Le chef de la junte militaire au pouvoir en Thaïlande a affirmé jeudi que la loi controversée sur la cybersécurité dont le pays vient de se doter ne servirait pas à installer "des écoutes téléphoniques".
"Quand je parle de cybersécurité, ne faites pas de confusion avec les droits de l'homme", a déclaré à un parterre d'investisseurs réunis à Bangkok le général Prayut Chan-o-Cha, assurant que la nouvelle loi visait à renforcer la sécurité des transactions en ligne.
"Personne ne va écouter les appels téléphoniques des autres", a insisté le Premier ministre. "Il s'agit de protéger les entreprises (...) parce qu'il pourrait y avoir d'importantes fraudes ou affaires illégales".
Le Parlement thaïlandais a adopté le 28 février une loi sur la cybersécurité critiquée tant par les défenseurs des droits de l'homme, qui la jugent liberticide, que par des sociétés inquiètes d'une surveillance de leurs transactions financières et données commerciales.
Le royaume s'apprête à organiser le 24 mars les premières législatives depuis le coup d'Etat militaire de 2014. Le chef de la junte espère bien conserver le pouvoir à l'issue du scrutin.
La nouvelle loi instaure un organisme gouvernemental doté de très larges pouvoirs, habilité à surveiller, sans autorisation judiciaire préalable, le trafic internet, à contraindre particuliers ou entreprises privées à fournir des informations, à ordonner la suppression de contenus, voire à saisir des disques durs en cas de "suspicion raisonnable" ou d'"urgence".
L'Asia Internet Coalition, une association professionnelle rassemblant des entreprises comme Google et Facebook, a mis en garde contre la formulation trop vague de la loi et le risque qu'elle octroie au gouvernement le pouvoir de s'emparer des données des utilisateurs.
Depuis son arrivée au pouvoir, la junte a cherché à faire taire les critiques sur le web. Son chef s'emploie à présent à redorer son image grâce à Instagram et Facebook pour montrer un visage moins dur et plus proche du peuple.
Le gouvernement a dorénavant "un pouvoir réduit" à cause des réseaux sociaux, a poursuivi le Premier ministre. "Nous ne pouvons pas contrôler l'opinion publique maintenant que les réseaux sociaux dominent et que tout le monde y a accès".
Katherine Gerson d'Amnesty International a toutefois estimé que la loi sur la cybersécurité représentait "une menace pour la liberté d'expression et la vie privée". "Les autorités thaïlandaises ont un bilan documenté en matière de poursuites pénales engagées, au nom de la +sécurité+, contre des personnes qui n'ont rien fait d'autre que d'exprimer leurs idées", a-t-elle également dit à l'AFP.