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Dominique WOLTON : « Le pape François est un mondialiste »

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Écrit par Charbel Moussalem
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 6 novembre 2017

A l’occasion du Salon du livre francophone de Beyrouth 2017, le sociologue français présente son dernier ouvrage, Politique et société, un livre d’entretien avec le Pape François, publié aux Editions de l'Observatoire.
 

lepetitjournal.com/Beyrouth : Quelles sont les raisons qui vous ont poussé  à faire ce livre ?

Dominique Wolton : J’ai d’abord été surpris par l’élection d’un pape jésuite, et venant d’Amérique latine. J’ai également été attiré par le fait qu’il gère très bien l’outil de la communication. Comment un homme peut-il être capable de parler à tous les peuples ? C’est de là que m’est venue l’idée de lui proposer un dialogue sur les thèmes politiques et sociétaux car je trouvais qu’il rompait avec ses prédécesseurs.


Comment le contact avec le pape s’est-il opéré ?

J’ai tout simplement envoyé par la poste une note d’intention au pape avec un plan du livre, l’invitant à un échange.  A ma grande surprise, un ou deux mois après, j’ai reçu un mail du Vatican me donnant rendez-vous pour tel jour, telle heure.


Comment décririez-vous la personnalité du pape François ?

C’est quelqu’un d’une très grande simplicité, qui n’est pas autoritaire et qui adore l’humour. En même temps, je trouve qu’il a une personnalité complexe du fait de son héritage familial et de son parcours. C’est un immigré d’origine italienne, installé en Amérique Latine, continent martyr exploité par les Etats-Unis, et plus précisément en Argentine, qui a connu la dictature militaire. Il n’a jamais vêtu les habits du cardinal lorsqu’il l’a été. C’est quelqu’un de très proche des pauvres, il n’aime pas les riches et s’adresse au plus grand nombre : c’est un pape mondialiste.

Lors de mes entretiens avec lui, j’étais tout le temps anxieux et intimidé mais je trouvais qu’il avait une simplicité inouïe, totale. Il s’est totalement livré. Ce livre fut l’occasion d’une rencontre intellectuelle et humaine. Nos entretiens se sont déroulés dans sa résidence à Sainte-Marthe qui est un lieu d’une grande modestie. Je pense que le pape a accepté le dialogue car il appréciait d’avoir affaire à un intellectuel français, agnostique et bienveillant, qui ne soit ni italien, ni journaliste, ni prêtre.

 

Que pensez-vous de la communication du pape François ?

Il a une communication intuitive. Il n’a pas de stratégie de communication. C’est quelqu’un qui adore le peuple et les gens ordinaires. Il ne parle pas comme un religieux, mais comme un laïc. Il arrive ainsi à s’adresser aux athées ou aux agnostiques.

 

Dans le livre, le pape et vous-même plaidez pour une communication qui favorise l’ouverture vers autrui, est-ce possible à l’heure de la mondialisation effrénée ?

Je le pense, oui. Le pape pense comme moi : il estime que la communication, c’est se parler, se toucher, se sentir…des choses beaucoup plus importantes que de passer des heures assis devant son ordinateur. La jeune génération est complètement obnubilée par les médias, mais je pense qu’ils seront les premiers à en sortir.  

C’est quelqu’un d’une très grande simplicité, qui n’est pas autoritaire et qui adore l’humour


La popularité du pape peut-elle enrayer la crise du christianisme en Europe ?  

Je pense que l’on va assister à une relance de la foi, à un retour de la spiritualité. La religion viendra ou ne viendra pas. L’erreur de l’Europe, c’est d’avoir cru que la question de la religion était derrière elle.  Mais le développement de la mondialisation va de pair avec celui de la religion. La mondialisation est dans un tel désordre qu’elle engendre un retour des religions et des identités nationales. On parle de retour du religieux mais il a toujours été là. A ce titre, je conteste l’idée un peu bête que les religions sont un facteur de haine.


Que pensez-vous de la modernité et de ses effets ?

La question du conflit entre la tradition et de la modernité occupe une place importante dans le livre. La modernité a permis de sortir de la tradition mais elle est devenue une idéologie. Je pense qu’on a besoin de la modernité et de la tradition.

 

Que pense le Pape de la question des chrétiens d’Orient?

Il s’en préoccupe beaucoup. Il est obsédé par le dialogue entre les religions.

 

Et vous, qu’en pensez-vous ?

La question des chrétiens d’Orient est passée inaperçue ces 15 dernières années mais je pense qu’avec les guerres au Moyen-Orient, il y a une prise de conscience et une sensibilité plus forte à ce sujet.


Quelle est la position du pape sur les réfugiés ?

C’est une obsession, il ne lâchera jamais. Pour lui, l’Europe et les pays riches trahissent leurs valeurs en rejetant les réfugiés alors que ces mêmes pays vendent des armes, font les guerres et déstabilisent les sociétés. Mais dans l’autre sens, lorsque les réfugiés politiques ou économiques arrivent par la mer, elle les rejette.


Partagez-vous la position du pape sur la question des réfugiés ?

Bien sûr, le Liban accueille un million de Syriens et le pays n’est pas en guerre civile. Angela Merkel a été victime d’attaques sur sa politique favorable aux réfugiés. Ses adversaires prétendent qu’elle les a accueillis pour des raisons démographies, alors qu’en réalité, elle l’a fait par conviction chrétienne.

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