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Le basket pro, révélateur des fractures de la société libanaise

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Les croix du club arménien Homenetmen lors de la finale de la coupe du Liban le 2 mai 2018. Photo Mohamad Kaadan
Écrit par Raphaëlle TALBOT
Publié le 15 mai 2018, mis à jour le 15 mai 2018

Le sport professionnel libanais est traversé par le communautarisme. Premier sport national, le basket-ball n’échappe pas à la règle. La frontière avec la politique et la religion est ténue.

 

Au Liban, le basket-ball est le sport numéro un devant le football. Il cristallise toutes les passions, même les plus violentes.

Le 2 mai dernier, la finale de la Coupe du Liban a opposé Al-Riyadi Beirut, l’un des plus gros clubs du championnat national appartenant à la famille Hariri, et Homenetmen Beyrouth, l’une des filiales d’un club omnisports représentant la communauté arménienne chrétienne du pays.

Mohammad Kaadan, musulman et supporter d’Al-Riyadi, et Mickel Baz, chrétien et supporter, comme son père, de la Sagesse, l’un des plus grands clubs du pays, y étaient et ne veulent plus revenir voir un match. Les deux amis ont été choqués par le comportement de certains supporters. Dans le public, les croix chrétiennes de l’équipe arménienne faisaient face à des drapeaux turcs brandis par des supporters de l’équipe du quartier sunnite de Manara.

Exceptionnellement, les supporters des deux équipes pouvaient être présents. Mais d’ordinaire, les matchs de championnat sont fermés aux supporters adverses. Au Liban, la violence s’exprime par des chants racistes ou des symboles religieux.

« Les clubs encouragent les gens à se détester entre eux », déplore Michel. Il s’inquiète de cette haine attisée à chaque rencontre sportive entre confessions. Mohammad élargit le problème à la société libanaise. Pour lui, les gens n’encouragent pas les équipes de basket en fonction de leur performance ou pour l’amour du sport, mais en fonction de la religion ou des partis politiques.

 

Communauté d’appartenance
Pour Maroun El-Khoury, directeur de la section sport à l’Université Saint-Joseph (USJ) et entraîneur de l’équipe féminine nationale de futsal, les tensions entre supporters viennent directement de la culture libanaise, ajoutant que « les Libanais n’acceptent pas la défaite ». La religion est un signe d’appartenance, et les supporters ressentent le besoin d’appartenir à une communauté.

Le sport libanais s’est développé sur les principes du modèle communautaire du pays. Ainsi, « le football est plutôt musulman, le basket est plutôt chrétien », observe M. El-Khoury. Pour le football par exemple, le président de la fédération de football est, par usage, issu de la communauté chiite. « Il y a plus de terrains de football dans les régions musulmanes que dans les zones chrétiennes », indique l’entraîneur.

Pourtant, toutes les communautés sont représentées dans chaque sport et les joueurs sont d’origines différentes. L’équipe d’Al-Riyadi est composée de musulmans, de chrétiens et de trois Américains ; mais tous les supporters sont musulmans. L’équipe de Homenetmen est composée de joueurs issus de toutes les communautés. Deux Américains et un Marocain composent aussi l’équipe. Mais avant chaque match, joueurs et supporters entament l’hymne arménien.

Les sponsors étant peu développés au Liban, les clubs font appel à des hommes politiques pour se financer. « Avec les élections, tous les clubs ont eu de l’argent cette saison. Des politiciens les ont financés pour avoir des voix supplémentaires », explique Maroun El-Khoury.  Il regrette que les clubs dépendent autant des politiques. Le club d’Amchit, soutenu par le fils du président libanais de l’époque, Michel Sleiman, a fini par être rétrogradé.

 

 

Raphaëlle Talbot
Publié le 15 mai 2018, mis à jour le 15 mai 2018

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