L'ex-Première ministre thaïlandaise Yingluck Shinawatra, condamnée par contumace mercredi à cinq ans de prison, a construit sa carrière politique en mettant ses pas dans ceux de son frère Thaksin, bête noire de la junte militaire au pouvoir.
A 50 ans, elle a finalement suivi la même voie que lui en 2008: la fuite plutôt que la prison. Depuis sa disparition fin août, qui continue à fasciner l'opinion publique thaïlandaise, elle n'est pas réapparue, même sur les réseaux sociaux.
Les responsables de son parti comme la junte la disent à Dubaï, avec son frère.
Propulsée par sa famille aux législatives de 2011, adorée par la population rurale du nord de la Thaïlande, elle n'avait longtemps été que le "clone" de Thaksin (l'expression est de lui), Premier ministre renversé par un putsch en 2006.
Mais cette novice en politique, un peu fade, avait surpris dans sa gestion de mois de manifestations réclamant sa tête en 2013 et 2014, loin de son image de marionnette prenant ses ordres au téléphone auprès de son frère réfugié à Dubaï.
Elle avait résisté, sans recours à la violence, à des manifestants maniant l'invective et les attaques sexistes et occupant ses ministères.
C'est finalement un coup d'Etat militaire, en mai 2014, qui avait réussi à faire tomber son gouvernement.
Yingluck avait alors disparu pendant plusieurs jours, placée au secret par les militaires, comme d'autres membres de son gouvernement.
Larmes et sourire
Son art de manier les larmes suscite admiration ou énervement, que ce soit quand elle évoque le sort de son fils à l'école ou lors de ses arrivées très orchestrées à son procès, avec partisans venus lui offrir des roses.
Depuis le coup d'Etat et l'interdiction d'organiser des manifestations politiques, elle avait multiplié les pieds de nez aux généraux au pouvoir, avec le sourire.
Elle s'était ainsi lancée en juin 2016 dans une tournée, officiellement culturelle, dans le nord du pays, bastion électoral de sa famille, cultivant son image de princesse du peuple en recevant des brassées de fleurs de paysannes endimanchées. La tournée avait été baptisée "Yim su", qui signifie en thaï "combat avec le sourire".
En février 2016, elle avait convié la presse à faire le tour de son potager, officiellement pour parler de la culture de ses salades. Elle avait néanmoins rappelé entre deux laitues qu'il serait urgent d'organiser des élections.
Mais Yingluck n'a pas l'envergure d'une Aung San Suu Kyi en Birmanie voisine, qui a passé des années en résidence surveillée.
Certains avaient osé l'analogie au début de son procès.
"Elle n'a rien d'Aung San Suu Kyi. Les Shinawatra ne se sont jamais battus pour la démocratie ou les droits de l'Homme. Ils défendent leurs propres intérêts", analyse Puangthong Pawakapan, politologue de l'université Chulalongkorn de Bangkok.
Malgré ses prises de distance d'avec Thaksin ces dernières années, Yingluck reste avant tout une représentante du "clan Shinawatra", enrichi grâce au flair de son frère, modeste policier (même s'il vient d'une influente famille d'origine chinoise de Chiang Mai) devenu magnat des télécommunications.
Et Yingluck Shinawatra et les siens symbolisent tout ce que détestent les vieilles élites de Bangkok: des parvenus, menaçant l'ordre social établi, dominé par le roi.
Car, si Yingluck possède un master d'administration publique de l'université du Kentucky, elle a construit toute sa carrière pré-politique au sein de l'empire familial, depuis son retour des Etats-Unis au début des années 1990.
Depuis son premier stage à la présidence de la branche téléphonie mobile de Shin Corp., géant des télécommunications fondé par Thaksin et vendu dans des circonstances controversées, la petite dernière de cette famille de neuf enfants ne s'est jamais totalement émancipée.