C’est le Dr. Nandar Hla Myint, porte-parole du Parti de l’Union pour la Solidarité et le Développement (PUSD), principal parti d’opposition, qui nous répond aujourd’hui sur la vision du PUSD après cinq ans de gouvernement de son grand rival, la Ligue Nationale pour la Démocratie.
Dr. Nandar Hla Myint, vous êtes candidat à l’élection du 8 novembre. Dans quelle circonscription vous présentez-vous ?
Je vais participer à l’élection en tant que candidat pour un siège au Pyithu Hluttaw [ndlr : Chambre des représentants, ou Chambre basse du Parlement national] depuis ma circonscription à Kalaw, ville située dans le sud de l’Etat Shan.
Combien de candidats le PUSD présente-t-il ?
Environ 1089 membres de notre parti vont se porter candidats le 8 novembre, avec 310 candidats pour la Chambre basse, 158 pour la Chambre haute, 597 dans les parlements régionaux et étatiques et 24 pour les postes de Ministres des Affaires Ethniques.
Cela représente-t-il plus ou moins de candidats qu’en 2015 ?
C’est moins qu’en 2015 car cette année nous ne participons pas à l’élection dans certaines zones ethniques. Aujourd’hui, les partis ethniques se renforcent localement, certains veulent gagner leur place et s’impliquer dans le développement de leur région. Pour cette raison, nous avons décidé de ne pas nous présenter dans les régions ethniques concernées car si nous lancions une négociation avec eux, cela équivaudrait à faire alliance contre eux. En tant que grand parti politique, nous voulons simplement voir le leadership des groupes ethniques dans leurs régions respectives, il n’y a pas eu d’accord politique [NDLR : en 2015, le PUSD et la Pa-O National Organisation (PNO) avait un accord pour présenter un candidat unique par circonscription en leur deux noms dans l’état de Shan. Cet accord a permis au PUSD de remporter la majorité des sièges et de prendre la tête du parlement local. La PNO n’a pas souhaité reconduire l’accord en 2020].
Pouvez-vous nous expliquer les trois points essentiels du programme du PUSD ?
En ce moment, l’économie est en crise. Nous allons essayer de réorganiser l’économie du pays, et de nouvelles politiques économiques vont être mises en place. Si nous étions le gouvernement, nous ferions de notre mieux pour le développement économique du pays et nous garantirions au peuple des opportunités d’emploi avec un bon revenu. Le deuxième plus gros problème, c’est la loi. Actuellement, les cas de viols et de vols ont augmenté. Nous travaillerons pour stabiliser le pays et réduire la criminalité. Et le troisième problème, c’est la paix. Ces objectifs sont les mêmes que ceux qui ont été entamés à l’époque du gouvernement de l’ancien Président U Thein Sein.
A propos de ce dernier objectif, si le PUSD forme un gouvernement, quelle sera plus précisément votre politique concernant les conflits ethniques et le processus de paix ?
A l’époque du gouvernement du Président U Thein Sein, nous avions conclu des accords paisibles avec des groupes armés ethniques en instaurant la confiance. Le pays était alors stable et développé. Sous le gouvernement actuel, le processus de la paix est devenu flou et dangereux. Un pays ne peut pas se développer sans paix. Notre parti a l’expérience nécessaire pour bâtir une paix avec les groupes ethniques et nous sommes prêts à répondre à leurs besoins. Nous croyons qu’en tant que gouvernement, nous pourrons créer une entente amicale avec les groupes ethniques.
Comme vous le savez, le conflit dans l’état de l’Arakan a attiré l’attention des médias locaux et internationaux. Quelle est la ligne de votre parti concernant ce conflit qui s’est intensifié depuis 2017 ?
Le conflit dans l’Arakan n’est pas une question raciale ou religieuse. Notre parti estime que le principal problème est l’immigration. Les Bengalis du Bangladesh envahissent notre pays depuis de nombreuses années et s’installent pour travailler sur notre sol. A long terme, il y a des gens qui pourraient obtenir la citoyenneté grâce à la loi birmane, mais d’autres non. Nous essayons de résoudre cette question pacifiquement. Cependant, de son côté, le gouvernement islamiste du Bangladesh a identifié les Rohingyas comme une nationalité et nous demande de leur donner la citoyenneté birmane. Cela a conduit à des problèmes raciaux et politiques indésirables. Ce n’est pas un problème international et il s’agit tout simplement d’un problème d’immigration entre les deux pays. Et il pourrait être résolu par la législation existante entre la Birmanie et le Bangladesh. S’il y a un grand nombre de revendications de citoyenneté insolubles, la situation restera tendue.
Vous êtes l’un des rares partis convaincus que les 25 % de sièges réservés aux parlementaires nommés par l’armée au parlement national sont essentiels pour une bonne gouvernance du pays. Pouvez-vous nous dire pourquoi ?
Ces 25% de représentants choisis par l’armée ne sont pas là pour diriger le pays mais pour contrôler ce parlement, parce que la majorité des politiciens actuel ont une expérience de gouvernance de ce pays quasiment inexistante. Et avec l’avènement de la démocratie, ces politiciens sont devenus les membres du parlement. En conséquence ces 25 % de militaires sont simplement là afin de contrôler ces membres du parlement qui sont « politiquement immatures » pour que leurs actions ne nuisent pas au peuple et à la nation. Pour être franc, l’armée ne veut plus reprendre le pouvoir ! Et un jour, l’armée quittera le Parlement quand le pays sera politiquement stable.
De plus en plus de personnes sont poursuivies pour diffamation pour avoir critiqué ou moqué des représentants du gouvernement ou des militaires. Quelle est la position du PUSD sur la liberté d'expression et le rôle des médias libres dans le pays?
En fait, le gouvernement PUSD dirigé par l’ancien président U Thein Sein était un vrai gouvernement démocratique. Il a permis plus de liberté des médias, bien plus que nous ne l’imaginions. Les libertés d’expression et de la presse ont été accordées. Il y a eu très peu de cas ayant fait l’objet de poursuites et d’emprisonnement en vertu de l’article 66(d). Cependant, la plupart des gens ne voyaient pas ce gouvernement comme démocratique car il était composé de représentants issus de l’armée. Seul le gouvernement de Daw Aung San Su Kyi a été considéré comme démocratique. Mais avec le gouvernement actuel, la liberté des médias est de plus en plus restreinte. Avec l’expérience de ces cinq dernières années, je pense que le peuple sait quel gouvernement est véritablement démocratique et quel gouvernement est juste un gouvernement pro-démocratie.
Comment votre campagne a-t-elle été affectée par les restrictions liées au Covid19 ?
En raison du Covid-19, les droits de campagnes électorales des partis ont été gravement affectés. En fait, le PUSD était l’un des partis qui voulait déplacer la date de l’élection car la santé de la population est primordiale. Néanmoins, nous participons en suivant les règles proposées. Nous évitons des foules, nous faisons du porte-à-porte pour distribuer nos brochures, nous organisons des discussions électorales en ligne, et nous faisons des réunions avec des équipes en respectant la distanciation sociale.
Et qu’en est-il de votre campagne numérique ?
Nous utilisons principalement Facebook car c’est très populaire en Birmanie. Nous y organisons des discussions et adressons nos messages au public, etc… Sur les chaînes de télévision nationales publiques, tous les partis ont droit à une demi-heure pour s’exprimer sur un pied d’égalité.
Le 10 octobre, comme vous le savez, des supporters du PUSD et de la LND se sont affrontés dans la région de l’Ayeyarwady. Que pensez-vous de ce genre d’incident ?
Certaines personnes ne comprennent pas grand-chose à la politique. Et ils ne comprennent pas que le vote pour des candidats qualifiés peut rendre le pays prospère. Pour eux, c’est comme jouer au football entre deux équipes différentes du quartier. Cependant, dans la plupart des cas, ce sont des groupes LND qui nous ont cherché des problèmes, et en tant que candidat moi-même j’ai aussi vu ce genre d’incident dans ma ville.
Quel est, selon vous, le plus grand obstacle à des élections libres et équitables ?
Le plus gros obstacle à des élections libres et équitables est la Commission Electorale Nationale actuelle. Ses actions sont injustes et la Commission est très favorable au parti majoritaire [ndlr : la LND]. Pour pourvoir assurer des élections libres et justes, il faudrait absolument changer tous les responsables de la commission.
Beaucoup de témoignages mentionnent les nombreuses erreurs que contiennent les listes électorales. Dans quelle mesure est-ce un problème d’après vous ?
Oui, ces erreurs existent. Les personnes décédées sont encore inscrites, il y a des erreurs d’adresses de quartiers, des doublons des noms, etc…
Pensez-vous que ces problèmes seront résolus avant le 8 novembre ?
(En riant) C’est impossible. La Commission Electorale n’est pas juste.
Prévoyez-vous de gagner une majorité des sièges en jeu le 8 novembre ?
Nous croyons très fortement en notre victoire.
Des sondages et les experts politiques s’accordent sur une victoire de la LND le 8 novembre, mais de moins grande ampleur qu’en 2015. Qu’est-ce qui vous fait penser que vous l’emporterez ?
Le peuple a connu le gouvernement du PUSD avec U Thein Sein, et celui de la LND aujourd’hui. Les gens respectent et admirent personnellement Daw Aung San Su Kyi mais aujourd’hui ils sont en difficulté économique ou politique. Et il n’y a que des personnes endettées en Birmanie. Si vous n’y croyez pas, demandez à n’importe quelle personne que vous croisez dans la rue. En tant que candidat moi-même, j’ai déjà rencontré des dizaines de millions de personnes et tous sont endettés. Si nous continuons de soutenir un gouvernement qui endette son peuple, c’est le destin de notre pays qui est en jeu. Je pense que notre peuple sait très bien réfléchir. Nous espérons que notre peuple comprend nos efforts. Et nous promettons que nous allons gagner le 8 novembre afin de pouvoir faire de belles choses pour notre peuple.