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Père Nicolas: “L’éloignement rapproche les expatriés de l’église”

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Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 19 février 2020, mis à jour le 19 février 2020

Après 10 ans à œuvrer dans les montagnes thaïlandaises auprès des minorités ethniques, le père Nicolas, en poste à la Paroisse Francophone de Bangkok, se dit heureux de s’occuper des Français dont un certain nombre, selon lui, a retrouvé le chemin de l’église à la faveur de l’expatriation

Dès l’adolescence, le père Nicolas sentait un appel vers Dieu et une vie consacrée à répandre l’évangile. Pourtant il n’est rentré dans les ordres que vers l’âge de 30 ans après une carrière professionnelle dans les assurances. Au cours de son séminaire, il fait le choix de rejoindre les Missions Etrangères de Paris car, encore une fois, il sentait que Dieu l’appelait en Asie. 

En Thaïlande depuis 14 ans, ce missionnaire français originaire de Rouen a passé près de dix ans auprès des minorités à Mae Sot avant d’être muté à Bangkok. Il officie aujourd’hui en tant que prêtre depuis bientôt trois ans à la Paroisse Francophone de Bangkok qui est hébergée par les Missions Etrangères de Paris dans la chapelle de l’Épiphanie. 

Pour Lepetitjournal.com, le père Nicolas revient sur les raisons qui l’ont poussé à entrer au séminaire, les atouts d’être un prêtre étranger pour prêcher en Thaïlande et sur la communauté francophone de la paroisse. 

LEPETITJOURNAL.COM : Vous êtes devenu Père relativement tard, qu’est-ce qui vous a amené à entrer dans les Ordres ?

PERE NICOLAS : Je suis originaire de Rouen et j’ai fait des études de gestion à Paris. J’ai ensuite travaillé pendant neuf ans, dont sept ans dans le secteur des assurances. Je me suis embarqué dans la vie professionnelle, un peu le nez dans le guidon et, à un moment donné, une ancienne intuition remontant à l’adolescence est revenue me titiller. Alors que je travaillais encore, j’ai commencé à donner des cours de catéchisme, et cela a été une expérience positive, un lieu de joie qui m’a donné un avant-goût de la vie de pasteur. Je suis donc entré au séminaire en septembre 1999, j’ai été ordonné prêtre en juin 2005, puis je suis arrivé en Thaïlande en décembre 2005. 

Pourquoi êtes-vous venu en Thaïlande ?

Je n’ai pas choisi de venir en Thaïlande, on m’y a envoyé. Mon premier contact avec l’Asie fut lors d’un voyage en Birmanie en 1999, et cela a été une révélation. C’est par ce pays que j’ai commencé à aimer les peuples en Asie. Je me sens en phase avec les gens d’ici. C’était assez spontané, naturel, de l’ordre de l’éveil même, alors qu’en parallèle je faisais mon chemin spirituel. 

Six mois après ce voyage, je quittais mon boulot pour entrer au séminaire où j’ai rejoint le diocèse de Rouen. Les trois premières années, je me suis investi à fond dans ce diocèse et cela m’a permis de découvrir la réalité de l’église sur le terrain et, même si j’avais un peu mis l’Asie entre parenthèses, je suis tout de même allé au Cambodge, au Vietnam et en Chine lors de mes vacances. 

Ensuite, j’ai rejoint les Missions Étrangères de Paris (NDLR :  Société de vie apostolique catholique domiciliée à Paris ayant pour but le travail d'évangélisation dans les pays non chrétiens, spécialement en Asie) pendant trois autres années de séminaires. Après, j’ai été envoyé en Thaïlande, sans l’avoir choisi - c’est l’usage dans l’église, on ne s’attribue pas soi-même sa propre mission, on la reçoit. Je ne sers pas une cause personnelle, mais je réponds à un besoin décerné par l’église et c’est une mission à vie. Par conséquent, s’il n’y a pas de complication politique ou que je n’ai pas de problème de santé, je suis censé rester en Thaïlande toute ma vie.

Quelle a été votre première mission en Thaïlande ?

Je suis du diocèse de Rouen et, en venant ici, je suis mis à disposition de l’église de Thaïlande et de l’évêque du diocèse de Nakhon Sawan. C’est donc de l’église locale que je reçois ma mission. Elle envoie souvent des prêtres français ou italiens pour travailler avec les minorités parce que le rapport aux gens est plus facile, nous pouvons plus facilement désamorcer des choses qui relèvent des usages, du protocole, des règles de bienséance, de la notion de perdre/sauver la face. Les gens peuvent être plus libres, ils sont moins piégés par le conformisme traditionnel et ils nous pardonnent beaucoup de choses parce que nous sommes étrangers. 

J’ai passé neuf ans dans les montagnes à couvrir un territoire d’une trentaine de villages dans la région de Mae Sot. Ma mission consistait à être proche des gens, à leur rendre visite, à les aider dans les domaines de l’éducation ou de la santé et à témoigner de la parole de l’évangile. Dans chaque village, je restais souvent trois jours, car on ne peut pas juste venir pour célébrer la messe. Souvent, après l’office, j’étais invité chez les gens pour manger, pour discuter. La foi, c’est de l’ordre de la relation, toucher les cœurs passe par la proximité, la présence. 

En Thaïlande, le statut de religieux a tendance à vous couper du peuple. Lors d’une fête paroissiale thaïlandaise, après la messe, les organisateurs vous mettent dans une salle climatisée, on vous sert un repas… D’une certaine manière, nous sommes traités à l’asiatique avec un certain statut social alors qu’en fait nous voudrions juste aller avec les fidèles. C’est un usage culturel qui, d’une certaine façon, peut être un obstacle à la rencontre. Ce n’est pas volontaire, mais le cérémonial ou le protocole coupe un peu la relation. 

Comment vous êtes-vous retrouvé prêtre de la paroisse francophone de Bangkok ?

Je suis arrivé à Pâques 2017 et j’ai un mandat de cinq ans. Mais comme il n’y a pas beaucoup de prêtres de ma génération, les autres étant soit trop vieux soit trop jeunes, il n’est pas impossible que je fasse deux mandats. Quand j’ai quitté la montagne pour m’occuper de la paroisse de Bangkok, beaucoup de gens m’ont demandé si je n’étais pas trop triste de quitter ces familles que j’avais suivies pendant dix ans, ou si le changement n’était pas trop difficile. Ma réponse est non, dans le sens où je prends cette affectation comme une bénédiction, une façon de développer le ministère autrement. J’ai été dans la brousse pendant dix ans et là, je suis heureux de m’occuper des Français. 

Que pouvez-vous nous dire sur la paroisse francophone de Bangkok ? 

Un dimanche ordinaire, nous avons environ 140/150 personnes qui assistent à la messe tandis que lors des autres rendez-vous festifs du calendrier chrétien nous avons 200 fidèles, à Noël, nous avons eu 350 personnes. Lors des fêtes majeures, nous avons souvent des demandes de vacanciers ou de gens qui visitent la Thaïlande pour venir assister à la messe. 

Je pense que pour les vacanciers et surtout pour les expatriés, la paroisse permet la création d’un lien. Lors d’une expatriation, tout ce qui constituait des repères est bousculé, quand ils arrivent à Bangkok, les gens sont un peu perdus. Cela fait que l’on voit un grand nombre de familles qui étaient un peu loin de l’église en France et, ici, retrouvent le chemin de l’église. Elles retrouvent un lien social qui est le bienvenu dans ce contexte de déracinement. Le profil des paroissiens est différent ici, nous avons une communauté assez jeune, formée, d’universitaires, issus des milieux décisionnaires, etc. Je le sens dans les groupes d’animation, il y a une qualité de discussion, de réflexion qui me fascine. C’est une petite communauté très enthousiaste, active, vivante. Et comme nous sommes sous les tropiques, qu’il ne fait pas froid, à la sortie de la messe les gens ne sont pas pressés de rentrer à la maison donc nous nous attardons, nous prenons un verre, nous discutons, c’est très sympa. 

Voir aussi le site Internet de la paroisse francophone de Bangkok
 

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