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Le catalan, le basque et le galicien deviendront-ils langues officielles à Bruxelles?

L'Espagne l'a officiellement demandé à l'Union Européenne. Il s'agit d'un 1er geste de Pedro Sanchez envers les indépendantistes catalans. Mais Bruxelles est-elle disposée à se mettre dans un véritable guêpier en rouvrant le débat des langues cooficielles?

drapeau européendrapeau européen
flickr
Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 12 septembre 2023, mis à jour le 20 septembre 2023

Le multilinguisme est l'une des richesses et caractéristiques de l'UE. Selon les chiffres de la Commission européenne, quelque 60 langues minoritaires et régionales sont parlées dans l'ensemble de l'Union Européenne, qui ne reconnaît cependant que 24 langues officielles: l'allemand, l'anglais, le bulgare, le croate, le danois, l'espagnol, l'estonien, le finnois, le français, le grec, le hongrois, l'irlandais, l'italien, le letton, le lituanien, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le roumain, le slovaque, le slovène, le suédois, le tchèque et le polonais.

60 langues sont parlées dans l'UE et 24 sont officielles

Malgré la sortie du Royaume-Uni de l'UE, l'anglais continue d'être officiellement reconnu et utilisé au quotidien à Bruxelles, car c'est l'une des langues officielles de Malte et de l'Irlande. En revanche, le luxembourgeois, langue officielle du Luxembourg depuis 1984, ne figure pas sur la liste européenne. Enfin, l'exception est le gaélique, qui est devenu une langue officielle de plein droit dans le système européen en 2022, 17 ans après que l'Irlande en ait fait la demande officielle.

Mais ce n'était pas suffisant pour Carles Puigdemont qui voulait des faits et pas seulement de belles promesses

En ce sens, et bien que le processus puisse prendre des années avant d'être résolu, la demande du gouvernement espagnol au sujet du catalan, du basque et du galicien (reconnus comme langues officielles dans les communautés autonomes respectives, conformément à l'article 3 de la Constitution) pourrait raviver les tensions linguistiques -certaines plus ou moins endormies, mais qui existent au sein de l'Union européenne. Et c'est bien là que le bât blesse.

 

Francina Armengol, nouvelle presidente de la chambre des deputes espagnole
Francina Armengol, nouvelle presidente de la chambre des députés, grâce au vote des indépendantistes Photo Congreso diputados

 

Une exigence de l'indépendantisme catalan

Mais cette demande officielle de l'Espagne, en l'occurrence du président sortant Pedro Sanchez, est surtout un geste pour contenter les nationalistes catalans. Elle a eu lieu quelques heures seulement avant la constitution des Cortes (l'assemblée nationale espagnole), le 17 aout dernier, et le vote en faveur de la socialiste Francina Armengol pour la présidence de la chambre des députés. Le PSOE avait pour cela besoin du vote des partis indépendantistes catalans ERC et Junts. Cela ouvrait en plus une porte claire pour l'investiture de la réélection de Pedro Sanchez car cela montrait qu'il pouvait obtenir les 176 voix nécessaires pour obtenir la majorité (à la différence du gagnant des elections, Feijoo, qui n'y arrive pas).

Les paroles s'envolent, les écrits restent...

Carles Puigdemont, le président dans l'ombre de Junts, éxilé à Waterloo en Belgique, avait exigé des "faits vérifiables" pour surmonter la "culture de la méfiance" que l'ancien président en fuite attribue à sa relation avec le PSOE, en en particulier avec Pedro Sanchez.

 

carles Puigdemont
Carles Puigdemont n'a pas confiance en Pedro Sanchez et exige des faits. Photo Generalitat de Catalunya

 

Cette preuve a été apportée le 17 août au matin, lorsque le ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares, a présenté - et obtenu le sceau d'approbation - une demande formelle pour que le catalan devienne une langue officielle dans les institutions de l'Union européenne. Jusqu'alors, Puigdemont ne pouvait compter que sur la promesse, exprimée la veille par Pedro Sánchez, de "promouvoir les langues co-officielles de l'Espagne" au sein de l'UE, "en profitant de la présidence tournante du Conseil" exercée par l'Espagne au second semestre 2023. Mais ce n'était pas suffisant pour Puigdemont qui voulait des faits et pas seulement de belles promesses.

Coût des traductions dans l'UE: un milliard d'euros

Mais pour modifier les règles de l'Union européenne et faire du catalan, du basque et du galicien des langues officielles à Bruxelles, le chemin est semé d'embûches. La mesure requiert l'unanimité des 27 États membres, nécessite une modification du règlement intérieur et soulève la question de savoir comment la facture sera honorée. En 2005, la Commission européenne avait déjà décidé de réduire les traductions. En 2012, le coût total de la traduction et de l'interprétation était estimé à environ un milliard d'euros par an. Si la demande de l'Espagne est acceptée, le pays devra payer une grande partie de la facture liée aux trois nouvelles langues.

Risque de reveiller les conflits identitaires dans l'UE

Mais au-delà du coût, cette mesure risquerait surtout de réveiller des questions identitaires dans certains pays de l'UE, qui se trouvent dans des situations similaires, s'ils votent en faveur de la revendication de l'Espagne. L'Espagne deviendrait le premier pays avec quatre langues dans les institutions européennes, alors que, par exemple, le luxembourgeois, la langue officielle du Grand-Duché, n'a même pas ce statut. Or, la question des langues est très sensible dans la capitale européenne et de nombreuses capitales européennes, dont la France ou l'Italie, n'ont pas envie d'ouvrir cette boite de Pandore.

 

Prochain rendez-vous le 19 septembre, lors du Conseil "Affaires générales" qui réunira les 27 pays. L'Espagne, qui assure la présidence tournante du Conseil, fera de cette question l'un des principaux débats de cette réunion.

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