La guerre tarifaire entre Chine et Etats-Unis a fait pendant des mois peser la menace d’un possible impact sur la croissance économique mondiale. Des données récentes indiquent que les tensions commerciales commencent effectivement à se faire sentir.
Les indicateurs des industries manufacturières dans plusieurs pays d’Asie tributaires des exportations, ainsi qu’en Chine, ont faibli en octobre alors que les perspectives commerciales s’obscurcissent.
En Chine, l'indice des directeurs d'achats (PMI), qui mesure l'activité des usines, a atteint 50,2 en octobre, contre 50,8 le mois précédent, dernier signe d’affaiblissement de la deuxième économie mondiale, dans ce contexte de guerre commerciale auquel s’ajoute un problème de dette intérieure.
Mais lorsque la Chine a mal, le reste de la région a mal, et le monde aussi, estiment des analystes.
Selon les indices récoltés par Nikkei / IHS Markit, les pays exportateurs asiatiques, de la Corée du Sud à la Malaisie, ont enregistré une baisse de leur PMI en octobre.
Taïwan a connu sa plus forte baisse de production et de nouveaux contrats en un peu plus de trois ans. Les achats des entreprises ont chuté pour la première fois depuis mai 2016 et les entreprises prévoient une baisse de la production de leurs usines dans les 12 prochains mois, a déclaré Nikkei / IHS Markit.
"Taiwan ressent les effets de cette guerre commerciale parce que la Chine est l'usine de nombreuses entreprises à Taiwan. Lorsque l'estuaire est bloqué, vous en ressentez les effets", a déclaré Sun Ming-te de l'Institut de Recherche Economique de Taiwan.
- Payer le prix –
Le PMI de la Corée du Sud est passé de 51,3 en septembre à 51,0 en octobre, tandis que l’indice du climat des affaires coréen pour le secteur manufacturier a atteint son niveau le plus bas en deux ans.
La Chine est le principal partenaire commercial de la Corée du Sud, absorbant un quart des exportations coréennes.
"La situation pourrait empirer l'année prochaine en raison d'une guerre commerciale prolongée entre les États-Unis et la Chine, des risques croissants de défaillance financière pour des entreprises chinoises surendettées et d'un ralentissement de l'économie mondiale qui réduirait la demande pour nos exportations", a déclaré à l’AFP un analyste de l’Institut des Finances de Corée.
Les fabricants de l'Asie du Sud-Est ont également ressenti les effets, le PMI en Malaisie et en Thaïlande ayant chuté sous la barre des 50 points, ce qui indique une contraction du secteur. Il s'agit du PMI le plus bas en Malaisie depuis juillet et du plus bas en Thaïlande depuis deux ans.
Dans une interview accordée à l'AFP la semaine dernière, le Premier ministre malaisien Mahathir Mohamad s'est plaint que le président américain Donald Trump - qui a accusé divers partenaires commerciaux d'"arnaquer" l'Amérique - "semble se retirer de tous ses engagements à l'étranger".
Mahathir, 93 ans, a déclaré que cela fait mal à tout le monde, y compris aux États-Unis.
"Nous voulons rester amis avec les Etats-Unis et continuer à commercer avec eux", a déclaré Mahathir. "Mais la guerre commerciale qui oppose les États-Unis et la Chine nous nuit. Il y a un prix à payer pour cela".
- Vietnam gagnant –
Lors de sa réunion annuelle du mois dernier, le Fonds Monétaire International (FMI) a averti que les frictions commerciales et d'autres menaces entraveraient l'économie mondiale et réduiraient ses prévisions de croissance pour 2018 et 2019.
La zone euro a affiché des PMI décevants en octobre, même si les facteurs en cause sont pour la plupart autres que les tensions commerciales.
Mais tout le monde ne ressent pas encore le choc, la fabrication au Japon semblant bien se porter le mois dernier.
En attendant, Trump ne risque pas beaucoup de se voir reprocher sa rhétorique commerciale aux Etats-Unis où les perspectives sont plutôt optimistes avec notamment une hausse des salaires et un taux de chômage très bas.
Et même en Asie, les économistes soulignent qu’il y aura des gagnants, le conflit commercial redéfinissant les tendances commerciales.
Le Vietnam, en particulier, y trouve son compte du fait que les fabricants étrangers quittent la Chine pour échapper aux feux croisés de la guerre commerciale et à ce que beaucoup considèrent comme un terrain de plus en plus inéquitable pour les entreprises étrangères en Chine.
L'indice PMI du Vietnam est passé de 51,5 en septembre à 53,9 le mois dernier.
"Les données fiables sur les exportations et la production industrielle de ces derniers mois n'ont pas été aussi bonnes. La dernière enquête montre néanmoins que le Vietnam résiste mieux que ses homologues de l'ASEAN à la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis", a déclaré à l'AFP Miguel Chanco, économiste en chef de Pantheon Macroeconomics.
"Si la guerre commerciale s'intensifie, le Vietnam sera l'une des principales destinations des entreprises exportatrices qui cherchent à quitter la Chine."