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Clap de fin pour le Café Zoé !

Cafe Zoe Jeremie Horowitz Cafe Zoe Jeremie Horowitz
Jérémie Horowitz et Tarini Mohindar
Écrit par Johana Burloux
Publié le 18 septembre 2019, mis à jour le 19 décembre 2023

Après huit années de services au cœur de Lower Parel, Jérémie Horowitz et Tarini Mohindar referment les portes du Café Zoé, la tête pleine d’accomplissements, de beaux souvenirs, mais aussi de convictions fortes sur l’avenir de la restauration.
 

Cafe Zoe Jeremie Horowitz
Photo : Instagram


En 2006, quand Jérémie est arrivé à Bombay pour travailler dans la filiale indienne de l’entreprise familiale de diamant, il a été charmé par la ville : “A cette époque, Bombay était un village ! Il y avait quelques bars et restos à Bandra et quelques autres dans le sud. Entre les deux : rien, mais beaucoup de trajet. Cependant, l’ambiance y était très conviviale : tu sortais, tu étais sûr de tomber sur une connaissance !”

Lassé du commerce familial, Jérémie a très vite envie d’ouvrir son propre lieu et de “donner à la ville ce qu’elle voulait !” Il prospecte des locaux pendant un moment pour finalement tomber sur cet entrepôt au sein des Todi Mills. 

 

Cafe Zoe Jeremie Horowitz

 

Parallèlement, il rencontre Tarini, une jeune Mumbaikar qui travaille dans la pub. C’est le coup de cœur immédiat et très vite l’idée de se lancer dans un projet commun est évidente. Ils s’associent finalement avec l’ambition d’ouvrir un lieu qui soit à la fois café, bar et restaurant. Un grand espace baigné de lumière naturelle. Un établissement pratiquant des prix raisonnables, une ambiance simple mais chaleureuse. Un endroit où l’on pourrait évoluer du petit-déjeuner à tard dans la nuit.


On n’a rien inventé ! Des lieux comme celui-ci, il y en a plein en Belgique. Mais, on en a réuni les éléments à Bombay.


Lower Parel, charnière entre le Nord et le Sud, ancien quartier industriel, a alors déjà amorcé sa mutation, mais ne ressemble encore en rien à ce qu’il est aujourd’hui. Le Phoenix Mill compte déjà quelques magasins et les chantiers des tours se mettent en place doucement. Le pari est donc audacieux, mais s’avère payant : “Six jours après l’ouverture, on affichait complet !” 

“On a eu beaucoup de bol dans tout ce qu’on a entrepris.” s’exclame Jérémie. Ils ont aussi bénéficié des conseils des amis du milieu et notamment de ceux du Woodside Inn de Colaba. De la chance … et du travail ! Cela se sent. “Les deux premières années, j’étais épuisé. Pas question d’after.  Mes journées pouvaient faire 12, 14, 18h !”

On a accueilli beaucoup d’événements : du groupe de lecture au cours de peinture, des soirées rétros avec DJ aux concerts jazz. Ce qu’on a préféré, c’était la musique live !

 

Cafe Zoe Jeremie Horowitz
Photo : Facebook

 

Jérémie a également pris beaucoup de plaisir au rapport avec sa clientèle. Certains sont devenus de vrais amis ou même des familles d’adoption : “Regarde, ce client est génial ! Il tient un excellent Kebab, un peu plus loin sous le fly-over. Il vient là souvent.”. Une clientèle variée donc, des fidèles, des enthousiastes, dont les marques d’affections se multiplient depuis l’annonce de la fermeture.

 

Quand on lui demande quelles ont été les difficultés auxquelles il a dû faire face, Jérémie est loin de se répandre en récriminations. Le service ? “Oui bien sûr, mais je ne crois pas qu’on puisse trouver un service parfait en Inde et c’est logique. Le fait est que mes serveurs ne peuvent absolument pas se mettre à la place de mes clients. A la différence d’un contexte européen, ils ne fréquentent pas les endroits où ils travaillent. On leur apprend tout et on montre l’exemple. Mais, il en est de même pour la clientèle. Mes clients n’ont pas, en règle générale, d’expérience de service !” Jérémie souligne donc “un manque d’empathie des deux côtés”. Un autre point d’achoppement est la législation sur l’alcool : “C’est surprenant, mais la loi sur les débits de boisson date de la prohibition. Elle n’est plus appliquée certes, mais cela nous place toujours à la merci d’un contrôle vis-à-vis de règles impossibles à respecter.”
 

Cafe Zoe Jeremie Horowitz

 

Mais, pourquoi fermer ses portes aujourd’hui ? “Nous devions renouveler le bail, c’était donc le moment de signer à nouveau pour plusieurs années ou de prendre la décision de s’arrêter.” Ils dressent plusieurs constats qui les poussent à se tourner vers la deuxième issue : “Le quartier a beaucoup changé. C’est positif, mais la compétition est très forte ! 140 restaurants ont ouvert ces deux dernières années. Parmi eux, beaucoup sont financés par des fonds d’investissement. Ils n’ont pas les mêmes objectifs. Eux ne cherchent que la rentabilité. Ils peuvent aussi faire d’importantes économies d’échelle.”

Ils identifient deux grandes tendances qui ont changé le paysage de la restauration ces dernières années : les plateformes de livraison rapide et l’arrivée massive de ces fonds d’investissement. “Les choses changent tellement vite qu’il est dur aujourd’hui de se livrer à une quelconque prédiction ! Ce n’était pas comme ça quand on a ouvert. Je pouvais me donner des objectifs à cinq ans et les tenir. On les a d’ailleurs dépassés ! Aujourd’hui, il est impossible de se plier au même exercice.”

D’autres facteurs jouent comme la règlementation et le dialogue avec les autorités qui s’est durci depuis l’incendie de Kamala Mills (un incendie dans un bar qui a tué 14 personnes fin 2017).

 

A sa clientèle, Jérémie a néanmoins un message important à faire passer. 

Il faut responsabiliser les consommateurs. Qu’ils sachent où ils sortent et qu’ils soutiennent les établissements qui sont des initiatives personnelles de personnes dédiées et passionnées, plutôt que des coups de fusils de fonds anonymes.

 

Alors quelles sont ses recos pour remplacer le vide laissé par le Café Zoé ?

Des établissements “qui ont du cœur” avec des gens qui “vont chercher de bons produits” :

Et il y en a d’autres ! 

 

Le Café Zoé fermera définitivement ses portes le 30 septembre, mais gardera ses livraisons. Vous pourrez donc continuer de commander vos plats préférés. À suivre…

 

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Le programme des derniers jours

 


Un des meilleurs souvenirs de Jérémie : “Si je devais choisir une soirée entre toutes les autres, ce serait une scène ouverte sur laquelle des musiciens de l’Orchestre Philarmonique de Flandres nous ont rejoint ! Une dizaine d’entre eux sont montés sur scène et se sont faits plaisir dans un style assez éloigné de ce qu’on a vu quelques jours plus tard lorsqu’ils se sont produits au NCPA. C’était magique !”


 

 

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