Malgré sa situation géopolitique instable, le Liban offre encore des niches d’affaires. Mais créer une entreprise à l’étranger implique de naviguer entre les démarches administratives, la fiscalité et le choix du bon statut juridique. Lepetitjournal.com vous livre le guide pratique pour vous lancer dans l’aventure entrepreneuriale au Liban.


Le contexte économique au Liban
Après l’effondrement financier de 2019, l’économie libanaise s’est largement « dollarisée » et reste fortement dépendante des transferts de la diaspora. En l’espace de six ans, le PIB libanais est passé de 51 milliards de dollars à seulement 20. En cause, l’instabilité politique et le conflit avec Israël mais également la faiblesse chronique de l’électricité. Néanmoins, la croissance devrait repartir selon le World Bank Economic Monitor qui projette une hausse de 4,7% en 2025.
Le tourisme et certains services privés, comme la santé et l’éducation, constituent des piliers essentiels de l’activité tout comme le tourisme et l’hôtellerie si le climat sécuritaire s’y prête. À noter également que le numérique progresse, notamment dans l’IT et le e-commerce, tout comme l’agroalimentaire et l’énergie qui profite de l’essor du solaire photovoltaïque.

Les visas et permis pour entreprendre et travailler au Liban
Pour tout étranger souhaitant entreprendre ou travailler au Liban, deux démarches distinctes mais complémentaires sont nécessaires : l’obtention d’un titre de séjour délivré par la Direction Générale de la Sûreté Générale et celle d’un permis de travail géré par le Ministère du Travail.
La plupart des ressortissants étrangers entrent au Liban avec un visa d’entrée délivré à l’aéroport ou auprès des ambassades ou consulats libanais. Ce visa est généralement valable pour un court séjour (un à trois mois), mais il constitue une base pour engager les démarches de résidence. L’entrepreneur ou le professionnel étranger doit ensuite demander une carte de résidence. Celle-ci est en principe annuelle, renouvelable, et peut être prolongée jusqu’à trois ans dans certains cas. Le dossier à présenter à la Sûreté Générale inclut : un formulaire de demande, le passeport valide, des photos d’identité, un casier judiciaire du pays d’origine, un certificat médical, ainsi que des preuves de logement et de ressources financières suffisantes.
Parallèlement, un permis de travail doit être obtenu avant l’obtention ou le renouvellement de la carte de séjour. Ce permis est obligatoire pour tout étranger, y compris les dirigeants d’entreprise ou gérants salariés. La demande se fait auprès du ministère du Travail. Pour les travailleurs indépendants, il est également demandé un plan d’activité ou une preuve de l’apport économique du projet au pays.
Les délais d’obtention varient : de trois à six semaines pour un permis de travail classique, et de un à deux mois pour une première carte de résidence, les renouvellements étant généralement plus rapides. Le coût dépend de la catégorie et de la durée, mais il varie entre 300 et 1.000 USD par an. À noter que certaines professions stratégiques ou réglementées (santé, éducation, bâtiment) peuvent nécessiter des autorisations additionnelles.

Les statuts juridiques pour créer son entreprise au Liban
La Société à responsabilité limitée (SARL) est l’une des structures les plus courantes pour les PME. Elle nécessite entre 3 et 20 associés, avec un capital minimum d’environ 5 millions de livres libanaises (LL). La responsabilité des associés est limitée à leurs apports, sécurisant leur patrimoine personnel. Elle peut être dirigée par un ou plusieurs gérants, libanais ou étrangers, et n’exige pas de conseil d’administration.
La Société anonyme libanaise (SAL) correspond à la société par actions et s’adresse aux projets de grande envergure nécessitant des levées de fonds. Elle requiert un capital minimum de 30 millions LL, divisé en actions nominatives, et au moins trois actionnaires (personnes physiques ou morales). Elle est dirigée par un conseil d’administration composé de 3 à 12 membres, dont la majorité doit être libanaise, et par un président-directeur général. La SAL est obligatoire pour certaines activités réglementées comme les télécoms, les banques, les assurances ou les médias. Elle permet également d’ouvrir le capital à des investisseurs étrangers et d’accéder à des financements plus importants.
La Société en nom collectif (SNC), est une option pour de petites structures. Elle doit être constituée d’au moins deux associés, tous responsables indéfiniment et solidairement des dettes sociales. Sa transparence est plus grande, mais elle expose fortement les associés en cas de difficultés financières.
La Société en commandite simple (SCS) et la Société en commandite par actions (SCA) permettent de combiner des associés commandités (responsables indéfiniment) et des associés commanditaires (responsables uniquement de leurs apports). Ces formes conviennent aux entreprises familiales ou aux projets où des investisseurs souhaitent participer sans intervenir dans la gestion.
Il existe également des succursales et bureaux de représentation de sociétés étrangères offrent une alternative pour les groupes internationaux. La succursale peut exercer directement des activités commerciales au Liban, mais elle doit être enregistrée au Registre du commerce et obtenir une autorisation du Ministère de l’Économie et du Commerce. Le bureau de représentation est limité à des activités non lucratives comme la prospection de marché, la publicité ou la coordination et ne peut pas générer de chiffre d’affaires local.
Enfin, la législation libanaise permet aussi de créer une entreprise individuelle (également appelée « établissement commercial »), qui ne nécessite pas de capital minimum mais engage la responsabilité personnelle de l’entrepreneur sur l’ensemble de ses biens. C’est une formule simple et rapide pour les commerçants ou prestataires indépendants, mais qui comporte des risques élevés en cas de difficultés financières.

Comment enregistrer son entreprise au Liban ?
1. Vérification du nom commercial et préparation des statuts
La première étape consiste à vérifier la disponibilité du nom commercial choisi auprès du Registre du commerce. Ensuite, il est nécessaire de rédiger l’acte constitutif (pour une entreprise individuelle) ou les statuts (pour une société), qui précisent l’objet social, la structure du capital, l’identité des associés et les modalités de gouvernance. La rédaction se fait généralement avec l’aide d’un avocat agréé.
2. Constitution du dossier juridique et administratif
Le dossier de constitution doit comprendre les statuts signés, les copies certifiées conformes des pièces d’identité ou passeports des associés, une attestation officielle du siège social, la preuve du dépôt du capital (dans le cas d’une société de capitaux) ainsi que la désignation des dirigeants ou administrateurs.
3. Dépôt et immatriculation au Registre du commerce
Le dépôt s’effectue auprès du tribunal de commerce compétent selon le lieu du siège social. Après examen, le tribunal attribue un numéro d’immatriculation au Registre du commerce, qui officialise la création de l’entreprise.
4. Enregistrement fiscal et social
Une fois immatriculée, l’entreprise doit s’enregistrer auprès du Ministère des Finances afin d’obtenir un numéro fiscal. Selon le volume d’activité prévu, l’entreprise peut aussi être assujettie à la TVA, dont le taux standard est de 11 %, avec obligation de facturation et de déclaration mensuelle.
5. Ouverture d’un compte bancaire professionnel et libération des apports
Les sociétés de capitaux, comme la Société Anonyme Libanaise (SAL) ou la Société à Responsabilité Limitée (SARL), doivent ouvrir un compte bancaire professionnel dans une banque locale et y déposer le capital social exigé. Le montant varie selon la forme choisie. Par exemple, un minimum de 30 millions de livres libanaises, soit environ 300 $ pour une SARL, et 30.000 $ pour une SAL.
6. Obtention des licences et autorisations spécifiques
À noter que certaines activités sont soumises à des réglementations particulières et nécessitent des autorisations supplémentaires délivrées par les ministères concernés : Ministère de la Santé (cliniques, pharmacies), Ministère du Tourisme (hôtels, restaurants), Ministère de l’Agriculture (production agricole, agroalimentaire), ou encore Ministère de l’Industrie.
7. Déclaration des employés à la CNSS
Avant toute entrée en fonction, chaque employé doit être déclaré auprès de la CNSS, avec transmission des contrats de travail et des fiches salariales. Cette démarche permet de garantir la couverture sociale et de retraite des salariés.

Le système fiscal libanais
Au Liban, l’impôt sur les bénéfices des personnes morales est fixé à 17 %. Il s’applique aux sociétés de capitaux (SARL, SAL, succursales de sociétés étrangères), tandis que les entreprises individuelles et professions libérales sont soumises à un régime cédulaire basé sur leurs revenus déclarés, avec des barèmes progressifs pouvant atteindre 25 %. À cela s’ajoutent des retenues à la source appliquées sur certains paiements, comme les dividendes (10 %), les intérêts (7 %), ou les honoraires versés à des prestataires non résidents (7,5 %). Concernant la fiscalité indirecte, la TVA est fixée à 11 %. À noter que certains biens et services bénéficient d’exonérations comme les produits agricoles non transformés, les services éducatifs, médicaux et certains produits de base importés.
Afin de stimuler les investissements étrangers et locaux, le pays propose également plusieurs incitations fiscales. Elles incluent des exonérations temporaires d’impôt sur les bénéfices (jusqu’à 10 ans dans certaines zones de développement régional), des réductions de droits de douane sur l’importation d’équipements ou de matières premières, ainsi que des abattements spécifiques pour les projets jugés stratégiques. La mise en œuvre de ces mesures relève de l’Investment Development Authority of Lebanon (IDAL), qui délivre des licences spéciales et accompagne les investisseurs dans leurs démarches fiscales et administratives. À travers ses programmes Investment Law No. 360 et Agri Plus, l’IDAL peut accorder des exemptions totales ou partielles d’impôt sur les bénéfices, de TVA et de droits de douane.

Ressources utiles pour les entrepreneurs au Liban
Investment Development Authority of Lebanon (IDAL)
L’IDAL est l’agence nationale de promotion des investissements au Liban. Elle accompagne gratuitement les investisseurs étrangers et locaux dans leurs démarches administratives et fiscales, en facilitant l’accès aux exonérations prévues par la loi sur les investissements (Investment Law No. 360). L’IDAL propose un soutien personnalisé pour l’implantation des projets, notamment dans les secteurs stratégiques tels que l’agroalimentaire, les TIC, le tourisme, l’industrie, la santé et l’éducation. Elle joue aussi un rôle clé dans la mise en relation avec les autorités locales et les acteurs économiques libanais, et pilote des programmes comme Agri Plus pour stimuler les exportations agricoles.
Kafalat est un organisme semi-public spécialisé dans le financement des PME libanaises. Il propose des garanties de prêts bancaires, facilitant ainsi l’accès au crédit pour les entrepreneurs et startups qui rencontrent des difficultés à mobiliser des fonds. Ses programmes couvrent différents secteurs, de l’agriculture à l’industrie en passant par les services innovants. Kafalat soutient aussi l’entrepreneuriat par des subventions et un accompagnement technique, en particulier pour les jeunes entreprises à fort potentiel.
Chambres de commerce, d’industrie et d’agriculture (CCFL)
Présentes dans les principales régions du pays (Beyrouth et Mont-Liban, Tripoli, Saïda, Zahlé et Bekaa), les chambres de commerce libanaises offrent une assistance juridique et réglementaire, des services de certification, la mise en réseau avec des partenaires locaux et étrangers, ainsi que des formations pour entrepreneurs. Elles organisent régulièrement des foires, expositions et rencontres économiques pour renforcer la visibilité des entreprises et favoriser les exportations.
La représentation de Business France au Liban, en collaboration avec la CCI France Liban, joue un rôle clé pour les entreprises françaises souhaitant investir ou s’implanter sur le marché libanais. Ces structures proposent des études de marché, la recherche de partenaires et distributeurs locaux, un accompagnement juridique et administratif, ainsi que l’organisation d’événements de networking. Elles facilitent également l’accès aux appels d’offres publics et privés dans des secteurs porteurs comme la construction, l’énergie et les télécommunications.
Les Conseillers du Commerce Extérieur (CCE)
Le réseau des CCE au Liban est composé de chefs d’entreprise et experts franco-libanais qui apportent un appui concret aux entrepreneurs souhaitant développer leurs activités dans le pays. Ils partagent leur connaissance du terrain économique libanais, aident à anticiper les risques liés à la réglementation et à la conjoncture locale, et facilitent les contacts avec des partenaires fiables. Ce réseau fonctionne en lien étroit avec l’ambassade de France, Business France et la CCI, et constitue un levier essentiel pour les PME françaises intéressées par le marché libanais.
Sur le même sujet









