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SERGE MARTINIANI - Un demi-siècle de restauration dont un tiers au Bouchon !

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Pierre QUEFFELEC - Bon vivant très apprécié par ses pairs, Serge est dans le métier de la restauration depuis plus de 50 ans

Qui vit à Bangkok et apprécie la cuisine française connait forcément Le Bouchon, ce charmant petit restaurant à la devanture modeste qui se tient dignement dans le vieux Pat Pong, entre bars à billards et échoppes de fringues pour oiseaux de nuit. Comme son nom l’indique, Le Bouchon est un bouchon lyonnais. Lyonnais comme le patron, Serge Martiniani. Ce personnage inimitable au caractère aussi bien trempé que sucré est la pièce maitresse de cet endroit convivial plein de charme, à la fois rustique et raffiné, qui attire une clientèle bigarrée d’expatriés bon vivants et de Thaïlandais gastronomes.

Serge, c’est un de ces personnages de la communauté des "résidents" (expatriés installés durablement en Thaïlande) dont les nouveaux aiment à écouter les paroles sans fard sur la Thaïlande, la vie d’expat, la vie tout court. Il est aussi un de ces bons copains autour duquel se réunissent à l’envi quelques vieux briscards pour se marrer au coin du bar et/ou allumer la mèche d’une bonne affaire. "Bonnes affaires" riment avec "bonne table", c’est bien connu.

Sa carapace de chêne bourru est trop fine pour dissimuler la tendresse d’un homme généreux, sensible et modeste, à l’esprit jeune, plein d’humour, certainement même un peu espiègle.

L’expression "un homme au grand cœur" revient très souvent dans la bouche de ses proches et clients réguliers pour décrire Serge. "La générosité est son plus grand défaut", lâche même l’un d’entre eux ! Même s’il ne mâche pas ses mots, Serge est connu pour être un personnage très conciliant. On ne lui connait d’ailleurs pas d’ennemis, pas même du côté des restaurateurs de Bangkok, que d’aucuns appelleraient concurrents, mais que lui "considère avant tout comme des confrères".

Plus de 50 ans de métier dont près de la moitié en Thaïlande !

Question métier, Serge parle en demi-siècle ! Voilà 52 ans qu’il a commencé dans la restauration. "J’ai démarré à l’âge de 14 ans, après le certificat d’étude", dit-il. "J’ai travaillé dans des grands hôtels sur la Côte d’azur. A 20 ans j’étais directeur maître d’hôtel au restaurant Le Président”.

Il arrive pour la première fois en Thaïlande en 1987, en vacances avec un ami. Il tombe alors amoureux de l’ambiance. Classique. En 1990, il monte une boulangerie à Pattaya, "la toute première", dit-il, nommée Délices de France.

L’établissement, repris depuis, existe toujours. Quelques mois plus tard, il devient le gérant du fameux French Kiss, dont l’enseigne et le propriétaire, Gilles, animent toujours la rue de Patpong II. Au bout de cinq ans, et après avoir traversé quelques moment difficiles dans sa vie, il décide de se mettre à son compte. A 10 mètres de là.

Le 24 septembre 1996, avec peu d’argent et beaucoup d’espoir, Serge ouvre donc Le Bouchon. "J’ai démarré avec rien, se souvient-il. Je n’avais pas de quoi payer deux mois de loyer".

Un resto ouvert à tous, même aux présidents !

Avec ses 40 couverts, 4 employés, une cuisine familiale raffinée (sacrés Lyonnais !) et la faconde du patron, le petit restaurant connait rapidement un certain succès, notamment auprès des milieux d’affaires du quartier. Puis au début des années 2000, il commence à se faire remarquer par la presse locale et internationale et voit bientôt arriver des personnalités comme José Ramos-Horta (Prix Nobel de la Paix et Président du Timor Oriental de 2007 à 2012), et des célébrités thaïlandaises, comme l’acteur Ananda Everingham, qui fait du Bouchon son havre (Ananda appelle même Serge "Papa").

"J’avais des prétentions modestes et je fondais mes espoirs sur la clientèle française. Mais finalement, Le Bouchon a séduit aussi une clientèle internationale. Et depuis quelques années, les Thaïlandais viennent de plus en plus nombreux", dit-il, l’air satisfait, même s’il aimerait voir davantage de Français.

Le Bouchon a certainement bénéficié au début de la popularité de Pat Pong, mais le restaurant ne compte plus désormais sur l’attractivité du marché nocturne et des go-go bars. "La popularité de Pat Pong a commencé à se dégrader il y a dix ans, regrette-t-il. Aujourd’hui, les gens qui viennent chez moi ne sont plus forcément ceux qui viennent à Pat Pong".

Après toutes ces années, Serge n’oublie pas l’appui moral de François Florent, le fondateur du fameux Cours Florent, qui lui a permis, par ses relations, de trouver les fonds nécessaires pour tenir les premiers temps du lancement. "C’est un ami de la maison", dit Serge, en ayant aussi une pensée pour Theeraporn Pinsuwan "Makok" l’artiste thaïlandais francophile qui a créé l’atmosphère du Bouchon.

Dans la famille Le Bouchon, le "Papa" !

Un autre atout de Serge est très certainement son équipe, composée d’une dizaine de personnes, la plupart des femmes, qui restent fidèles au restaurant. Une vraie famille, à la thaïe ! Et pour cause, le décor et les plats ont beau être typiquement français, le management et les relations humaines au sein de l’équipe suivent plutôt le canon thaïlandais. D’ailleurs, Serge, c’est "Papa", un nom que les Thaïlandais donnent à un étranger d’âge mûr pour qui ils éprouvent un certain degré d’affection ou du moins qui leur inspire l’image d’un protecteur. "Plutôt que d’aboyer, j’explique comment faire le métier avec raison. Et surtout il faut les soutenir, les aider quand ils ont besoin", souligne Serge.

Banjong, le jeune chef cuisinier qui avait fait l’ouverture du Bouchon en 1996 et devait rester seulement un mois avant de retourner au Dusit Thani de Chiang Raï, est d’ailleurs toujours là, dans sa cuisine de 3 mètres carrés. "Au bout de quatre jours, il voulait partir", avoue Serge, concédant que les relations entre eux au départ étaient difficiles. "Mais je l’ai intéressé au succès (i.e. il lui a promis des parts). Il travaille dans des conditions difficiles avec la même constance", explique-t-il.

Une cuisine réglée comme du papier à musique

Serge est typiquement de ces restaurateurs qui imprègnent de toute leur âme les moindres recoins de leur restaurant. S’il ne vient pas pendant plusieurs jours, cela se ressent inévitablement, il manque quelque chose.

Lorsqu’il arrive sur sa moto à midi, il apporte toujours avec lui quelque sac de victuailles achetées au marché ou des plats qu’il a cuisinés chez lui, notamment les plats en sauce qui nécessitent une cuisson lente et amoureuse. "Je me suis toujours impliqué dans les achats, j’aime beaucoup visiter les marchés de frais et je suis toujours à la recherche de produits nouveaux", dit-il. Comme tout bon vivant qui se respecte, il aime cuisiner, et invente même des mets. Pour lui, la cuisine, c’est un peu comme la musique. "Une fois la recette écrite, dit-il, chacun peut l’interpréter à sa façon. Et puis n’oublions pas que le chef travaille derrière un "piano" !..."

Mardi 24 septembre, Le Bouchon entrera dans sa 18e année.

Pierre QUEFFELEC (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) vendredi 20 septembre 2013

El Mercado Bangkok
Publié le 19 septembre 2013, mis à jour le 21 août 2019

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