Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

SOCIÉTÉ - L’évolution des télécommunications au Myanmar [Episode 1]

DSC_0431DSC_0431
Écrit par Justine Hugues
Publié le 12 septembre 2016, mis à jour le 14 janvier 2018

Episode 1 : Quand le réseau mobile birman explose les records de croissance mondiaux
Au cours des dernières années, aucun endroit de la planète n'a connu une croissance de son réseau de téléphonie mobile semblable à celle du Myanmar.  En deux ans, le pays est passé de 10% à 90% de taux de pénétration virtuelle de la téléphonie mobile, alors qu'auparavant, ses voisins Thaïlandais et Vietnamiens avaient mis respectivement huit et quatre ans pour ce faire. 

Une révolution est en marche : les moines ont leur page Facebook et les habitants des camps de déplacés de l'Arakan 'Skype' leur famille établie en Malaisie. L'un des objectifs du  gouvernement en matière de télécommunications est que 90 % de la population ait accès au réseau mobile d'ici 2020. Le pays est-il en bonne voie pour relever cet ambitieux défi ?  

L'appel d'offres de 2013 a ouvert et révolutionné le marché de la téléphonie mobile.
Qui n'a jamais entendu parler de quelqu'un ayant acheté sa carte SIM 2,500 USD ? Cela paraît inconcevable aujourd'hui puisqu'on en trouve pour 1,500 kyats ; et pourtant, c'était il y a seulement dix ans. En 2011, seulement 3% de la population possédait une carte SIM. Ce taux de pénétration incroyablement bas classait alors le Myanmar à l'avant dernier rang des pays asiatiques, juste devant la Corée du Nord. MPT, l'opérateur monopolistique d'Etat, disposait uniquement de 1,200 « tours » (traduction du terme anglais « towers », elles sont plus connues en français sous le nom de « pylônes » ou « points hauts ») pour couvrir l'intégralité du pays.  

En 2013, le gouvernement birman décide de lancer l'un des plus gros appels d'offres internationaux en matière de télécommunication, afin d'ouvrir la téléphonie mobile à la concurrence étrangère. Après plus d'un an de compétition entre quelque 91 candidats, puis  15 « short listés », dont l'opérateur français Orange, qui ressortira finalement vaincu, le Norvégien Télénor et Oredoo le Qatari  se voient chacun attribuer une licence de 15 ans pour mettre en place leur réseau mobile à travers le pays. 

En octobre 2014, les deux vainqueurs lancent leur offre commerciale. Elle contribuera de façon significative à démocratiser l'usage des téléphones portables, via la vente de cartes SIM à deux dollars et de recharges prépayées. Avec un taux de pénétration réel* autour de 45% aujourd'hui (soit près d'un habitant sur deux ayant l'usage d'au moins une carte SIM), le marché de la téléphonie mobile birman a connu une croissance de 100% au cours des 20 derniers mois. 75% des personnes ayant l'usage d'une carte SIM ont un Smartphone et utilisent de la data. Oredoo a même mis en circulation son propre téléphone low cost de fabrication chinoise, pour seulement 30,000 kyats. Le prix des services a également connu une chute drastique. Aujourd'hui, selon l'opérateur, le forfait et le destinataire de l'appel, le consommateur paie entre 20 et 30 kyats la minute, soit presque trois fois moins que les abonnés Free français. Enfin, une recherche effectuée par l'institut MRRD l'an dernier indiquait que 96% des usagers mobiles utilisaient les réseaux sociaux. Facebook étant dans le peloton de tête pour 93% des usagers, aux côtés de Viber (80%). Avec seulement 6% d'utilisateurs, Twitter restait assez impopulaire. 

Qui sont ces trois opérateurs qui ont révolutionné le marché et où en sont-ils dans l'atteinte de leurs objectifs pour 2020 ? 


MPT, Télénor et Oredoo, trois positions et stratégies différentes pour un objectif partagé. 
Avec 20 millions de carte SIM en circulation, MPT conserve la plus grosse part du marché (45%). Il reste aussi le préféré des birmans selon une enquête réalisée par l'agence  de publicité britannique WFP et l'entreprise d'étude de marchés Millward Brown. Ayant formé un Joint Operation Agreement avec deux compagnies japonaises  (KDDI aux commandes de la technique et Sumitomo pour l'investissement), MPT a su saisir son avantage historique pour fidéliser une assiette large, englobant le marché des particuliers et celui des entreprises, et reposant sur des partenariats judicieux. En Juin dernier, MPT a notamment lancé un partenariat avec Facebook, pour permettre à ses clients d'avoir accès à certaines pages sans frais.  

Ayant attiré un demi million de clients le jour même du lancement de son offre commerciale, Télénor s'est rapidement classé comme le second acteur incontournable avec 38% des parts du marché.  Le fer de lance de sa stratégie a toujours été de rester le moins cher. Ce faisant, et ses concurrents étant tenus de s'aligner, l'entreprise norvégienne a considérablement fait baisser les prix. Doté d'une équipe relativement modeste (600 personnes) si on la met en perspective avec son poids commercial, Télénor est certainement le plus innovant et socialement responsable. L'entreprise travaille actuellement au prochain lancement de services mobiles bancaires (en partenariat avec Yoma Bank) et mène une politique ambitieuse en matière de développement durable et responsabilité sociale. Patricia Curran, longtemps à la tête du département « sustainability » travaille avec son équipe au développement d'un projet éducatif inédit, allant permettre aux enfants dé-scolarisés des campagnes birmanes d'avoir accès à l'éducation grâce à un enseignement virtuel (les cours dispensés par  des professeurs situés dans les villes voisines seront retransmis sur écran).  

Par ailleurs, Télénor a toujours mis un point d'honneur à entretenir un lien étroit avec les communautés. Via ses équipes de mobilisateurs communautaires, l'entreprise sillonne les Etats périphériques du Myanmar, où résident principalement les minorités ethniques, afin de discuter avec elles, en langage local, des contrats, usage des terrains pour l'implantation des tours ainsi que des potentielles nuisances y étant associées.  

Bien qu' Oredoo ait été pionnier dans le lancement de son offre 4G/LTE en mai dernier dans trois grandes villes du pays (Mandalay, Nay Pyi Thaw et Yangon, pour près de 200,000 clients 4G aujourd'hui), ainsi que dans la commercialisation d'appareils bons marchés (les clients Oredoo peuvent en effet faire l'acquisition d'un Smartphone neuf pour moins de 100,000 Kyats), l'entreprise Qatari, avec 8 millions de carte SIM, se maintient loin derrière ses deux concurrents.  Pourtant, sa stratégie en matière de publicité ne manque pas d'ambition ni de couleurs : du taxi au parapluie,  de plus en plus de supports se couvrent des célèbres pastilles rouges sur fond blanc.  En fait, malgré des services voix et data de grande qualité, focalisés sur la 3G - et très récemment la 4G - Oredoo pèche sur la couverture ; ses 4000 tours desservant très peu les zones rurales reculées. 
Justine Hugues - Mardi 13 Septembre 2016

*Le taux de pénétration virtuelle est le ratio entre le nombre de cartes SIM encirculation et le nombre d'habitants. Il est différent du taux de pénétration réel qui lui, calcule le nombre de personnes possédant au moins une carte SIM. La différence tient au fait que beaucoup de personnes peuvent avoir différentes cartes SIM pour plusieurs usages (personnel /professionnel) et différents appareils (portable, tablette, ordinateur, boitier wifi). Ainsi, le fait qu'il y ait actuellement 45 millions de carte SIM en circulation au Myanmar ne veut pas dire que 45 millions de personnes aient une carte SIM ni un téléphone.
 

Justine Hugues
Publié le 12 septembre 2016, mis à jour le 14 janvier 2018

Flash infos