Un réseau de volontaires de santé en milieu rural mis en place durant la guerre froide fait partie des atouts que la Thaïlande fait valoir aujourd’hui dans sa lutte contre l’épidémie de Covid-19
Presque tous les jours, Surin Makradee fait du porte-à-porte dans son village du centre de la Thaïlande, visitant les maisons une à une pour vérifier la température des habitants. Comme elle, des centaines de milliers de volontaires ont ainsi œuvré à travers le pays pendant l’épidémie de coronavirus, et avant cela la grippe aviaire et bien d’autres encore.
"Je considère les gens du village comme ma famille. Si je ne les éduque pas, ils ne comprendront pas le risque qu’ils ont d'être infecté", confie la dame de 77 ans dans son village de Saladang dans la province d'Ang Thong, à environ 90 km au nord de Bangkok
Elle est membre des Volontaires de Santé de Village, un réseau longtemps ignoré de plus d'un million de travailleurs communautaires quadrillant le royaume et qui remonte à l’époque de la guerre froide.
Les Volontaires de Santé de Village ont été salués par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme les «héros méconnus» du dispositif thaïlandais de lutte contre le nouveau coronavirus qui n’a eu a déplorer que 58 morts sur 3.084 cas d’infections en cinq mois.
"Les Volontaires de Santé de Village thaïlandais sont des héros méconnus qui travaillent pour soutenir la prévention, la détection et la documentation du Covid-19", a déclaré Daniel Kertesz, représentant de l'OMS pour la Thaïlande, faisant référence à la maladie causée par le coronavirus.
Outre les contrôles de température, les bénévoles aident les autorités à collecter au quotidien des informations et à surveiller toute montée éventuelle du nombre d’infections.
Surin, qui est bénévole depuis 38 ans fait ses tournées à moto. Elle dit être également chargée de surveiller les personnes revenant d'autres provinces qui sont tenues de se mettre en quarantaine pendant 14 jours.
"Je dois aider les personnes en quarantaine à apprendre à manger et à vivre séparément des autres membres de leur famille", dit-elle.
Un dispositif qui remonte à la guerre froide
Les Volontaires de Santé de Village ont été créés en 1977 par le gouvernement qui disait vouloir aider les communautés rurales. A cette époque, les autorités avaient maille à partir avec les insurgés communistes qui se dissimulaient dans ces mêmes communautés rurales.
Aujourd’hui, munis d’une formation de santé basique, les volontaires aident à fournir des soins rudimentaires et effectuer les premiers diagnostics dans des zones souvent éloignées d’une clinique ou d'un hôpital.
"Ils sont pour les gens de la communauté ceux qui peuvent permettre d’obtenir un traitement médical, et cela est important compte tenu des ressources limitées de notre système de santé", souligne Chatichai Muksong, historien à l'Université de Srinakharinwirot.
Selon lui, les volontaires ont aidé à générer une plus grande participation au sein systèmes de santé au fil des décennies passées et leur rôle a déjà reçu des éloges lors d'épidémies précédentes comme la grippe aviaire H5N1 au milieu des années 2000.
Placée en quarantaine dans le village où œuvre Surin après être rentrée chez elle depuis l’île de Phuket, Ticomporn Kingpet, 60 ans, s’est dite impressionnée par le travail des volontaires.
"Ils sont comme un groupe de petites fourmis qui travaillent ensemble. Ils donnent de très bons conseils aux gens", dit-elle.