Édition internationale

AMMAR ABD RABBO : "Non, Alep n'est pas un nid de terroristes"

Écrit par Hélène Boyé
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 28 décembre 2016

 

 Franco-syrien, né à Damas, Ammar Abd Rabbo est photoreporter depuis les années 90. De Benazir Bhutto à Kadhafi, de Rafic Hariri à la reine Rania de Jordanie, il couvre principalement le monde arabe. Depuis la crise syrienne, le photographe est retourné plusieurs fois en Syrie. De 2013 à 2014, il se trouve à Alep. De ce séjour, il en fait un livre « Alep, A Elles Eux Paix » sorti aux éditions Noir, Blanc, Etc. Nous l'avons interviewé.

Photo : Ammar Abd Rabbo / Facebook
Lepetitjournal.com/Beyrouth : Vous êtes Franco-syrien, qu'avez-vous de Français en vous ?
Ammar Abd Rabbo : Ce que j'ai de Français en moi ? Sans doute la République, et ses valeurs universelles et cet esprit si particulier qui remonte à 1789 et à la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, pas la prise de la Bastille, qui proclame que les "hommes naissent libres et égaux en droit"... Ensuite, c'est toujours compliqué de repérer ce qu'il y a de "Français" ou de "Syrien", c'est un ensemble de choses, une culture, une curiosité, une ouverture au monde qui complète ce qu'il y a d' "Arabe" en moi... 

Cet ensemble de choses fait de moi un citoyen du monde, engagé et lucide, loin de tout chauvinisme... 

« Alep, A Elles Eux Paix », pourquoi ce titre ?
Car c'est tout simplement la façon d'épeler le nom de la ville ! A Elles Eux Paix... A.L.E.P. C'est venu comme une évidence. Pourquoi aller chercher un titre compliqué alors qu'il suffisait d'épeler le nom, et d'énoncer le "message". A Elles et Eux, les femmes et les hommes d'Alep, mais aussi de toute la Syrie et de la région, je leur souhaite la paix.

Je fais partie d'une génération qui n'a connu que des guerres. J'espère pour les générations futures de cette région, comme cela a été le cas pour l'Europe depuis 1945, une période de paix et d'entente entre les peuples, sans frontières, sans armes et sans haine.
Je sais cela sonne un peu comme un slogan utopique ou une chanson de John Lennon... Mais si d'autres l'ont fait, nous devrions pouvoir le faire aussi. Il y a urgence !

Quel message voulez-vous faire passer à travers ce livre ?
Le message est dans le titre. Il s'agit plutôt d'une photographie, avec les espoirs des uns et les peurs des autres. Le message est de dire et de réaffirmer "non, Alep n'est pas un nid de terroristes", c'est une ville avec ses marchés, ses écoliers, ses artistes, son humour... Bref, tout ce que l'on ne perçoit pas si on reste à l'écoute de la propagande des uns ou des autres. 

Rue d'Alep le 14 juin 2014 - Draps utilisés comme protection anti-sniper / Facebook

Comment pensez-vous que les choses vont évoluer à Alep et en Syrie plus globalement ?
Pour les révolutionnaires, la chute d'Alep est un coup dur, un moment difficile. Mais quand on voit à quel prix le régime Assad et ses milices ont reconquis la ville, c'est-à-dire au prix d'intenses bombardements aériens et de destructions avec l'aide d'armées étrangères, on sait que ce n'est pas une vraie défaite. 

Les vaincus sont les plus forts, même si cela paraît paradoxal. Les choses vont évoluer dans ce sens : un régime soutenu par l'étranger mais qui, un jour ou l'autre, devra rendre des comptes et affronter son peuple. La gestion "sécuritaire" à court terme, qui considère les révolutionnaires comme des terroristes, tout en laissant les "vrais terroristes", comme ceux de Daech, se promener tranquillement et reprendre à nouveau la ville de Palmyre, ne peut pas régler les problèmes en Syrie... 

 

Hélène Boyé  (www.lepetitjournal.com/Beyrouth) mardi 27 décembre 2016

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Hélène Boyé, directrice de la publication de LPJ Beyrouth
Publié le 28 décembre 2016, mis à jour le 28 décembre 2016
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