En juin 2020, une liste de membres hauts placés du gouvernement ayant acheté des terrains à Nay Pyi Taw à des prix dérisoires a circulé sur les réseaux sociaux. Plusieurs membres du gouvernement, le président U Win Myint et même Aung San Suu Kyi aurait chacun acquis un terrain d’une superficie d’environ trois hectares, rapporte ainsi Radio Free Asia dans son traitement de cette affaire. U Zaw Htay, le porte-parole de ce gouvernement, ne nie pas que des figures majeures de la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND), aujourd’hui au pouvoir, ont bel et bien pu acquérir des terres pour des sommes modiques mais il ne voit rien d’embarrassant à ces achats.
Selon lui, « traditionnellement, l'Etat attribue des terrains aux ministres lorsqu’ils quittent leurs fonctions ou partent à leur retraite ». U Zaw Htay conteste en revanche la dimension des parcelles : « La liste des personnes diffusée sur les réseaux sociaux est correcte, mais la superficie des terrains est exagérée ». Il affirme que la Conseillère d’état a reçu un terrain d’environ 40 mètres-carrés, que les ministres ont reçu des surfaces de 30 mètres carrés et que les vice-ministres se sont vus attribuer une vingtaine de mètres carrés.
L’opposition accepte que la pratique ne soit pas illégale mais elle dénonce et souligne l’incohérence des dirigeants actuels. « Recevoir des terrains de l'Etat n'est pas un problème mais Daw Aung San Suu Kyi brise une promesse de campagne. Parce qu'elle est une femme politique, cela porte atteinte à sa dignité », estime un membre du Parti de l’Union pour la Solidarité et le Développement (PUSD), le principal parti politique issu de l’armée. De fait, pendant sa campagne électorale de 2015, l’actuelle Conseillère d’état avait déclaré : « Nous ne voulons pas de tels avantages alors que la plupart de nos concitoyens luttent pour sécuriser leurs terres agricoles ». Le programme de la LND ambitionnait d’ailleurs d’en finir avec ce type de pratiques dont usait justement le PUSD, ancien parti au pouvoir. Les dire de U Zaw Htay sont d’autant plus surprenants que, par exemple, ni U Win Myint, ni Aung San Suu Kyi ne partent à la retraite ou ne renoncent à leurs fonctions : les deux sont candidats à une réélection.
« Ce système, nous voulons que la LND le déracine, pas qu'elle le poursuive »
Si le porte-parole du gouvernement voit dans la diffusion du post sur les réseaux sociaux « une campagne de désinformation à l'approche des élections de 2020 », la fondatrice du groupe de surveillance Yangon Watch, l’ancienne députée de la région de Yangon Nyo Nyo Thin, dénonce ces emplettes : « Les gens ont voté pour la LND en espérant qu'elle éliminerait ces pratiques déloyales. S'il légitime un système basé sur des privilèges, alors l’avenir politique de ce parti n’est pas bon. Les gouvernements successifs se sont ancrés dans ce système, nous voulons que la LND le déracine, pas qu'elle le poursuive ».
Et comme le prix d’acquisition des lopins est nettement en-dessous du marché, U Zaw Htay explique que les prix de vente ont été fixés par le Comité de développement de Nay Pyi Taw… qui n’a pas voulu répondre aux journalistes. Les prix exacts ne sont donc pas connus. Dans le quartier où se situent ces terrains, le mètre-carré se négocie normalement entre 8 et 10 millions de kyats (environ 5 – 6 000 euros).
Il est cependant possible de s’installer à Nay Pyi Taw pour des tarifs autrement moins élevés. Ces dernières années, plusieurs organisations ont acheté des terres à un prix autour 500 000 kyats le mètre-carré (de l’ordre de 330 euros). En 2018, par exemple, la fondation Daw Khin Kyi, présidée par Aung San Suu Kyi, a acquis un peu moins de 9 000 mètres-carrés dans la circonscription d'Ottarathiri, à Nay Pyi Taw, pour 700 millions de kyats (de l’ordre 80 000 kyats – environ 50 euros - le mètre-carré).