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L'adoption de la loi d'amnistie réveille le spectre des manifs en Thaïlande

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LPJ Bangkok.com
Écrit par Agence France Presse
Publié le 31 octobre 2013, mis à jour le 10 mai 2023

Le Parlement thaïlandais a adopté vendredi une loi d'amnistie controversée qui pourrait permettre le retour de l'ancien Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, réveillant le spectre des mouvements de rue violents qui ont secoué le pays ces dernières années.

Selon ses détracteurs de tous bords, le texte, qui doit être examiné au Sénat le 11 novembre, va absoudre tous les crimes liés à ces violences politiques, y compris le meurtre de manifestants non armés.

Le Parlement l'a adopté dans la nuit de jeudi à vendredi par 310 voix contre zéro, et quatre abstentions. Le Parti démocrate, principal parti d'opposition, a refusé de prendre part au vote qui a eu lieu à l'issue de près de vingt heures de débat, a noté Amnuay Khangpha, responsable du parti au pouvoir Puea Thai.

Malgré ce vote, les Démocrates ont promis de ne pas abandonner leur lutte contre l'amnistie. "Nous continuerons notre combat dans la rue jusqu'à ce que le projet de loi soit abandonné. Il y a d'autres moyens comme un recours à la Cour constitutionnelle", a souligné leur porte-parole Chavanond Intarakomalyasut.

Plusieurs milliers de personnes, certaines arborant des slogans "pas d'amnistie pour les corrompus", s'étaient rassemblées jeudi soir contre le texte et le mouvement devait se poursuivre vendredi.

Le parti de la Première ministre Yingluck Shinawatra, soeur de Thaksin, au pouvoir depuis 2011, avait exhorté tous ses députés à voter en faveur du texte.

Les partisans d'une amnistie générale estiment qu'elle permettrait au pays de repartir sur des bases saines, alors que la Thaïlande vit depuis des années au rythme d'immenses mouvements de rue pro- ou anti-Thaksin, renversé par un coup d'Etat en 2006.

La société est toujours profondément divisée entre les masses rurales et urbaines défavorisées du nord et du nord-est, fidèles au milliardaire, et les élites de Bangkok gravitant autour du palais royal, qui le haïssent.

Les violences avaient culminé au printemps 2010, lors de la pire crise qu'ait connue la Thaïlande moderne.

Jusqu'à 100.000 "chemises rouges" favorables à Thaksin avaient alors occupé le centre de Bangkok pendant deux mois pour réclamer la démission du chef du gouvernement de l'époque Abhisit Vejjajiva, avant d'être délogés par l'armée. Quelque 90 personnes avaient été tuées et 1.900 blessées.

Et les opposants à l'amnistie craignent que ces morts restent impunies, alors qu'Abhisit et son ancien vice-Premier ministre, dirigeants du Parti démocrate, sont poursuivis pour meurtre pour leur rôle dans cette répression et que 24 leaders rouges sont poursuivis pour "terrorisme".

"En adoptant cette amnistie générale, le Puea Thai transforme la Thaïlande en Etat paria qui ne respecte pas la justice et les droits de l'Homme", a ainsi dénoncé Sunai Phasuk, de Human Rights Watch.

Même les "rouges", pourtant soutiens naturels du gouvernement, ont exprimé leur colère. "Les chemises rouges veulent la justice pour ceux qui ont perdu la vie. Nous n'avons pas de problème avec le retour de Thaksin, mais nous ne pouvons pas l'accepter si c'est au prix de la justice", a déclaré vendredi à l'AFP Thida Thavornseth, dirigeante du mouvement.

Selon le texte, l'amnistie inclurait non seulement les crimes liés aux violences politiques, mais aussi les individus poursuivis par des organisations mises en place après le putsch de 2006.

Thaksin avait été condamné en 2008 en son absence à deux ans de prison pour malversations financières après l'enquête d'une commission spéciale anticorruption créée par la junte.

"C'est assez évident que c'est largement l'oeuvre" de Thaksin, a commenté Chris Baker, analyste spécialiste de la Thaïlande, à propos du la loi. "Et comme on peut le voir, cela a provoqué la colère de tous les côtés de l'échiquier", a-t-il ajouté. "Il sous-estime peut-être à quel point la question de son retour énerve les gens".

"Les manifestations seules ne provoqueront pas une crise politique", a tempéré de son côté Michael Montesano, de l'Institut des études sur l'Asie du sud-est à Singapour, estimant que des manifestations aussi importantes que celles organisées entre 2006 et 2010 étaient improbables.

Le Puea Thai a déjà tenté plusieurs fois, depuis son arrivée au pouvoir en 2011, d'introduire des législations qui auraient selon leurs opposants permis le retour de Thaksin, mais il avait fait marche arrière en raison de vives réactions.

AFP vendredi 1er novembre 2013

AFP
Publié le 31 octobre 2013, mis à jour le 10 mai 2023

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