou, l’anglais et le bengali comme langues officielles du Pakistan fut rejetée par le parlement.
Muhammad Ali Jinnah, reconnu comme le fondateur du Pakistan, se rendit à Dhaka en mars 1948, quelques mois avant son décès. Et il déclara que l’ourdou serait la seule langue officielle du Pakistan.
L’année suivante, l’écriture arabe fut préconisée comme le seul alphabet pour toutes les langues du Pakistan. Mais au Pakistan oriental, l’introduction d’un alphabet arabe était perçue comme une attaque contre la culture bengali et une nouvelle forme de colonialisme.
Les problèmes se multiplièrent avec le pouvoir central et en janvier 1952, le premier ministre du Pakistan confirma que l’ourdou serait la seule langue officielle. Cette déclaration déclencha une radicalisation du Mouvement pour la langue bengali, Bhasa Andolon.
Le 21 février 1952 fut proclamé « Le Jour de la Langue Officielle ». Et malgré l’interdiction de tout rassemblement, des manifestations massives eurent lieu à Dhaka où plusieurs étudiants furent tués, des centaines blessés et des milliers arrêtés.
Les étudiants tués furent déclarés martyrs pour avoir sacrifié leurs vies pour leur langue. Depuis, un Mémorial a été construit à Dhaka et Ekhuse February, le 21 février est un jour de commémoration nationale.
Cette date façonna le destin des bengalis du Pakistan oriental. Par décret spécial, le bengali devint une des deux langues du Pakistan oriental.
Et après une guerre contre le Pakistan occidental et avec l’aide de l’Inde, le Pakistan oriental est devenu le Bangladesh en décembre 1971, pays indépendant dont le bengali est la langue nationale.
Amar Sonar Bangla, « Mon Bengale doré » composé par Rabindranath Tagore, est devenu l’Hymne national du Bangladesh.
Hymne du Bangladesh - paroles traduites en français
En 1999, l’Unesco a choisi la date du 21 février comme celle de la Langue Maternelle, en hommage aux Bengalis morts pour défendre leur langue et leur culture.