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Élections catalanes du 12 mai: Plusieurs scénarios possibles s'ouvrent

Plus de 5,7 millions de personnes ont voté lors des élections en Catalogne qui auront des conséquences tant au niveau régional que national, sans perdre de vue la proximité des élections européennes. Le PSC l'emporte avec 42 sièges, suivi par Junts avec 35, tandis que l'ERC perd 13 sièges et le PP en gagne 12.

Victoire salvador Illa PSCVictoire salvador Illa PSC
PSC
Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 13 mai 2024

Une seule chose semble certaine au vu des résultats: La Catalogne continuera à manquer d'un gouvernement régional stable. Rappelons que le président de la Generalitat Pere Aragonès (du parti ERC) avait décidé d'avancer les élections catalanes au 12 mai, faute de soutien pour voter son budget...

 

Résultats des élections en catalogne 12 mai 2024
Generalitat de Catalunya

 

Victoire de Salvador Illa, du PSC

Salvador Illa et le PSC ont remporté une grande victoire aux élections catalanes, en obtenant 42 sièges, soit neuf de plus que les 33 qu'ils avaient obtenus en 2021. Toutefois, pour gouverner, il devra explorer d'autres scénarios, comme nous le verrons plus tard. Salvador Illa avait déjà remporté les élections de 2021, sans pouvoir accèder à la présidence et cette deuxième victoire ne lui garantit pas non plus qu'il deviendra la président de la Generalitat.

Puigdemont, le nouveau leader de l'indépendantisme catalan

Junts arrive en deuxième position, avec 35 députés, une grande victoire pour le parti de Puigdemont, qui est devenu la principale force du mouvement indépendantiste après que la débâcle du parti Esquerra Republicana ERC, qui a perdu 13 sièges. Une revanche aussi pour Carles Puigdemont, ancien pestiféré qui avait fui en Belgique, il y a 7 ans dans le coffre d'une voiture, et qui reviendra en héros, grâce à l'amnistie qu'il a obtenu de Pedro Sanchez en échange de son soutien à son investiture. Depuis la France, Puigdemont a déploré la "désunion" du séparatisme et propose un pacte nationaliste pour éviter "la mauvaise nouvelle" d'une nouvelle élection. "Nous sommes en mesure de former un gouvernement solide d'obédience strictement catalane", a-t-il déclaré. Sa position est claire: Soit il devient président de la Generalitat, soit il y aura de nouvelles élections.

 

Carles Puigdemont
Carles Puigdemont est bien déterminé à redevenir président de la Generalitat / Junts

 

Les plus mauvais résultats de l'indépendantisme en 40 ans

Les partis nationalistes (Junts, ERC, CUP et Alianza Catalana) ont obtenu 44,2% des voix, 7 points de moins qu'aux dernières élections de 2021, où ils avaient obtenu 51,3% des voix. Il s'agit du pire résultat depuis les premières élections autonomes, en 1980, lorsque les nationalistes avaient obtenu 42,7% des voix, et 53% quatre ans plus tard. Le déclin de l'ERC est particulièrement significatif dans ces élections, avec 13 députés en moins (de 33 à 20 députés). Pere Aragonés vient d'ailleurs d'annoncer qu'il abandonnait la politique.

Avancée spectaculaire du PP

Le Parti Populaire a dépassé toutes les prévisions les plus optimistes en Catalogne en remportant 15 sièges, soit 12 de plus qu'il y a quatre ans. Le parti d'Alberto Núñez Feijóo a remporté un peu plus de 10% des voix, soit 7 points de plus qu'en 2021. Le PP parvient à surpasser Vox, qui répète ses résultats avec 11 députés. Le candidat du PP en Catalogne, Alejandro Fernández (qui était loin d'être le favori du PP avant le début de la campagne électorale), jouait son avenir et Alberto Núñez Feijóo le président du PP, sa crédibilité. Une victoire qui renforce donc au niveau national le leadership de Feijoo.

Quels scénarios possibles?

La majorité absolue s'établit à 68 députés. Les chiffres pourraient suggérer un accord tripartite entre le PSC, l'ERC et les Comuns. Cependant, l'actuel président de la Generalitat, Pere Aragonès, a exclu cette option, déclarant lors de son intervention que c'est aux socialistes et aux junts d'affronter cette nouvelle étape, Esquerra restant dans l'opposition. "C'est au PSC et à Junts de gérer cette nouvelle situation. Nous serons là où le peuple nous a placés, dans l'opposition" a-t-il déclaré. La gouvernabilité de la Catalogne est donc en suspens.

 

Pere aragonés, President Generalitat catalogne
Pere Aragonés a déjà exclu la possibilité d'un pacte tripartite /Marc Puig, ERC

 

De son côté, Puigdemont, fort de son succès, aspire à prendre la tête de l'indépendantisme catalan et est déterminé à former un gouvernement. Il a tendu la main à l'ERC et a appelé les Républicains à renoncer à un pacte avec le PSC lors d'une apparition après l'annonce des résultats dans laquelle il a parlé d'un gouvernement "d'obédience clairement catalane". Une menace directe pour Sánchez en assurant que la distance entre le PSC et Junts au Parlement "n'est pas différente" de celle entre le PP et le PSOE au Congrès. Autrement dit, Sanchez doit le laisser gouverner en échange de son soutien à l'exécutif de Madrid. Toute manœuvre de type Jaume Colloni à Barcelone, qui empêcherait Junts de gouverner après la victoire d'aujourd'hui, dynamiterait le paysage politique espagnol, comme Puigdemont a déjà prévenu Sánchez tout au long de la campagne électorale...

 

pedro sanchez et parles Puigdemont
Pedro Sanchez, alors chef de l'opposition, et Carles Puigdemont, président de la Generalitat, le 15 mars 2016 / Generalitat de Catalunya

 

Adieu Ciudadanos

Le parti Ciudadanos disparaît du Parlement régional seulement sept ans après avoir été le grand vainqueur, avec 36 sièges et un million de voix en 2017. De ce million, seuls 22.000 Catalans ont encore soutenu hier le parti fondé par Alberto Rivera pour lutter contre le séparatisme catalan. De son côté, Aliança Catalana, le parti indépendantiste à tendance xénophobe, entre au Parlement avec deux députés.

Vers de nouvelles élections?

Le nouveau Parlement doit être constitué dans les 20 jours ouvrables après les élections du 12 mai (y compris le 20 mai, jour férié dans la ville de Barcelone), la date limite étant donc le 10 juin. Le 25 juin au plus tard, le nouveau Parlement dispose de 10 jours ouvrables pour tenir la première session d'investiture d'un candidat à la présidence de la Generalitat. En cas d'échec de la première investiture, un délai de deux mois à compter du premier vote d'investiture est ouvert pour que d'autres candidats puissent choisir d'obtenir l'appui du Parlement. Si ce n'est pas le cas, la chambre sera automatiquement dissoute et des élections seront à nouveau convoquées, qui se tiendraient entre quarante et soixante jours après la convocation, autrement dit entre la mi-octobre et la fin octobre.

 

negociations PSOE-Junts a bruxelles
Négociations entre le PSOE et Junts à Bruxelles en octobre dernier

 

Bien qu'il soit difficile de faire un pronostic, le scénario le plus probable est qu'il y aura une investiture à la fin du mois de juin et qu'à ce moment-là, la loi d'amnistie ayant été votée, Carles Puigdemont pourra rentrer en Catalogne en héros du séparatisme catalan. En échange de son appui, avec ses 7 députés, au gouvernement de Pedro Sanchez, il peut aspirer à devenir le president de la Generalitat avec le soutien d'ERC et l'abstention du PSC de Salvador Illa. Reste à voir si ERC restera seulement dans l'opposition en Catalogne ou aussi au niveau national. Si les 7 députés d'ERC cessent de soutenir Pedro Sanchez, on pourrait se retrouver avec de nouvelles élections législatives cet automne. On le voit, la politique des pactes en Catalogne affectera directement la gouvernabilité de l'État.

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