Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

MANIFS 2008 - Deux anciens Premiers ministres thaïlandais échappent à la prison

Somchai-WonsawatSomchai-Wonsawat
LPJ Bangkok.com - Somchai Wongsawat était légalement responsable de l'opération de police destinée à faire évacuer le 7 octobre 2008 les manifestants qui bloquaient l'accès au parlement
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec AFP
Publié le 3 août 2017, mis à jour le 6 mars 2019

Deux anciens Premiers ministres, qui risquaient dix ans de prison ferme en Thaïlande, ont été acquittés mercredi d'accusations de négligence lors de la répression de manifestations en 2008 durant lesquelles deux personnes avaient perdu la vie.

Somchai Wongsawat et Chavalit Yongchaiyudh, alors respectivement Premier ministre et vice-Premier ministre (Chavalit avait été Premier ministre dans les années 1990), étaient légalement responsables de l'opération de police destinée à faire évacuer le 7 octobre 2008 les manifestants qui bloquaient l'accès au parlement alors que le chef du gouvernement fraichement nommé devait y prononcer son discours de politique générale.

Lors de ces manifestations, des heurts entre la police et les manifestants avaient fait deux morts et près de 500 blessés.

Les policiers avaient livré de rudes batailles contre des manifestants déterminés -certains munis de bombes artisanales- et avaient lancé de nombreuses grenades lacrymogène. Les manifestants étaient des partisans des Chemises jaunes, conservateurs ultra-monarchistes cherchant à chasser du pouvoir le parti de l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, soutenu par les Chemises rouges.

Après que l'armée s'est emparée du pouvoir en 2014, les autorités ont cherché à faire juger quatre hommes. Mais dans leurs verdict mercredi neuf juges ont rejeté l'affaire, estimant que les autorités avaient pour responsabilité de disperser les manifestants car ceux-ci s'étaient montrés agressifs et qu'aucun des prévenus n'était directement responsable des morts.

"Les manifestants encerclaient le parlement et menaçaient de pénétrer de force dans le bâtiment, ce n'était donc pas une manifestation pacifique. Les autorités ont dû utiliser la force pour libérer le passage", a conclu la cour suprême.

"Meurtriers !", ont crié mercredi un petit groupe de partisans des Chemises jaunes à l'adresse des quatre acquittés lors de leur sortie de la Cour Suprême.

"J'aurais aimé les voir punis pour ce qu'ils ont fait", explique parmi eux Tee Sae Tiew, 73 ans, qui a perdu une jambe lors des affrontements de 2008.

Somchai et Chavalit sont tous deux issus du camp politique loyal à Thaksin Shinawatra, riche magnat des télécommunications au c?ur de la division politique du royaume.

Peu de temps après ces manifestations, l'ex-Premier ministre Thaksin avait été condamné à deux ans de prison pour corruption. Il n'a jamais purgé sa peine puisqu'il a fui à l'étranger quelques semaines avant le verdict.
Thaksin avait été renversé par l'armée en 2006, marquant le début d'une décennie d'instabilité politique rythmée par des poussées régulières de violences et des gouvernements éphémères puis finalement un ultime putsch en 2014.

Les partis menés par ou alliés au clan Shinawatra ont emporté toutes les élections depuis 2001, majoritairement grâce au soutien des électeurs du nord et du nord-est, principalement issus de milieux pauvres et ruraux qui se sentent abandonnés par les élites traditionnelles de Bangkok.

Les Shinawatras sont d'ailleurs détestés par ses dernières et leurs alliés militaires qui se servent des manifestations, les cours et les coups d'Etat pour écraser leurs opposants.

C'est précisément les factions anti-Shinawatra qui ont assiégé le parlement en octobre 2008, puis ont paralysé le mois suivant les deux aéroports de Bangkok en vue de renverser le gouvernement. Cette dernière action avait bloqué des dizaines de milliers de voyageurs dans le royaume et perturbé de nombreux vols un peu partout dans le monde.

Le parti de Somchai avait finalement été dissous dans la foulée par la Cour Constitutionnelle et lui contraint à la démission.

Deux ans plus tard, alors que les partisans de l'establishment royaliste étaient au pouvoir, ce sont des manifestants pro-Shinawatra, les Chemises rouges, qui bloquèrent les rues de Bangkok. La dispersion des manifestations, par les militaires cette fois, fit plus de 90 morts.

Personne n'a pour l'heure été poursuivi pour ces morts. Certains des officiers militaires aux commandes de la répression sanglante de 2010 sont les mêmes qui ont mené le coup d'Etat de 2014.

Le verdict de mercredi était très attendu en Thaïlande, à quelques semaines de celui de l'ex-Première ministre Yingluck Shinawatra, soeur de Thaksin, dont le gouvernement a été renversé en 2014 par une armée ultra-royaliste.

Son procès pour négligence avait été ouvert après le coup d'Etat militaire de mai 2014, tout comme celui de Somchai et Chavalit, suscitant des accusations de procès politiques téléguidés par les militaires pour éradiquer l'influence politique du clan Shinawatra.

Yingluck Shinawatra risque elle aussi dix ans de prison. Le verdict sera rendu le 24 août.
 

Flash infos