Arrivé en Birmanie l’été dernier, le chef espagnol, Lluis Cantons pose doucement son empreinte sur la restauration du Meliá, y apportant la touche espagnole de qualité qui manquait jusqu’ici à Yangon.
Agé de 42 ans, Lluis Cantons a achevé son école hôtelière voilà 20 ans, et il a consacré les années suivantes à travailler un peu partout en Espagne, favorisant les restaurants gastronomiques, gagnant de l’expérience, peaufinant ses techniques, polissant ses savoir-faire. Il arrive en Asie en 2009, pour travailler à Phuket, en Thaïlande, dans un hôtel 5 étoiles. La tendance est lancée, et Lluis s’installe dans ce monde des établissements de luxe très concurrentiel où seule la qualité doit s’imposer... mais ne le fait pas toujours! Un nouvel apprentissage commence, plusieurs années passées entre Phuket donc, puis Bangkok, puis Manille, et de retour à Phuket avant de rejoindre Yangon comme Chef voilà 7 mois. “Meliá, c’est espagnol, et je suis espagnol, alors bien sûr j’avais des contacts et des amis au sein de la chaîne. Et quand j’ai pu y trouver un poste, j’y suis allé.” Soucieux d’élargir son expérience, Lluis s’est offert une parenthèse d’un an à Manille, avant de revenir dans le giron hispanique. “Meliá m’a donné la chance de prendre de nouveau un poste à Phuket. Je l’ai saisie avec plaisir”. Et lorsque le poste de Chef s’est libéré au Meliá Yangon, c’est assez naturellement que Lluis a postulé. “Je connaissais Yangon, que j’avais visité en 2012, et j’ai également été séduit par l’objectif affiché et voulu par ma direction: être les meilleurs, en tout! La concurrence est rude, mais ici la qualité, c’est la ligne, et je suis donc parfaitement soutenu.”
Comment s’assurer de “la qualité en tout” ?
“En s’en tenant au plus près à la recette, sans se mentir, sans mentir au client”, estime Lluis. “Par exemple, aujourd’hui, a travers le monde et aussi à Yangon, tous les aliments grignotés en buvant un verre sont appelés ‘Tapas’ mais en fait ce sont juste des snacks... Les vraies tapas, espagnoles, correspondent à des recettes établies et éprouvées. Il ne suffit pas de mettre un plat sur la table et de dire ‘c’est un tapas’, encore faut-il savoir cuisiner les tapas authentiques, choisir les bons ingrédients, assurer la cuisson idoine, l’équilibre des saveurs...” Et pour cela, l’expérience et le savoir-faire acquis en Espagne sont un avantage évident pour le Chef du Meliá. “Pour la paëlla, un des problèmes étaient les condiments secs, épices et autres. Ici, il y en a bien sûr plein, des épices, mais ce ne sont pas exactement celles qu’il faut. Il m’a fallu m’arranger jusqu’à trouver le bon équilibre gustatif. En revanche, là où il est impossible de trouver le moindre compromis, c’est sur la cuisson ; pour faire une bonne paëlla, il est impératif d’utiliser un véritable plat à paëlla, autrement vous n’obtenez ni le craquant, ni l’imprégnation du riz souhaité, ni la sapidité correcte. Alors j’ai acheté les plats nécessaires moi-même, et c’est grâce à mes années de cuisinier dans mon pays d’origine que j’ai su facilement quel plat choisir pour quel type de préparation, et en fonction de mon équipe.”
Car c’est là un autre des atouts de Lluis Cantons, son équipe, à ses dires l’une des meilleures avec qui il a jamais collaboré. “Je ne travaille pas de la même manière avec des Asiatiques qu’avec des Européens: cultures différentes, cuisines différentes, approches différentes. Et si je veux obtenir de la qualité, c’est à moi de m’adapter. En cela, j’étais préparé: je vis en Asie du Sud-Est depuis 10 ans, alors je comprends bien comment m’y prendre. Toujours sur la paëlla, quand je suis arrivé, j’ai réuni tous ceux qui travaillent en cuisine, j’ai posé l’ensemble des ingrédients sur la table, je leur ai tout expliqué et montré en détail, et puis j’ai cuisiné le plat devant eux. Ensuite, je leur ai demandé de le refaire. Cela a pris un mois de formation et de pratique pour que j’obtienne de manière systématique le plat fini que je voulais, mais désormais la paëlla a toujours la même qualité, ce qui constitue une garantie pour nos clients.”
Autre élément clef de la qualité, l’approvisionnement. “Tout nos produits proviennent de fermes certifiées pour leurs pratiques respectueuses de l’environnement et écologiquement durables. Nous voulons une gastronomie responsable. Nous privilégions aussi autant que possible les filières courtes. Par exemple, nos pommes de terre viennent directement de l’état de Shan. Et si besoin, nous faisons fabriquer les produits ici selon des procédures que nous mettons en place. C’est le cas de notre chorizo. Évidemment, cela coûte parfois beaucoup, comme pour nos buñuelos, qui sont faits avec de la vraie morue, et donc reviennent chers. Autre conséquence, nous ne parvenons pas encore à cuisiner certains plats espagnols, faute de disposer des ingrédients à un prix raisonnable et parce que nous ne voulons pas remplacer ceci par cela et ne conserver au final que le nom du plat, sans sa vraie texture et son vrai goût. Je refuse de tricher avec mon client: ce que je promets, je fournis. Et si ce n’est pas possible, eh bien ce n’est pas possible, et ce n’est alors pas au menu! Il faut une approche d’ensemble et cohérente: ne pas regarder plat par plat ou coût par coût mais privilégier la qualité partout autour d’un équilibre financier permettant la rentabilité.”
Le positionnement enfin est marquant. “Il existe plusieurs très bons restaurants à Yangon, avec d’excellents Chefs, c’est une évidence. Dans mon cas, je suis à ma connaissance le seul Espagnol formé durant des années à l’école espagnole, alors nous tirons parti de cette particularité pour créer un menu de vrais tapas dans notre restaurant Olea.” Outre l’origine et l’originalité culinaire, Olea se distingue également par son rapport qualité/prix assez exceptionnel. “Nous offrons désormais 3 formules ‘Tapas’, allant de 29 à 38 USD, qui peuvent être dégustées à plusieurs autour d’un verre. Et pour ceux qui préfèrent la carte, toutes nos tapas y sont.”.
Pour avoir goûté, lepetitjournal.com Birmanie confirme la qualité des mets, les portions généreuses et l’authenticité espagnole. L’aïoli est parfait, avec cet équilibre si recherché et si dur à trouver où le goût de l’ail s’invite sans s’imposer; le chorizo a cette acidité nécessaire à le différencier de tout autre sorte de saucisse; quant à la Crema Catalana, une appellation malheureusement souvent surfaite derrière laquelle bien des restaurants (surtout en Espagne et en France) cachent un flan industriel couvert de sucre... Ah, la Crema Catalana ! Celle que cuisine Lluis Cantons est onctueuse à souhait, sans le cassant de la crème brûlée, souple au palais mais pas trop douce afin de libérer progressivement toutes ses saveurs... Une étape obligatoire dans un cadre somptueux et convivial pour tous les becs-sucrés de Yangon.
Écrit par Eric Glover
Publié le 28 avril 2019
Publié le 28 avril 2019, mis à jour le 28 avril 2019
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