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MEURTRE A KOH TAO – Les deux sans papiers birmans s’invitent dans les discussions entre Prayuth et Thein Sein

Écrit par Lepetitjournal Bangkok
Publié le 12 octobre 2014, mis à jour le 13 octobre 2014

Le sort des deux sans papiers birmans accusés du meurtre de deux jeunes back-packers britanniques ont occupé une bonne part de la visite de Prayuth Chan-O-cha en Birmanie, sa première visite à l'étranger en tant que Premier ministre. L'affaire, annoncée comme bouclée il y a dix jours par la police, présente des zones d'ombre tenaces. Le magazine Time qualifie l'enquête de farce

Le président birman, Thein Sein, et le Premier ministre thaïlandais Prayuth Chan-O-Cha ont discuté jeudi au cours d'un entretien de l'affaire du meurtre des deux Britanniques à Koh Tao dans le cadre de laquelle ont été inculpés deux jeunes sans papiers birman.

Le président birman a demandé une enquête "propre et juste" à Prayuth, qui effectuait son premier déplacement à l'étranger depuis son arrivée au pouvoir, a fait savoir un officiel vendredi.

"S'ils sont coupables, des mesures devront être prises selon la loi. Cependant, l'enquête doit être propre et juste", aurait déclaré Thein Sein, selon une source du bureau du président.

La source a expliqué sous couvert de l'anonymat que "(Thein Sein) a aussi dit que les droits de ces travailleurs devaient être protégés." Toujours selon cette source, Prayuth aurait promis de porter une attention particulière à cette affaire.

Ces remarques interviennent après que de nombreux témoignages collectés sur l'ile de Koh Tao ont fait état d'une pratique courante de la torture et autres formes de harcèlement sur les travailleurs birmans, ainsi que de l'extorsion.

Des avocats et défenseurs des droits de l'homme ayant approché plusieurs Birmans interrogés par la police dans le cadre de l'affaire, dont les deux accusés, ont eu confirmation que la police avait recours à la torture durant les interrogatoires. Les deux Birmans inculpés ont eux-mêmes déclaré que les aveux leur avaient été soutirés sous la torture, ce que les autorités thaïlandaises nient en bloc.

Le commandant en chef de l'armée birmane, le Général Aung Hlaing, a lui aussi demandé que justice soit faite dans la transparence, rapporte le journal Democratic Voice of  Burma.

Témoignages de torture sur les Birmans

Les deux sans papier birmans de 21 ans, Win et Zaw, ont été inculpés il y a une semaine après que la police a déclaré avoir obtenu leurs aveux du meurtre des deux jeunes vacanciers britanniques Hannah Whiteridge et David Miller.

Mais plusieurs témoignages ont émergé dans la presse locale et étrangère disant que la police avait utilisé la torture sur plusieurs suspects y compris les deux accusés, amenant des groupes de défense des droits de l'homme à exiger une enquête sur les conditions de détention et d'interrogatoire.

"Les autorités thaïlandaises doivent veiller à ce qu'une enquête indépendante et approfondie soit menée sur les allégations de plus en plus nombreuses faisant état d'actes de torture et d'autres mauvais traitements infligés par des policiers, et respecter les droits de la défense dans le cadre de l'enquête concernant le meurtre de deux touristes sur l'île de Koh Tao", a déclaré Amnesty International le 7 octobre dans un communiqué.

L'ONG rappelle aussi que selon certaines informations, "des policiers auraient battu des travailleurs migrants originaires du Myanmar interrogés dans le cadre de cette affaire, les ont menacés et auraient versé de l'eau bouillante sur eux".

L'avocat Aung Myo Thant, envoyé par l'ambassade de Birmanie et qui s'est entretenu la semaine dernière avec les jeunes birmans, Zaw Lin et Win ZawHtun, a déclaré aux médias birmans que les hommes n'ont confessé leur crime que parce qu'ils y ont été forcés, par la torture.
Il explique, cité par le quotidien birman 7Day: "Ils m'ont dit qu'ils étaient sur la plage cette nuit-là, à boire et jouer de la guitare. Ils ont dit qu'ils ne l'ont pas fait, que la police thaïlandaise les a battus jusqu'à ce qu'ils avouent quelque chose qu'ils n'ont pas fait. Ils supplient le gouvernement birman de se pencher sur leur cas et de découvrir la vérité. Ils avaient une allure vraiment pitoyable. Il y avait toutes sortes de bleus sur leurs corps. J'ai déjà rapporté tout ce que j'ai vu aujourd'hui à mon gouvernement".

Mais les autorités thaïlandaises nient avec force avoir utilisé des bouc-émissaires dans cette affaire qui a déjà terni l'image de la Thaïlande comme havre touristique.

"Je tiens à insister sur le fait que la police a mené son enquête dans cette affaire dans le respect de la loi, et examiné les preuves selon les standards internationaux", a déclaré vendredi le chef de la police thaïlandaise Somyot Poompanmoung qui avait quelques jours plus tôt félicité les enquêteurs disant qu'ils avaient accompli un "travail parfait".

Un dossier "solide" qui ne convainc pas

Une notion de la perfection qui n'est pas vraiment partagée, même au sein des autorités thaïlandaises. Le chef de la commission chargée de valider le rapport d'enquête en vue de l'instruction, Tawatchai Siangjaew, a en effet fait savoir qu'il y avait des vides dans le document de 300 pages qui lui a été remis, sans donner davantage de détails, rapporte le Bangkok Post dimanche.

Plusieurs médias ont rapporté vendredi que les deux suspects s'étaient rétractés sur leurs aveux du double meurtre. Mais la police a assuré ce week-end que cette information était fausse tout en soulignant que cela n'aurait de toute façon pas d'incidence dans leur mise en accusation.

Les avocats envoyés par l'ambassade de Birmanie en Thaïlande ont pour leur part demandé à la Commission nationale (thaïlandaise) des droits de l'homme et à l'ambassade de Birmanie de solliciter une contre-expertise basée sur les tests ADN auprès de la police britannique, rapporte dimanche The Nation.

Le magazine Time titrait vendredi  ?The Investigation Into Thailand's Backpacker Slayings Is Officially a Farce? (L'enquête sur le meurtre des routards en Thaïlande est officiellement une farce), rappelant les principaux points de fragilité de l'affaire, à savoir les fameux aveux, les tests ADN dont les résultats ont été curieusement obtenus en moins de 24h - et dont la chef de l'Institut médico-légal, Pornthip Rojanasunan, dit elle-même que les prélèvements ont été mal faits -, le témoignage présenté comme "clé" du troisième comparse qui n'a finalement rien vu (lire notre article), les vidéos de surveillance qui ne révèlent rien de nouveau, et le téléphone d'une des victimes inutilisable et curieusement retrouvé dans les affaires de Zaw.

Le British Foreign and Commonwealth Office a mise à jour ses conseils aux voyageurs britanniques venant en Thaïlande en ajoutant une note particulière sur l'archipel de Samui.

Au cours de sa visite officielle, Prayuth a néanmoins pu évoquer lors de son voyage de deux jours d'autres sujets qui intéressent la Thaïlande et la Birmanie tels que le port en eaux profondes de Dawei, la sécurité et le commerce transfrontaliers, ou encore la réglementation du travail pour leurs ressortissants respectifs.
Lire aussi notre article du 6 octobre 2014 ? L'inculpation de deux jeunes birmans suscite des doutes
P.C. avec AFP (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) lundi 13 octobre 2014
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Publié le 12 octobre 2014, mis à jour le 13 octobre 2014

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