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"La Peña, c’est le club que j’aurais aimé trouver quand je suis arrivé à Barcelone"

emmanuel deleau portraitemmanuel deleau portrait
Emmanuel Deleau
Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 23 novembre 2022, mis à jour le 24 novembre 2022

Emmanuel Deleau a créé en 2008 un Club d'entrepreneurs, pour les entrepreneurs et géré par des entrepreneurs. Fondé à Barcelone, il commence son expansion dans d'autres pays grâce à la diaspora des Français à l'étranger.

 

Lorsqu'Emmanuel Deleau atterrit à Barcelone avec sa famille, il n'imagine pas combien cette décision va changer sa vie. Il était venu pour monter la filiale d'une agence de communication française. "Quitter Paris -se souvient Emmanuel Deleau- était avant tout un choix de vie, ma femme et moi-même étant franco-espagnols, et notre objectif était de gagner en qualité de vie. Alors, lorsque la maison mère a décidé de fermer la filiale, j'ai tout naturellement décidé de rester à Barcelone et me mettre à mon compte".

Je voulais partager ma solitude d´entreprendre, mes galères avec d’autres qui traversaient les mêmes problématiques

Pouvoir partager la solitude de l'entrepreneur

Emmanuel Deleau se rend alors dans différents cercles d'affaires pour y rencontrer d'autres entrepreneurs comme lui. "Le problème -explique-t-il-, c’est que là-bas, tu rencontres surtout des gens qui veulent te vendre leurs services, comme des avocats ou des consultants, mais sans être les patrons de leurs entreprises, alors que moi, je voulais partager ma solitude d´entreprendre, mes galères avec d’autres qui traversaient les mêmes problématiques".

Il y a un côté relationnel qui permet de mettre en place la confiance et à partir de là, il peut y avoir des affaires qui se créent

Avec six autres copains, ils font le même constat, et comme ils ne trouvaient pas leur club idéal, ils décident de le faire eux même! Normal qu'avec une telle concentration d’hormones d’entrepreneurs, ils trouvent une solution là il y avait un problème!

Networking autour d'une assiette

"Je me suis souvenu de mon oncle à Majorque – raconte Emmanuel Deleau- qui partait de temps en temps manger avec 'sa peña'. La peña, c'est très important en Espagne, c'est plus que des amis, c'est comme la famille. Il mangeait tous les mois avec une trentaine de personnes, sa peña. Le but était non seulement de bien manger et bien boire, mais aussi ça permettait de voir des gens de différents secteurs. Il pouvait y avoir un architecte, un avocat, un conseiller fiscal, un notaire, etc. Le fait de manger ensemble, ça rapproche. Il y a un côté relationnel qui permet de mettre en place la confiance et à partir de là, il peut y avoir des affaires qui se créent".

 

des personnes mangent dans un restaurant

 

Et c'est comme ça qu'est née La Peña. "La Peña, c’est le club que j’aurais aimé trouver quand je suis arrivé à Barcelone,- résume parfaitement Emmanuel-. C’est-à-dire pouvoir avoir un avocat de confiance, un agent immobilier de confiance, un fiscaliste de confiance, un futur associé ou partenaire. Parce qu'en fin de compte, dans mon cas, même si j'avais déjà la chance de connaître la langue lorsque je suis arrivé à Barcelone, cela ne nous a pas empêché d’essuyer quelques plâtres. L’idée est donc aussi de faire profiter les nouveaux arrivants de notre expérience pour qu’ils gagnent du temps dans leur installation ici".

On était tous chef d’entreprise, avec les mêmes problématiques, les mêmes galères. La seule chose qui différait finalement, c’est le produit qu'on vendait.

Un club très éclectique

En janvier 2008, a lieu le premier repas de La Peña, avec 6 entrepreneurs de différents milieux. "Dès la première minute -se rappelle Emmanuel Deleau-, on s’est retrouvés dans notre bulle de confort. On était tous chef d’entreprise, avec les mêmes problématiques, les mêmes galères. La seule chose qui différait finalement, c’est le produit qu'on vendait. Les Français aiment bien se retrouver autour d'une bonne table, si en plus peut surgir du business, c'est encore mieux". Il faut toutefois souligner qu'à La Peña, la langue officielle est l’espagnol. "Il y a 20% d'Espagnols et 80% de Français, mais 100% sont francophiles!" ajoute Emmanuel Deleau.

Tous les chefs d’entreprises sont les bienvenus à La Peña

Le succès a été immédiat et La Peña représente actuellement un écosystème dans la zone ibérique d'environ 2.500 entrepreneurs, dont environ 400 sont très actifs. "Ça a commencé par accident, sans objectif – souligne Emmanuel Deleau- et c'est le bouche à oreille qui a fait le reste". Aujourd’hui, La Peña est à Barcelone, Madrid, Majorque, Denia et bientôt à Porto, Valence et Séville, sans compter la France avec une présence dans 10 villes.

 

plusieurs personnes posent pour la photo
Les membres de La Peña se retrouvent pour un journée de golf

 

Complémentaire, pas concurrent

Mais attention, il ne s'agit pas de marcher sur les platebandes de clubs de networking existants. Emmanuel Deleau, qui a d'ailleurs fait partie du conseil d'administration de la CCI Barcelone est catégorique sur ce point. "La Peña, un concurrent de la CCI? Non, pas du tout, c’est complémentaire de ses initiatives. Nous nous entendons d’ailleurs très bien avec les autres cercles et initiatives, et organisons même parfois des rencontres en commun, comme avec la French Tech de Barcelone, dont je suis l'un des co-Fondateurs".

Quelles conditions pour entrer à La Peña?

Les repas ont lieu une fois par mois. Mais on ne peut devenir membre que par parrainage, et il y a trois conditions sine qua non: La personne doit être le numéro un de sa boîte ou l'un des associés, c’est-à-dire une personne décisionnaire. Deuxièmement, il faut que ce soit une activité légale. Et enfin, il faut que ce soit quelqu’un de 'sympathique'. "Nous sommes un groupe de personnes sérieuses, qui ne se prennent pas trop au sérieux! -explique le cofondateur de La Peña-. Par exemple si Jeff Bezos voulait faire partie de La Peña, et qu’il n'est pas sympa, tout Jeff Bezos qu’il soit, il ne rentrerait pas dans notre club". C'est alors qu'Emmanuel Deleau ajoute en riant: "Jeff, si tu nous lis, appelle-moi et prenons un café pour en discuter!".

il ne s'agit pas de marcher sur les platebandes de clubs de networking existants

La moyenne d'âge des membres de La Peña est de 45 ans. Le plus jeune a 22 ans et le plus âgé, 80! Être entrepreneur, c'est quelque chose qui coule dans les veines, c'est clair. On y rencontre une majorité de PME, mais cela va de l’"autónomo" aux fondateurs d’une multinationale de la logistique valorisée à 600 millions d’euros. Tous les chefs d’entreprises sont les bienvenus à La Peña. Enfin, 30% des membres de la Peña sont des femmes.

 

Pour éviter que La Peña ne devienne, par exemple, un club d'avocats, un numérus clausus a été instauré pour les membres. Il ne s’agit en effet pas d’augmenter le nombre de cotisations à tout prix, mais d'identifier les réels besoins des entrepreneurs. En définitive, "nous privilégions la qualité à la quantité, et voulons avoir un maximum de métiers représentés au sein du Club pour ainsi assurer la meilleure diversité possible dans les échanges".

Expansion internationale: sur demande

Et c'est justement parce que le club d'entrepreneurs est à l'écoute des entrepreneurs que La Peña a commencé à s'installer dans d'autres villes. "On s’intéresse à une ville lorsqu'on a plusieurs membres qui veulent investir là-bas -explique le co-fondateur de La Peña. Par exemple, à Lisbonne, c'est comme ça que cela a commencé. Au début, on avait 4 ou 5 contacts de confiance et on organisait pour nos membres des conférences sur l’immobilier, la fiscalité ou l’écosystème des start-ups. On a aussi invité les différents clubs d'affaire présents à Lisbonne. Nous sommes désormais présents à Lisbonne et bientôt à Porto, et notre ambassadeur sur place, Bertrand Mangano, est un membre de la Peña".

 

des personnes dinent au restaurant
Un dîner des membres de La Peña

 

Gros potentiel à Madrid

Pour Madrid, c’est un peu la même chose qui s'est passé. Il s'agit d'une demande de membres de la Peña, mais aussi parce que certains membres historiques du club sont installés à Madrid. Le premier repas a eu lieu il y a quelques mois, avec une vingtaine de membres et, comme le souligne Emmanuel Deleau, "il y a un gros potentiel à Madrid", qui reçoit désormais un déjeuner de La Peña tous les mois.

Nous avons actuellement des demandes à Miami, New-York, mais aussi en Afrique, en Asie ou dans les pays de l'est. Nous fonctionnons avec la diaspora des Français à l’étranger

Parmi les autres projets à l'international, on peut citer un probable club à Londres, où la présence française est très importante. "Nous avons actuellement des demandes à Miami, New-York, mais aussi en Afrique, en Asie ou dans les pays de l'est. Nous fonctionnons avec la diaspora des Français à l’étranger".

 

Mais Emmanuel Deleau n'oublie pas qu'il est avant tout Français et garde un pied en France. "Avec mes associés, on m’avait déjà demandé depuis Barcelone de créer une Peña à Paris, mais évidemment il fallait une valeur ajoutée, face à d'autres club d’entrepreneurs généralistes".

Le combat du "made in France"

Et cette valeur ajoutée devient une évidence pour eux: le "Made in France" et le combat pour la réindustrialisation du pays. Un club pour des personnes qui veulent aider, soutenir, investir pour réindustrialiser la France. C'est ainsi qu'ils créent il y a 3 ans, un peu comme une provocation, les FFI, Forces Françaises de l’Industrie. Ce combat à la de Gaulle fait référence à "tous ces résistants qu'on croyait fous, têtus ou patriotes parce qu'ils n’avaient pas délocalisé leur entreprise".

 

Et là encore, le premier dîner, en septembre 2019, fut un énorme succès. Trois fois plus de chefs d'entreprises que prévu, de toute la France, se donnèrent rendez-vous. Il est certain que le Covid, avec la prise de conscience du caractère indispensable de l’industrie en France, a ensuite aidé à développer le réseau.

 

une remise de prix de membres de la peña
Une remise de prix de membres de La Peña

 

Ce nouvel écosystème d’entrepreneurs et d’investisseurs a vite grandi. "Spontanément -raconte Emmanuel Deleau-, se sont créées des antennes en local  et nous comptons actuellement 10 clubs d'entrepreneurs FFI dans toute la France, sans compter les 5 villes en Espagne et au Portugal. Car tout membre de la Peña devient automatiquement membre du FFI et vice versa", et a donc accès à un écosystème de confiance désormais présent dans 3 pays et 15 villes d’Europe.

Aussi un accélérateur de PME

Outre la partie networking, qui est l'ADN de La Peña et des FFI, ils ont aussi développé un accélérateur de PME "made in France", avec des mentors experts dans différents secteurs. En définitive, un ecosystème similaire à celui qu'on trouve pour les start-ups, mais destiné aux PME plus traditionnelles. "Avec un véhicule d’investissements et un club d’investisseurs dédiés -explique Emmanuel Deleau-, nous pouvons aider tous les entrepreneurs qui le souhaitent à développer leurs business".

 

L'idée, c'est que la réputation de la France n'est plus à faire dans des secteurs comme la mode, le luxe, l'aéronautique, la gastronomie ou l'agroalimentaire, pour n'en citer que quelques uns. Alors, autant "concentrer nos efforts et investissements dans ces domaines et tirer tous les avantages que nous confère notre réputation pour réindustrialiser la France". Et rien de mieux que des entrepreneurs pour répondre aux besoins d'autres entrepreneurs. CQFD. Mais il fallait y penser!

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