La situation a basculé samedi à Bangkok, où l'affrontement politique entre partisans et adversaires du gouvernement a tourné à la violence, avec au moins deux morts dans des circonstances troubles, et 45 blessés, à la veille d'un assaut annoncé du siège du gouvernement par l'opposition.
Au moins deux personnes ont été tuées et 45 autres blessées pendant des affrontements hier à Bangkok, a fait l'organisme de gestion des manifestations, CAPO, alors que le mouvement antigouvernemental entendait mettre le dernier coup de rein pour renverser le gouvernement. The Nation, faisait état de 5 morts en milieu de journée dimanche, citant un adjoint de la police en charge du quartier Ramkhamheng, dans lequel se sont produits les affrontements mortels.
Les détails des circonstances de cet événement restent à déterminer, mais ces violences sont intervenues lors d'une confrontation dans la soirée de samedi entre des manifestants anti et pro-gouvernement qui rejoignaient la manifestation en soutien à la Première ministre Yingluck Shinawatra.
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L'armée en renfort
Après l'occupation et le siège cette semaine de ministères et d'administrations civiles et militaires, la situation a pris un tour plus violent samedi, contraignant la police à demander le renfort de l'armée.
Près de 3.000 militaires vont faire "des patrouilles communes avec la police, afin d'assurer la paix et la stabilité", a annoncé le porte-parole de la police nationale, Piya Utay.
Samedi en fin de journée, malgré les appels au sang-froid de Yingluck aux deux camps, des manifestants antigouvernementaux ont attaqué un autobus transportant des partisans des "chemises rouges" fidèles à Thaksin, selon des journalistes de l'AFP.
Un bus "rouge" attaqué
Des dizaines d'entre eux ont jeté des pavés et des chaises en plastique sur ce véhicule bloqué dans la circulation, près d'un stade où plus de 70.000 "rouges" étaient rassemblés pour témoigner de leur soutien au gouvernement.
La situation était très tendue à l'extérieur du stade protégé par la police antiémeute. Un homme de 21 ans a été tué de deux balles non loin de l'enceinte sportive dans des circonstances encore floues, a indiqué la police du quartier à l'AFP. Et trois autres personnes, portant le sifflet devenu le signe distinctif des manifestants antigouvernementaux, ont été blessées par balle.
Un peu plus tôt, environ 2.000 manifestants avaient tenté de passer les barricades protégeant la Maison du gouvernement en empilant des sacs de sable, a expliqué Piya Utay, mettant en garde contre "une tentative d'escalade de la violence".
Les manifestants se sont dispersés après des discussions avec les autorités, appelant à revenir dimanche, jour de la "victoire" annoncée par les meneurs des manifestants.
Plus de 10.000 manifestants antigouvernementaux, selon la police, étaient éparpillés samedi dans divers lieux de la mégalopole de 12 millions d'habitants.
Mais après un pic à plus de 150.000 personnes dimanche dernier, leurs rangs pourraient grossir dimanche, les leaders du mouvement ayant appelé à un ultime effort avant l'anniversaire du roi Bhumibol le 5 décembre, célébrations traditionnellement entourées de respect et qui pourraient marquer une pause dans la mobilisation.
Les rouges se dispersent
Des dizaines de milliers de «chemises rouges» pro-pouvoir réunis dans un stade à Bangkok, se sont dispersés dimanche matin, par crainte de violences à l'approche d'un assaut annoncé contre le siège du gouvernement par l'opposition.
"Afin de ne pas compliquer davantage la tâche du gouvernement, nous avons décidé de laisser les gens rentrer chez eux", a déclaré Thida Thavornseth, chef de file des «chemises rouges», alors que des affrontements ont eu lieu près du stade.
Depuis l'estrade installée au milieu de la pelouse du stade, un autre meneur des «chemises rouges» a évoqué la mort de quatre des leurs. Une information impossible à confirmer de source indépendante. "Il n'y a pas de raison que d'autres vies soient perdues", a poursuivi Jatuporn Prompan.
Un photographe de l'AFP a confirmé que les partisans du pouvoir quittaient en masse le stade dimanche matin, sous surveillance policière, alors que des petits groupes d'opposants menaçants se tenaient de l'autre côté de la rue.
Internet perturbé
"Le 1er décembre sera le jour de la victoire", a ainsi assuré Suthep Thaugsuban, ancien vice-Premier ministre et figure de proue du mouvement, qui a rejeté les appels au dialogue du pouvoir.
"Demain, notre groupe entrera dans la zone de la Maison du gouvernement", a-t-il ajouté samedi. "A 10h45, nous contrôlerons la zone des ministères des Affaires étrangères, de l'Intérieur, de l'Education et du Commerce".
Samedi, les manifestants ont également mené des actions dans les groupes publics de télécommunications, Telephone Organisation of Thailand (TOT) et Communications Authority of Thailand (CAT), provoquant des perturbations pour l'accès à Internet, selon la police.
"Nous contrôlons 100% de CAT et de TOT" depuis samedi après-midi, a de son côté assuré Suthep.
En 2010, quelque 100.000 "rouges" avaient occupé le centre de Bangkok pour réclamer la chute du gouvernement de l'époque, avant un assaut de l'armée.
La crise, qui avait fait plus de 90 morts et 1.900 blessés, avait mis en lumière les profondes divisions de la société entre masses rurales et urbaines défavorisées du Nord et du Nord-Est du pays, fidèles à Thaksin, et les élites de la capitale gravitant autour du palais royal qui le voyaient comme une menace pour la monarchie.
Cette dernière mobilisation dure depuis un mois contre la chef du gouvernement Yingluck Shinawatra et son frère Thaksin, ancien Premier ministre renversé par un coup d'Etat en 2006, qui reste au coeur de la politique du royaume malgré son exil.
Côté opposition, le mouvement actuel a été provoqué par un projet de loi d'amnistie, selon eux, taillé sur mesure pour permettre le retour de Thaksin, en exil pour échapper à une condamnation à la prison pour malversations financières.
Malgré le rejet du texte par le Sénat, les manifestants, groupes hétéroclites rassemblés par leur haine du milliardaire, n'ont pas désarmé et exigent désormais la tête de Yingluck qu'ils considèrent comme une marionnette de son frère.
Dans un pays, qui a connu 18 coups d'Etat ou tentatives depuis l'établissement de la monarchie constitutionnelle en 1932, l'armée a de son côté appelé les manifestants à ne pas lui demander de prendre parti.
Les manifestants, qui avaient occupé quelques heures vendredi le siège de l'armée de terre, avaient en effet demandé aux militaires de les rejoindre.
Avec AFP (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) dimanche 1er décembre 2013