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Géraldine Nemrod obtient enfin le statut de fondation pour son ONG à Khlong Toey

Les enfants de l'ONG KTMP dans le quartier Khlong Toey a BangkokLes enfants de l'ONG KTMP dans le quartier Khlong Toey a Bangkok
Régis LEVY - Les enfants de KTMP en 2019 dans les locaux de l'ONG devenue la fondation Paintbrush dans le quartier défavorisé de Khlong Toey à Bangkok
Écrit par Régis LEVY
Publié le 24 août 2021, mis à jour le 24 août 2021

L’ONG KTMP, qui enseigne différentes matières aux enfants défavorisés du quartier de Khlong Toey à Bangkok, vient d’obtenir le statut de fondation et change de nom pour devenir Paintbrush. Une bouffée d’oxygène pour Géraldine Nemrod, sa fondatrice lauréate du Trophée des Français d’Asie qui explique à Lepetitjournal.com les évolutions que cela implique

 

LEPETITJOURNAL.COM : Khlong Toey Music Program s'appelle désormais Paintbrush. Pourquoi ce changement de nom ?

GERALDINE NEMROD: Cela fait quelques années que notre école a commencé à enseigner l’anglais ainsi que différents types d’art, en plus de la musique. Nous avons convenu qu’une appellation plus générale que Khlong Toey Music Program nous procurerait l’espace dont nous avons besoin pour grandir. Un nom qui puisse inclure une plus grande variété d’activités. Qui plus est, s’affranchir du nom du quartier nous permettra, à l’avenir, d’étendre le projet à d’autres communautés si l’on décide de s’orienter dans cette direction.

Le «pinceau» représente les compétences que l’on enseigne à nos enfants. Que ce soit la musique, les arts plastiques, la danse, ce que nous donnons aux enfants à travers l’enseignement c’est un outil. Ce qu’ils choisissent de faire avec cet outil leur appartient. Donner un pinceau à ces enfants, c’est leur donner la possibilité de choisir les couleurs avec lesquelles ils peindront leur ciel.

Geraldine nemrod, fondatrice du Klong Toey Music Program
Géraldine Nemrod, en 2019 dans les locaux de KTMP dans le quartier défavorisé de Khlong Toey à Bangkok. Photo Régis LEVY 

 

Vous venez d'obtenir le statut de fondation pour l’association. Combien de temps cela a-t-il pris ?

Cela nous a pris deux ans depuis notre premier rendez-vous chez un avocat. Mais bien plus longtemps si l’on considère que nous étions allés chez cet avocat avec un dossier presque complet et les 200.000 bahts (5.100 euros) nécessaires à la création de la fondation. Avant cela, il nous a fallu deux autres années pour réunir cette somme (plus les frais d’avocat), comprendre le processus d’obtention du statut, identifier des partenaires de confiance pour former un conseil d’administration, et donc rassembler notre premier dossier.

Je dois préciser que j’étais la seule personne à travailler à temps plein sur ce projet et qu’à l’époque j’avais pour seule aide une assistante à temps partiel qui travaillait pour nous 5 heures par semaine. J’ai également pendant quelques temps essayé de m’intégrer en tant que membre du conseil d’administration (j’avais du mal à accepter l’idée d’être la force motrice d’une fondation dont je ne ferais pas officiellement partie), puis j’ai abandonné quand j’ai compris que c’était trop compliqué.

 

Quelles furent les principales difficultés pour y parvenir ? Avez-vous bénéficié d'aides concrètes ?

Nous avons eu beaucoup de chance en ce qui concerne les aides financières. Nous avons très tôt réussi à rassembler la somme nécessaire à l’obtention du statut, grâce à nos partenaires Negotech et El Mercado. Je pense que la plus grosse difficulté rencontrée était l’inconsistance des informations fournies par les différents bureaux administratifs. Chaque fois que nous allions soumettre notre dossier, il y avait un nouveau document à fournir, une nouvelle copie à faire, ou quelque chose à corriger qui n’avait pas été demandé auparavant. Et quand nous passions à l’étape suivante, si nous changions d’interlocuteur, les informations différaient à nouveau. Au cours du processus, il nous est même arrivé d’attendre huit mois pour qu’un officiel en charge du dossier nous réponde qu’il fallait modifier quelques phrases dans nos documents.

Nous avons également manqué de chance avec le premier avocat que nous avions employé. Notre dossier a beaucoup traîné, l’avocat ayant quitté son poste peu de temps après la signature de notre contrat. Il nous a annoncé avoir transféré notre cas à l’un de ses associés mais nous avons découvert un peu plus tard que le cabinet entier avait fermé. Du coup, avec tous ces changements, notre requête n’avançait pas. Nous avons fini par nous débarrasser du second avocat quand nous avons réalisé qu’il retardait l’avancée de notre dossier plus qu’il ne nous aidait.

 

En quoi l'obtention de ce statut est-il si important ? Qu'est-ce que cela va changer à l'avenir ?

C’est déjà une reconnaissance personnelle et professionnelle. Après tant d’années, de voir le travail accompli par mon équipe et moi-même enfin reconnu officiellement est un véritable accomplissement. Mais concrètement, le principal changement va concerner la levée de fonds.

Non seulement ce statut nous confère plus de crédibilité et de transparence, ce qui est primordial aux yeux des donateurs, mais nous aurons également la possibilité de recevoir des aides d’entreprises ou d’autres fondations, de faire des demandes de subventions etc.

Désormais, nous avons également accès à tout un tas d’outils d’aide aux ONG qui ne sont disponibles que sous condition d’obtention du statut (systèmes de donation en ligne, réduction des prix sur des logiciels de gestion ou autres, publicités gratuites etc.).

 

Quel est le bilan actuel de la Fondation en termes d'élèves, de professeurs, de jours d'ouverture et de matières enseignées ?

Nous sommes actuellement ouverts cinq jours par semaine, du mercredi au dimanche, et enseignons la musique moderne, la musique classique thaïlandaise, l’anglais et les arts plastiques. Nous avons environ 70 élèves, dont l’âge varie entre 7 et 23 ans, et 11 professeurs. Nous avons aussi une conseillère d’orientation, qui s’occupe d’aider les enfants à trouver leur direction dans la vie comme le métier qu’ils souhaitent faire et les écoles appropriées, par exemple. De plus, elle les soutient dans leurs démarches qui vont couvrent les discussions avec les parents, le soutien administratif ou financier, et bien d’autres choses encore...

 

Vous venez de lancer le site de Paintbrush pour donner de la visibilité à la fondation. D'autres projets sont-ils en cours ou à l'étude ?

Nous avons tellement de projets ! Le plus récent est un programme d’enseignement basé sur l’utilisation du numérique composé de deux parties. Tout d’abord la création d’un site d’enseignement en ligne gratuit pour nos étudiants, mais aussi une formation technique de trois mois pour nos élèves les plus âgés, dans laquelle on leur apprendra les bases de l’enregistrement, de l’édition de vidéos et photos ou du graphisme, etc. A la fin de ces trois mois, nos élèves devront raconter une histoire sur leur communauté en utilisant le média numérique de leur choix. Nous avons hâte de lancer ce projet et de leur faire découvrir de nouveaux moyens de s’exprimer avec l’espoir de pouvoir un jour enseigner ces compétences sur le long terme. Le site internet d’enseignement en ligne est déjà fonctionnel et va être mis à la disposition de nos étudiants dans les jours à venir. Quant à la deuxième phase du programme, elle commencera lorsque nous rouvrirons l’école, une fois la situation sanitaire redevenue acceptable. Tout est déjà en place pour sa mise en œuvre. 

Une fois l’école rouverte, nous comptons faire croître notre programme de musique classique Thai, et nous espérons commencer à enseigner la danse. Nous aimerions aussi mettre un peu plus l’accent sur les activités de soutien à la communauté de Khlong Toey…  et nous avons l’ambition de construire notre propre école.

 

Plus de nouvelles du projet d'expropriation des 100.000 habitants du bidonville de Khlong Toey dont vous nous parliez juste avant la pandémie ?

Aucune nouvelle depuis le début de la pandémie. Le projet est bien évidemment repoussé. Du fait de l’impact négatif de la COVID-19 sur l’économie, les investisseurs ont d’autres priorités. Pour nous c’est tout positif. On espère secrètement qu’ils vont oublier ou enterrer le projet mais tant qu’il est repoussé, ça nous laisse plus de visibilité et de temps pour s’organiser. D’être devenus une fondation va aussi beaucoup nous aider face à cette menace. Désormais nous avons un statut officiel, et donc notre mot à dire !

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