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Nova Roma : une nouvelle vision politique de l’Euro-Méditerranée

JM Nogueroles, fondateur à Barcelone du think tank Nova RomaJM Nogueroles, fondateur à Barcelone du think tank Nova Roma
JM Nogueroles, fondateur à Barcelone du think tank Nova Roma / DR
Écrit par Francis Mateo
Publié le 19 juillet 2022, mis à jour le 20 juillet 2022

Depuis Barcelone, le franco-espagnol Jean Michel Nogueroles –Docteur en droit, avocat international et économiste- lance un cercle de réflexion visant à promouvoir l’idée de la création d’une alliance politique particulière entre les pays du sud de l'Europe. Ce nouveau think tank milite, en particulier, pour la création d'une organisation des pays européens riverains de la Méditerranée, et pour le lancement d'un "plan Marshall" en faveur de l'Afrique, afin d'amorcer le développement économique du continent. Un enjeu vital de part et d'autre de la Méditerranée.


Quelle est l'origine du think tank Nova Roma ?

Jean Michel Nogueroles : "Ce think tank est né du constat que les élargissements successifs de l’Union européenne, dont le dernier est en cours avec l’admission des candidatures officielles de l’Ukraine et de la Moldavie, ont progressivement déplacé le barycentre du pouvoir, au sein de l’Europe politique, vers le centre et le nord-est du continent et ce, au détriment des Etats européens du sud, de leur vision géostratégique et de leur culture méditerranéenne très ancienne. Je crains que cette évolution ne provoque la dislocation à terme de l'Union européenne, au-delà du désamour croissant des citoyens, notamment en France, vis-à-vis des instances actuelles de l'UE. Nova Roma a pour ambition, au sein de l'Union européenne mais aussi au sein de l'OTAN, de travailler à la promotion du concept que les pays européens riverains de la Méditerranée devraient pouvoir porter spécifiquement et ensemble leur visions géopolitiques et leurs intérêts stratégiques. 

 

Nova Roma a pour ambition de travailler à la promotion du concept que les pays européens riverains de la Méditerranée devraient pouvoir porter leur visions géopolitiques et leurs intérêts stratégiques

Il est devenu évident que les enjeux et les défis économiques et géopolitiques auxquels doivent spécifiquement faire face les pays euro-méditerranéens ne sont pas toujours exactement les mêmes que ceux auxquels doivent faire face les nations d’Europe du nord et d’Europe centrale. C’est pourquoi nous pourrions décider de nous associer souverainement, en vue d’établir des coopérations renforcées, au sein d’une nouvelle organisation des pays euro-méditerranéens qu’il conviendra de créer, sans quitter l’Union Européenne ni l’OTAN. Dans le cadre de cette nouvelle organisation euro-méditerranéenne dédiée, il sera possible de mettre en œuvre des coopérations politiques renforcées entre Etats européens méditerranéens, notamment en matière d’immigration et de lutte contre le terrorisme et l’islamisme mais aussi en vue de faire face à toute potentielle menace militaire en Méditerranée. Il pourrait aussi être adopté une position commune permettant de faire bloc au sein des diverses négociations dans le cadre de l’Union européenne. Dans ce cadre, il sera sans doute plus aisé d’attirer une attention toute particulière sur les échanges avec les pays de la rive sud de la Méditerranée, en vue notamment d’initier une politique d’investissements au bénéfice mutuel de l'Europe et de l'Afrique.


Comment cela se traduirait-il concrètement ?

J'en appelle à une véritable prise de conscience euro-méditerranéenne et même au-delà à l’échelle du continent européen, qui nous permettrait de considérer sérieusement la participation de nos institutions européennes au financement d’un plan Marshall pour l'Afrique, dont l'initiative pourraient être prise par les pays européens méditerranéens. Ces financements européens pourraient provenir de fonds d'investissements dédiés au capital desquels serait, notamment, associée la Banque Européenne d'Investissement. Ces fonds pourraient permettre de contribuer aux fonds propres de sociétés d'économie mixte qui exploiteront les infrastructures qui seront construites, dans le cadre de contrats de partenariats public-privé. 

Au sein de Nova Roma, nous parions sur une amélioration sensible des niveaux et des systèmes éducatifs pour générer des richesses et de la croissance économique

Il faut savoir que selon la Banque mondiale, l'Afrique souffre d'un déficit d'investissements en infrastructures d’environ 70 milliards d'euros par an ! Avec pourtant des atouts pour agir sur la transition écologique, grâce notamment aux vastes zones permettant de produire de l'énergie solaire ou autres énergies renouvelables... alors que 60% de la population africaine n'a pas un accès direct à l'électricité ! C'est de manière prioritaire un secteur, celui des énergies renouvelables, qui pourrait générer énormément d'emplois et également permettre d’asseoir les conditions d'une croissance économique durable. Il est à noter que cet accès limité à l'électricité aggrave la fracture numérique, et donc empêche l'accès à la connaissance et aux formations dans un monde de plus ne plus connecté. Au sein de Nova Roma, nous parions aussi sur cette amélioration sensible des niveaux et des systèmes éducatifs pour générer des richesses et de la croissance économique.


Comment éviter les problèmes de détournement des capitaux ?

C'est en effet un risque, notamment en raison d'une corruption endémique dans certains pays d'Afrique. Mais la solution est justement dans l'organisation que propose Nova Roma : elle passerait par un traité multilatéral, dans lequel chaque acteur s'engage réciproquement, en faisant en sorte qu'il y ait plusieurs contrôles au niveau des paiements. Avec des procédures croisées d'appel d'offres et de contrôle des flux financiers. Pas un seul euro ne doit échapper à ce contrôle tripartite : État, Banque africaine et Banque européenne d'investissement. Et pour l'instant, ces procédures n'existent pas. Ce manque de contrôle est d'ailleurs la source de bien des dérives et de financements occultes, notamment dans le cadre de la coopération inter-étatique.


Quelles seraient les retombées pour les pays du sud de l'Europe ?

Ce serait aussi indubitablement une stratégie au bénéfice de l'Europe entière, et pas seulement des pays de la Méditerranée. D'abord parce que tous les pays de l'Union européenne ont un intérêt économique à s'impliquer dans le développement de l'Afrique, où sont déjà présents les Etats-Unis, la Russie et surtout la Chine, particulièrement agressive, et qui s'embarrasse peu des questions sociales ou environnementales.

Les pays de l'Union européenne ont un intérêt économique à s'impliquer dans le développement de l'Afrique, où sont déjà présents les Etats-Unis, la Russie et surtout la Chine

Par ailleurs, la démographie parle d'elle-même : l'Afrique compte une population de 1,3 milliard d'habitants aujourd'hui ; dans 25 ans, ce seront environ 2,5 milliards d'habitants... et 4 milliards d'ici la fin du siècle si les situations socio-économiques n'évoluent pas. Or, tout se tient : sans croissance et sans emploi, sans espérance, ces populations vont devoir et vouloir émigrer massivement vers l’Europe. Une partie de ces populations qui pourraient être en désespérance pourraient aussi se radicaliser et venir nourrir des troupes djihadistes qui combattent en Afrique, notamment dans la région du Sahel. Les guerres et la désertification dont le processus est en cours, vont s'ajouter aux crises humanitaires. Nous serons en première ligne de ce côté-ci de la Méditerranée. 

Même si ce n'était que par égoïsme, nous aurions tout intérêt à mettre en place un tel plan d'action

Même si ce n'était que par égoïsme, nous aurions tout intérêt à mettre en place un tel plan d'action afin de nous prémunir contre les conséquences d'une immigration massive et d’une insécurité géopolitique à redouter. Mais c'est avant tout une urgence pour l'Afrique, pour ces populations confrontées, au moins pour un partie substantielle, à la pauvreté, à la désespérance sinon à la misère. On ne peut plus laisser la situation se dégrader comme c'est le cas actuellement, avec des solutions provisoires comme l'annulation des dettes, qui ne servent qu'à colmater provisoirement quelques brèches. Si l'on ne fait rien, dans dix ans il sera sans doute trop tard.

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