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LESE MAJESTE – La BBC Thai dans le collimateur de la junte pour un portrait du roi

Prince-VajiralongkornPrince-Vajiralongkorn
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec AFP
Publié le 7 décembre 2016, mis à jour le 12 mai 2019

La BBC Thai fait l'objet d'une enquête par les thaïlandaises pour avoir publié un portrait du nouveau roi de Thaïlande qui a scandalisé les ultra-royalistes alors que le royaume opère une délicate transition

Les autorités thaïlandaises ont ouvert une enquête pour déterminer si la BBC avait enfreint la très sévère loi de lèse-majesté en diffusant un portrait du roi Maha Vajiralongkorn publié en langue thaïlandaise depuis le bureau de Londres, ont déclaré mercredi les autorités thaïlandaises.

Basée au Royaume Uni, la BBC Thai est l'un des rares médias hors du royaume à publier des articles en thaïlandais sans pratiquer l'autocensure.

Dans son article, la BBC livre des détails de la vie privée du roi, dont la vie tumultueuse est souvent évoquée dans l'intimité par les Thaïlandais mais jamais commentée dans les journaux ou sur les réseaux sociaux.

"L'affaire est en cours d'investigation, mais je ne peux pas divulguer les détails", a déclaré mercredi Pornchai Chalordej, responsable du commissariat local de Bangkok chargé de l'affaire.

"Ils ont un bureau en Thaïlande et des journalistes thaïlandais y travaillent, ils doivent donc être poursuivis s'ils violent la loi thaïlandaise", a déclaré mercredi Prayuth Chan-O-Cha, chef de la junte actuellement au pouvoir.

Dès sa publication sur la page Facebook de BBC Thai le 2 décembre, l'article s'est répandu comme une trainée de poudre. Il a été partagé plus de 3.000 fois en quelques heures tout en attirant les critiques de royalistes qui accusent la BBC de diffamer le nouveau monarque, Rama X, intronisé le 1er décembre, 50 jours après la mort de son père, le très vénéré roi Bhumibol Adulyadej.

Un jeune militant thaïlandais anti-junte, Jatupat Boonpattararaksa ("Pai"), a été arrêté samedi pour avoir simplement partagée l'article sur Facebook. Cet étudiant de l'Université de Khon Kaen a finalement été libéré après avoir versé une caution de 400.000 bahts, mais il risque 15 ans de prison s'il est reconnu coupable de crime de lèse-majesté.

L'article qui n'est plus accessible depuis la Thaïlande a été bloqué par le ministère de l'Economie et de la société numérique.

Mercredi, des policiers se sont rendus dans les bureaux de la BBC dans le centre de Bangkok, mais ont trouvé portes closes.

"Nous sommes certains que cet article répond aux principes éditoriaux de la BBC", affirme dans un communiqué le groupe audiovisuel public britannique, précisant par ailleurs que "BBC Thaïlande a été créé pour apporter des informations impartiales, indépendantes et précises dans un pays où les médias font face à des restrictions".

Les crimes de lèse-majesté plus traqués que jamais

Alors que la Thaïlande connaît une phase de transition politique, la junte militaire au pouvoir depuis 2014 a fait de la lutte contre le crime de lèse-majesté son cheval de bataille pour protéger la monarchie.

En novembre, une Thaïlandaise a été condamnée à une peine de 150 ans de prison, notamment pour lèse-majesté, dans une atmosphère de grande tension dans le royaume quelques semaines après la mort du roi.

En 2015, un homme avait été condamné à 30 ans de prison (lire notre article) et une femme à 28 ans après avoir publié plusieurs messages sur Facebook jugés insultants pour la famille royale. Un homme est aussi poursuivi pour avoir manqué de respect au chien du roi Bhumibol via un message Facebook, et plusieurs dizaines d'autres affaires sont en cours.

Les Nations unies s'étaient déclarées "consternées" l'an dernier par les sentences "disproportionnées" prononcées à ce moment pour des cas de lèse-majesté en Thaïlande (lire notre article).

Mais la période de deuil national que connaît la Thaïlande depuis la mort de son souverain Bhumibol Adulyadej a intensifié la pression sociale autour du crime de lèse-majesté. Le 18 octobre, le ministre thaïlandais de la Justice, Paiboon Koomchaya avait même appelé la population à "sanctionner socialement" ceux qui ne respectent pas le fameux article 112 du code pénal thaïlandais qui punit de 3 à 15 ans de prison toute comportement insultant le roi, la reine, l'héritier du trône ou le régent.

Agé de 64 ans et resté jusqu'à ces toutes dernières années relativement en retrait de la vie du palais, Maha Vajiralongkorn ne jouit pas de la popularité de son père, lequel a régné pendant 70 ans marquant profondément le royaume et ses habitants dont la très grande majorité n'a finalement connu que lui.

Sixtine DELORT-LAVAL avec AFP jeudi 8 décembre 2016

lepetitjournal.com bangkok
Publié le 7 décembre 2016, mis à jour le 12 mai 2019

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