

Les deux jeunes sans papiers birmans accusés du meurtre avec viol de deux touristes britanniques en septembre 2014 sur une plage de l'ile de Koh Tao risquent la peine de mort. Le verdict de ce procès douteux est attendu le 24 décembre
Zaw Lin et Win Zaw Tun ont plaidé non coupable face aux accusations du meurtre de David Miller, 24 ans, et du viol suivi du meurtre de Hannah Witheridge, 23 ans sur une plage de l'ile touristique de Koh Tao. Et les deux accusés insistent sur le fait qu'ils sont les bouc-émissaires d'une enquête bâclée.
Trois juges de l'ile voisine de Koh Samui doivent rendre leur verdict le 24 décembre après un procès de plusieurs mois qui aura mis au jour de nombreuses zones d'ombre dans l'enquête de police.
Durant ce procès qui a débuté en juillet, la Cour a entendu des témoignages déchirants des meurtres, tandis que les avocats de la défense ont accusé la police d'avoir bâclé leur enquête et d'utiliser les deux sans-papiers birmans comme bouc-émissaires, mettant l'accent sur les inconsistances de l'enquête, notamment les preuves scientifiques et le fait que la scène du crime n'a pas été bouclée aussitôt après la découverte des corps.
Le procès s'est terminé en octobre sur les allégations de tortures policières sur les deux accusés qui avaient avoué le crime en novembre 2014 avant de se rétracter quelques jours plus tard.
Plusieurs organisations de défense des droits de l'homme se sont intéressées à ce procès, et soutiennent que les travailleurs immigrés bon marché des pays voisins comme la Birmanie, sont souvent accusés de crimes en Thaïlande où le système judiciaire est inféodé à ceux qui ont l'argent et sont influents.
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Les corps sans vie de Miller et Witheridge avaient été retrouvés le 15 septembre en partie dénudés sur une plage de l'ile réputée tranquille de Koh Tao.
Selon la police, Miller avait été frappé une seule fois à la tête et son ou ses meurtriers l'avaient laissé se noyer, inconscient, dans les vaguelettes du bord de plage, tandis que Witheridge avait été violée puis battue à mort avec une houe de jardin.
L'arrestation le 2 octobre des deux jeunes birmans avait rapidement suscité des questions au sein de l'opinion, de la presse et même des autorités birmanes.
Ce double meurtre a soulevé de nombreuses questions sur la sécurité des touristes en Thaïlande, la compétence et l'intégrité des forces police du royaume et le traitement des travailleurs immigrés.
Les avocats de Zaw Lin et Win Zaw ont d'ailleurs fait de l'incompétence policière et la dissimulation de preuve le c?ur de leur défense.
Mais l'accusation assure que le dossier contre les deux jeunes birmans est inattaquable.
Il repose sur des traces ADN retrouvées sur le corps de Hannah Witheridge et autour de la scène du crime, ainsi que sur la découverte du téléphone mobile et des lunettes de soleil de David Miller dans la chambre d'un des suspects.
Mais la défense a notamment pointé le fait que la police n'avait pas sécurisé la scène du crime, laissant libre accès aux badauds durant les premières heures suivant la découverte des corps. A cela sont venues s'ajouter les accusations de torture de la part des deux accusés, corroborées par plusieurs témoignages d'autres Birmans appréhendés dans le cadre de cette enquête.
Porntip Rojanasunan, directrice de l'Institut Central de Sciences Médico-légales de Thaïlande (CIFS), a également précisé au tribunal qu'aucune trace d'ADN n'avait été retrouvée sur les autres pièces à conviction examinées par son institut médico-légal, parmi lesquelles une chaussure et des sachets plastiques.
Le Premier ministre Prayut Chan-O-Cha avait accepté, un peu à contre-coeur, d'autoriser des enquêteurs de la police britannique de se rendre en Thaïlande pour suivre l'enquête afin de rassurer les familles des deux victimes sur la transparence et la rigueur de l'enquête.
Les policiers britanniques ont refusé de rendre leur rapport public et les deux accusés n'ont pu obtenir du tribunal en août d'avoir accès aux conclusions de cette contre-expertise.
Début juillet, la police avait avoué que certains échantillons ADN déterminants pour la défense avaient été épuisés avant que la défense ne puisse les faire réexaminés par des experts indépendants. Un témoin avait également avoué devant le tribunal avoir déplacé et lavé la houe peu après que les corps des deux touristes avaient été retrouvés.
Lors de l'audience du 22 juillet, le responsable de l'enquête, le Colonel Cherdpong Chiewpreecha, avait avoué au tribunal de
Koh Samui que son équipe n'avait pas jugé utile d'examiner les enregistrements vidéo de caméras de surveillance donnant sur le ponton situé à proximité de la scène du crime d'où un bateau de traversée était parti une heure environ après le moment du double meurtre.
Le Colonel Cherdpong a également déclaré que son équipe n'avait pas cru bon d'enquêter sur les rumeurs d'une altercation entre Hannah Witheridge et le fils du chef de l'ile de Koh Tao, politicien local, dans la nuit du 14 au 15 septembre.
Pourtant, l'une des théories les plus fréquemment avancées par ceux qui croient en l'innocence des deux Birmans est l'implication d'une ou plusieurs personnalités locales, ce qui expliquerait selon eux les nombreux couaques de la part des autorités et une certaine opacité voire carrément une obstruction à la quête de vérité dans cette affaire.
"Ce qui est certain, c'est que quel que soit le verdict, les familles de ces deux jeunes sauvagement assassinés ne sauront pas si elles ont obtenu justice, ou même la vérité," a déclaré Sam Zarifi, directeur régional de la Commission Internationale des Juristes.
Les journalistes admis dans le tribunal n'ont d'ailleurs pas eu le droit de prendre de note durant le procès. Et plusieurs média internationaux ont déclaré avoir du mal à trouver des interprètes, ceux-ci se disant menacés par des gros bras locaux. Les journalistes étrangers qui ont assisté aux audiences se sont dit surpris de voir peu de confrères thaïlandais à ce procès au retentissement international.
Un ami de Miller, avait également dit avoir été forcé de quitter l'ile après avoir été menacé de mort par des hommes de main locaux.
P.C. avec AFP (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) mardi 22 décembre 2015
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