Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

Fin du flou juridique sur les zones industrielles

zone industrielle Mingaladon Yangonzone industrielle Mingaladon Yangon
Une zone industrielle dans la circonscription de Mingaladon, à Yangon
Écrit par Julia Guinamard
Publié le 30 juin 2020, mis à jour le 1 juillet 2020

Le 27 mai 2020, la Birmanie s’est dotée d’une loi réglementant l’impact environnemental des usines - particulièrement pour la gestion de leurs déchets - et s’attaquant également à la spéculation autour des parcs industriels. L’objectif majeur de cette loi votée par l’Assemblée de l’Union – qui comprend les chambres haute et basse du parlement – est de favoriser un meilleur développement social de ces zones afin que cela aboutisse à la création de plus d’emplois. Les parcs industriels sont en effet aujourd’hui limités dans leur efficacité par une certaine spéculation immobilière, des investisseurs achetant par exemple des terrains dans l’unique but de les revendre avec une plus-value et donc sans intention de mener à bien les projets déclarés. Maintenant, les promoteurs immobiliers devront fournir un échéancier avec une date de fin de projet. En cas de non-respect des délais, les industriels risquent une amende d’une valeur de 10 % des terrains possédés et la révocation de leur permis. Ainsi, la loi favorise les petites et moyennes entreprises (PME) qui investissent dans des projets réels sans thésauriser.

Des ambitions écologiques bancales

Pour l’environnement, la loi soumet désormais les zones industrielles à la réglementation de 2012 sur la protection de la nature. « Dorénavant, les zones industrielles devront prendre en compte leurs impacts négatifs sur l'environnement dans la manière dont elles seront conçues et gérées. Les entreprises devront respecter les directives qui accompagnent la loi sur les zones industrielles », a déclaré la directrice du Centre pour des entreprises birmanes responsables. Mais en parallèle, la loi ne soumet pas les entreprises au programme de développement durable du gouvernement.

Le respect de la réglementation sera supervisé par un comité local de gestion de la zone industrielle qui effectuera, entre autres, des audits. Ce comité sera constitué de membres choisis par les entreprises et par le gouvernement régional. Ce qui représente un point noir à la bonne application de la loi, selon un avocat spécialiste du droit de l’environnement qui, n’ayant pas le droit de parler aux médias, a souhaité garder l’anonymat : « C'est une mauvaise idée d'avoir des entreprises pollueuses qui s'infligent elles-mêmes des amendes pour la pollution ».

La loi apporte également une protection aux industriels en cas de dégradation de leurs usines. Une disposition visant à protéger les exploitants de dégâts volontaires provoqués par des militants anti-pollution, par exemple. Ou des agriculteurs en colère… En cas de détérioration, le coupable sera passible d’une amende allant jusqu’à 2 millions de Kyats (environ 1 300 €).

À Mandalay, la loi a tout de suite été appliquée contre Hydrotek

« À Mandalay, nous avions déjà des règlements stipulant que les terrains de la zone industrielle seraient révoqués si aucune activité n'était exercée. Mais cette règle n'était pas appliquée et aucune mesure n'avait été prise. Maintenant, [avec la nouvelle loi] nous avons un cadre réglementaire. Nous aurons également des informations sur le type d'activités menées sur les différents terrains du parc industriel. Actuellement, nous ne disposons pas de ces informations », a déclaré le secrétaire général du comité de gestion de la zone industrielle de Mandalay.

Ce temps est donc révolu. À la suite de l’entrée en vigueur de la loi, le maire de Mandalay a annoncé le 9 juin la suspension du contrat sur le traitement des eaux usées qui liait la ville avec l’entreprise thaïlandaise Hydrotek. « Nous sommes en négociation avec l’entreprise pour annuler le contrat en raison d’un retard de livraison du projet ». Hydrotek avait remporté l’appel d’offres sur le traitement des eaux usées en 2015 et devait par contrat avoir achevé le projet en 2017. En 2020, l’entreprise thaïlandaise n’a pas encore réalisé la construction des canalisations ! Des travaux ont certes commencé il y a moins d’un an, mais ils sont le fait de la zone industrielle, qui les finance. La faute est donc double pour Hydrotek qui n’a pas achevé son projet et qui, de cause à effet, en ne retraitant pas les eaux usées a laissé celles-ci s’écouler dans la rivière Dotehtawady, permettant sa pollution.

Un membre du réseau d’éducation civique de la ville expliquait en 2019 que « les personnes qui se baignent dans l'eau peuvent contracter des maladies. Si elle est bue, l'eau peut provoquer des maladies gastriques et intestinales. Les particules ne se déversent pas dans la rivière Ayeyarwady, mais dans la Dotehtawady. Les eaux usées y sont déversées depuis une dizaine d'années et pourraient s'infiltrer dans les nappes phréatiques, ce qui est très dangereux. Les gens ne doivent pas s'y baigner, s'y laver ou y manger des poissons ».

Aujourd’hui le pays compte 63 zones industrielles, qui couvrent près de 100 kilomètres-carrés, dont 65 % sont implantées autour de Yangon. La gestion de ces zones industrielles a longtemps pâti d’un flou juridique, bien qu’il existât des lois : la loi sur les usines de 1951, la loi sur les industries privées de 1990 et la loi sur les PME de 2015. La nouvelle loi constitue donc une clarification notable : « Dans l'ensemble, c'est une étape positive qui garantit que les comités soient correctement financés et gérés pour l’intérêt général et le développement de la zone industrielle qu'ils gèrent », a déclaré un avocat partenaire du cabinet Ziko de Yangon.

Flash infos