Depuis le 7 octobre, le gouvernement allemand affiche un soutien inconditionnel à Israël. A Berlin comme ailleurs, les manifestations pro-Palestine sont sujettes à règles, contraintes et affrontements.
Alors que Scholz et les siens tentent de construire une unanimité sur le sujet en affirmant que la sécurité d’Israël fait partie de la raison d’Etat de la République fédérale, les voix discordantes de la population osent s’élever dans les rues depuis les deux dernières semaines.
Un climat de tension
Outre-Rhin, une prise de parole où un rassemblement public appelant au soutien des victimes palestiniennes fait l’objet d’une surveillance aigüe face à la crainte permanente d’un antisémitisme qui n’a déjà que trop marqué l’histoire du pays.
La cérémonie d’ouverture du salon international du livre à Francfort en est un exemple éloquent. Dans un article du 18 octobre, Courrier international raconte comment la prise de parole du philosophe slovène Slavoj Zizek, appelant à modérer les accusations d’antisémitisme contre ceux demandant « une analyse plus poussée du contexte » de l’attaque du Hamas, a provoqué le départ immédiat du maire de Francfort Mike Josef (SPD).
On saisit alors avec quelle précaution et avec quelles mesures de sécurité les manifestations en soutien à la population palestinienne sont abordées par les autorités locales.
Des échauffourées inhabituelles
Pas nécessairement réputés pour leur désobéissance civile, les citoyens allemands n’ont pas hésité à élever leur voix contre celle des responsables politiques en prônant un soutien aux victimes palestiniennes plutôt qu’en se tenant « aux côtés » de l’Etat d’Israël, tel que le revendique Olaf Scholz et son gouvernement.
A Berlin, les hostilités ont atteint leur pic dans la soirée du mercredi 18 octobre. Un rassemblement populaire dans le quartier de Neukölln a viré à l’affrontement. Le bilan de l’AFP fait état d’une soixantaine de policiers blessés et la police recense 174 individus interpellés. Jet de pierres et cocktails molotovs ont rendu la situation ingérable.
Intervenant le lendemain d’une tentative d’attaque de synagogue par le même genre d’ustensiles déflagrateurs, le cadre de ces manifestations ressemblait plus à un conflit qu’à un appel à la paix.
Dimanche 22 octobre, de rares scènes de violence dans les manifestations allemandes apparaissent à nouveau dans ce résumé vidéo du Berliner Zeitung. Une manifestation interdite sur la Potsdamerplatz a réuni de nombreux manifestants que la police a tenté de disperser. 100 citoyens furent arrêtés.
Plus récemment, le rassemblement du samedi 28 octobre s’est déroulé dans un cadre légal et pacifique. Environ 5000 personnes, de l’adolescent aux grands-parents, ont descendu l’Orianenstraße jusqu’au Görlitzer Park et l’entrée du quartier de Neukölln.
En se fiant aux drapeaux brandis dans la foule, une grande partie des participants était issue des communautés turques, arméniennes et maghrébines. Les slogans allaient du « Stop genocide » au « Deutschland finanziert, Israel bombardiert » en dénonçant ainsi les liens politiques et économiques étroits qu’entretiennent l’Allemagne et Israël et la responsabilité implicite de leur pays dans le bombardement des civils palestiniens.
France et Allemagne : une intransigeance soumise aux lois fondamentales
A l’échelle globale, la France et l’Allemagne font partie des rares pays interdisant les manifestations en soutien à la Palestine. Passé le « délai de décence » dans les jours suivants le 7 octobre, les conditions pour qu’une manifestation pro-Palestine soit acceptée sont nombreuses.
Encore aujourd’hui, nombre d’entre elles se voient être annulées par les autorités locales. Pourtant, la loi fondamentale allemande et les textes à valeur constitutionnelle français mentionnent la liberté de manifester.
A la même période, le Bundestag remplit les panneaux publicitaires berlinois de ses affiches « en solidarité avec Israël ». De quoi créer un sentiment d’injustice et de frustration pour certains qui n’hésitent pas à les recouvrir en partie avec des stickers « Free Palestine ».
Quelle est la règle ?
Côté français, le Conseil d’Etat a rappelé l’impossibilité d’une interdiction systématique des manifestations propalestiniennes. Ainsi, les deux pays sont soumis à une législation semblable demandant aux tribunaux une justification détaillée du refus de l'organisation d'une manifestation.
Le préfet de police de Paris mentionne "la gravité de risques de troubles à l’ordre public" et "un contexte de tensions exacerbées lié aux événements dans la bande de Gaza avec une montée, en France, des actes antisémites" comme des raisons valables. Les prises de paroles au nom de l’association ou les déclarations de certains membres allant dans ce sens peuvent ainsi entraîner l’annulation d’un rassemblement lorsque l’association en question figure parmi les organisateurs.
De son côté, la justice allemande évoque également le trouble à l’ordre public mais insiste sur le message et les symboles utilisés lors de la manifestation. Outre les drapeaux d’organisations considérées comme ayant commis des infractions à caractère terroriste ou xénophobe, toute "récompense et approbation d'actes criminels" (paragraphe 140 du code pénal) entraînera l’annulation ou la dissolution de la manifestation.
De part et d’autre du Rhin, le traitement cas par cas demande un travail important de l’administration quant à l’autorisation et l’organisation de ces rassemblements surveillés de très près. Pour les responsables politiques comme pour les citoyens, il crée un sentiment d’incertitude permanent à l’image d’une actualité imprévisible.
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