En raison de sa grande diversité, la cuisine indienne est une des grandes cuisines du monde. Et venir étudier la gastronomie en France est un rêve pour beaucoup d’indiens.
Agnès Bernard, jeune indienne dont le parcours culinaire a commencé au Collège La Martinière à Kolkata, poursuit actuellement sa formation de Chef à Lyon où nous l’avons rencontrée.
Agnès Bernard, née dans une famille où cuisiner est un plaisir partagé
Née dans une famille indienne à Kolkata, Agnès porte un nom et un prénom français, son histoire familiale étant singulière.
Son père, orphelin, né à Vizag dans l’Andhra Pradesh, a été adopté par une famille française qui vivait en Inde. Cette adoption se fit grâce à une religieuse française, Soeur Marie-Fabienne, qui devint Granny, la grand-mère de coeur d’Agnès. C'est elle qui suggéra le prénom d'Agnès.
A l’âge adulte, le père d’Agnès vint faire ses études à Kolkata où il s’établit et les liens très proches avec Soeur Marie-Fabienne persistèrent jusqu’à son décès.
La famille maternelle d’Agnès a, quant à elle, des ancêtres anglo-indiens.
Agnès a grandi dans une famille où cuisiner est un plaisir partagé. Son père a encouragé ses enfants dès leur plus jeune âge à préparer des plats d’abord très simples, comme des purées.
Sa grand-mère maternelle, Dadim, originaire du Bengale, est une vraie « cordon bleu » adepte de la traditionnelle huile de moutarde.
Ma grand-mère maternelle connait toutes les recettes et c’est auprès d’elle que je me tourne toujours.
La spécialité de son père, Paul, est le salé, le porc notamment. Sa mère, Moumita, aime préparer les spécialités bengalies, comme le fameux poisson Ilish Mach, et les crevettes Chingri Mach. Et Abel son frère, est plutôt spécialisé dans la cuisine Mughlaï.
Agnès aime à dire qu’elle ne gagnerait aucun concours de cuisine dans sa famille, tant les talents sont grands.
Une scolarité à La Martinière de Kolkata, fondée par un Lyonnais, le Major Martin
C’est au Collège La Martinière de Kolkata qu’Agnès fait toute sa scolarité. L’histoire de ce collège est liée à celle de son fondateur, le Major Martin, né en 1735 à Lyon.
Embarqué très jeune avec la Compagnie des Indes orientales, Claude Martin deviendra Major de l’armée du Bengale de la British East India Company.
Self-made man aux talents multiples, il légua sa fortune pour la création de trois écoles qui portent le nom La Martinière : en Inde, ce sont les Collèges d’excellence de Kolkata et Lucknow (avec internat gratuit pour les moins fortunés) et à Lyon initialement une école technique et actuellement trois lycées professionnels différents. La Fondation Claude Martin ainsi que l’association des anciens élèves Les Martins siègent aussi à Lyon.
Dans son collège, Agnès s’investit dans beaucoup de domaines, dont le football en étant capitaine et goal de son équipe, mais aussi dans les activités culturelles, la danse en particulier. En classe XI (équivalent de la première) , elle pense s’orienter vers la psychologie qu’elle prend en matière optionnelle, en plus de la cuisine choisie pour améliorer ses connaissances.
A raison de deux heures par semaine, elle acquiert beaucoup de connaissances théoriques sur la gastronomie indienne et non indienne. Ayant déjà une bonne pratique acquise dans son milieu familial, les autres élèves, admiratives, l’encouragent à poursuivre dans cette voie.
Agnès entend parler d’une émission-concours de cuisine pour les juniors.
Agnès Bernard gagne le prix du Chef junior en Inde
A la télévision indienne, il existe actuellement de nombreuses émissions et chaînes culinaires, en anglais et dans les langues indiennes, comme Rannaghor. L'émission la plus ancienne, Khana Khazana, a été créée il y a plus de 20 ans. par le chef Sanjeev Kapoor, très admiré par Agnès et considéré comme le Bocuse indien. Il possède aussi de nombreux restaurants et sa propre chaîne culinaire FoodFood. Parmi les multiples émissions, certaines encouragent les vocations des plus jeunes, grâce notamment à des concours.
The Young Chef India School a été crée en 2011 par Suborno Bose, le président de l’IIHM (International Institute of Hotel Management) avec l’idée de permettre aux plus jeunes de connaitre les bases de la cuisine. Le concours est ouvert aux lycéens de toute l’Inde en classe XII (équivalent de la terminale).
En 2016, Agnès Bernard se présente au concours qu’elle envisage comme un challenge. La sélection des 33 000 candidats, faite dans les 28 états de l’Inde, dure trois mois. Pour la finale à Delhi, il reste en lice 10 postulants puis seulement 7 finalistes venant d’Ahmedabad, Bangalore, Delhi, Hyderabad, Jaipur, Kolkata et Pune. Le jury est composé de Chefs indiens très connus, avec Ranveer Brar comme juge principal.
La première partie de la finale comporte la réalisation en une heure d’un dessert français classique Les Oeufs à la neige ou Iles Flottantes. Et la deuxième partie est un plat principal indien avec des accompagnements au choix, à réaliser en deux heures.
Agnès choisit de préparer un plat de l’Inde du Sud plutôt qu’une recette du Bengale d’où elle est native. Son père étant originaire de Vizag dans l’Andhra Pradesh, elle avait l’habitude d’y passer toutes ses vacances, auprès de sa grand-mère de coeur. Et elle affectionne particulièrement le riz au tamarin et les curry à la noix de coco.
Agnès obtient le « Prix du Chef Junior 2016 » de cette grande finale, un prix obtenu sur différents critères : gestion du temps, conception, technique, goût et présentation des plats.
Et elle reçoit un chèque de 500 000 roupies (presque 6 000 euros) qu’elle reversera à la Fondation de son collège.
Le rêve d'Agnès Bernard, venir étudier la gastronomie en France
Lors de l’interview qui a suivi la remise du prix, Agnès trace les grandes lignes de ses rêves : aller en France, le pays natal de sa grand-mère de coeur décédée à Vizag récemment, pour étudier la gastronomie et devenir Chef.
A Kolkata, la principale de l’Ecole La Martinière, Rupkantha Sarkar, très fière de la réussite d’Agnès, relate qu’elle excelle dans toutes les activités auxquelles elle participe. En raison de ces qualités exceptionnelles, Mme Danièle Martinod vient comme messagère de La Martinière de Lyon remettre à Agnès, la Médaille d’argent du Major Martin, qu’elle est la première Indienne à recevoir.
Le rêve d’Agnès de venir en France va se concrétiser rapidement. En effet, un partenariat entre l’Alliance Française de Lyon, les Martins et la Fondation Claude Martin est signé en 2017. Agnès peut ainsi étudier le français à l'Alliance Française de Lyon en 2017 - 2018 et obtient un bon niveau B2.
Après cette année d’apprentissage linguistique et beaucoup de recherches personnelles, Agnès intègre en 2018, l’école de la Swiss Hospitality Group (SHG) à Lyon. Son choix s’est porté sur cette école internationale qui, pour elle, combine l‘excellence de l’hospitalité à la Suisse avec celle de la gastronomie française.
La scolarité se déroule en alternance : un semestre de cours à Lyon et un semestre de stages de pratique en cuisine.
Agnès devient ainsi stagiaire chez des chefs étoilés Michelin comme Jean-François Piège au restaurant Clover à Gordes, chez Eric Fréchon à L’Eden Rock à Antibes et Pierre Gagnaire au Piètr à la Bastide de Gordes.
Actuellement en 3° année de MBA de gastronomie, ses frais de scolarité sont totalement pris en charge par l‘école SHG et une bourse des Martins. Et chance supplémentaire, lorsqu’elle est en cours à Lyon, elle habite dans une famille lyonnaise en lien avec La Martinière.
Début décembre 2021, Agnès Bernard est partie en stage chez Jean-Luc Lefrançois au restaurant l’Apogée à Courchevel pour la saison d’hiver.
Grande travailleuse, pleine de vie et talentueuse, un très bel avenir de Chef s’annonce devant elle !