Des vendeurs de rue thaïlandais sont surnommés «CIA» pour leur capacité à obtenir les renseignements leur permettant de se trouver sur les sites de manifestation avant la police, mais aussi avant la plupart des manifestants eux-mêmes.
Grace à eux, on peut manger au beau milieu des manifs un peu de tout : boulettes de poisson, poulet frit, dimsum, crème glacée à la noix de coco, etc. Ces vendeurs de rue et leur batterie de cuisine ambulante ont le vent en poupe ces derniers jours alors que des dizaines de milliers de personnes descendent dans les rues chaque jour pour protester contre le gouvernement et la monarchie.
Même si la nouvelle génération de manifestants déploie des stratégies de "flashmob" destinées à leurrer les forces de l’ordre pour les empêcher de se positionner sur les sites de protestation, lorsque la plupart des manifestants se présentent sur les lieux révélés au dernier moment, les premiers vendeurs ambulants sont déjà là avec leur attirail !
"Il nous faut suivre l'actualité de très près. Nous avons créé un groupe de discussion après que les manifestants nous ont donné le surnom de CIA", confie Petch, un vendeur de 29 ans.
Les vendeurs sont prêts à se déplacer en un instant et ils utilisent pour cela leur téléphone pour scruter les messages des groupes de protestataires, qui annoncent à la dernière minute les sites de protestation pour prendre de court la police.
"Ils arrivent même avant nous", s’étonnait Ploy, une manifestante de 28 ans, lors de la manifestation mercredi.
Pour certains, la manifestation n'est pas seulement une source de revenus.
"Ce chariot ne vend pas aux soldats ni à la police. Prayuth dehors", dit une affiche mise sur son chariot par Komsan Moonsan, 44 ans, un vendeur ambulant de boissons gazeuses dont la femme et les enfants apportent également leur propre attirail aux manifestations. Vendredi dernier, il a été touché par un canon à eau.
"Je suis à la fois ici pour vendre et pour soutenir les manifestants. Je déteste pas mal Prayuth", dit-il, se plaignant que sous le régime de Prayuth Chan-O-Cha, ses revenus sont tombés à 700 bahts (19 euros) par jour contre 2.000 auparavant. Lors des manifestations, il espère gagner 1.000 bahts par jour.
Depuis le coup d’Etat militaire mené en 2014 par Prayuth Chan-O-Cha, l'économie thaïlandaise connait l’un des taux de croissance les plus bas d'Asie du Sud-Est. Et la politique du risque zéro, appliquée jusqu’ici face au Covid-19 alors que la Thaïlande a été relativement épargnée par l’épidémie même avant la mise en place des mesures restrictives, ravage le secteur du tourisme et mine les exportations, entre autres.
"Je vais à chaque manifestation", confie Win, 37 ans, un vendeur de boulettes de poisson. "Tout part en quelques heures seulement."