Médecins sans Frontières a décidé de mettre un terme à ses actions humanitaires auprès des réfugiés Hmong laotiens du camp de Huai Nam Khao dans le nord du pays. L'ONG dénonce les pressions militaires qui l'empêchent de travailler et condamne les rapatriements forcés de Hmong au Laos
Des réfugiés Hmong du camp de Huai Nam Khao montrent les cicatrices des blessures qu'ils affirment avoir reçu au Laos. (photo MSF)
Après 4 ans de travail dans le camp de réfugiés Hmong de Huai Nam Khao (province de Petchabun, Nord), Médecins sans Frontières a décidé de stopper son assistance médicale ainsi que ses distributions de nourriture. L'ONG dénonce "la pression croissante employée par l'armée thaïlandaise pour forcer les 5.000 Hmong réfugiés à retourner au Laos". Les Hmong sont une ethnie persécutée par le régime communiste du Laos pour avoir combattu aux côtés des Américains pendant la guerre du Vietnam. Les témoignages recueillis par MSF auprès des réfugiés font état d'attaques ciblées dans la jungle, de meurtres, de viols, de malnutrition et de maladies. La Thaïlande ne les considère pourtant pas comme des réfugiés politiques mais comme des migrants économiques illégaux. Début 2008, les gouvernements thaïlandais et laotien ont conclu un accord pour renvoyer tous les réfugiés Hmong au Laos avant la fin de l'année, sans accepter d'intervention d'une tierce partie, par exemple du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies (HCR). Le HCR n'a jamais reçu l'autorisation de visiter le camp de Huai Nam Khao.
200 expulsions vers le Laos par mois
Depuis décembre 2008, le nombre d'expulsions vers le Laos s'est accéléré, passant à environ 200 par mois. MSF dénonce les pressions employées par l'armée thaïlandaise. "Les militaires nous ont demandés de les aider à convaincre les réfugiés d'accepter de retourner au Laos, par exemple en stoppant les distributions de nourriture pour faire pression. Nous avons bien sûr refusé", explique Gilles Isard, chef de mission de MSF en Thaïlande.
L'ONG dénonce également les restrictions de plus en plus sévères imposées par l'armée au déroulement de l'assistance humanitaire. Depuis mars, les employés Hmong de MSF sont ainsi obligés de passer par un point de contrôle militaire avant d'accéder à la clinique et aux entrepôts. Les réfugiés doivent également se soumettre aux contrôles. "Nous avons assisté à de nombreuses naissances prématurées, à cause des contraintes imposées aux femmes enceintes, qui doivent passer les contrôles et les fils barbelés", regrette Angela Markata, l'une des coordinatrices de MSF.
"Il n'y a plus de libre accès possible, les gens ont peur d'être arrêtés et ne viennent plus à la clinique. Le nombre de consultations est en baisse de 50%. Il ne nous est plus possible de travailler", insiste Gilles Isard. MSF restera encore quelques semaines dans le camp, le temps de passer la main à une éventuelle nouvelle ONG prête à reprendre le flambeau. Mais aucune certitude n'existe quant à l'arrivée d'une nouvelle organisation. MSF demande une dernière fois aux gouvernements thaïlandais et laotien de stopper les expulsions de Hmong et d'autoriser l'intervention d'une tierce partie. L'ONG appelle "l'Asean, la France et les Etats-Unis à prendre des mesures concrètes pour protéger les réfugiés et s'assurer que la Thaïlande cesse de bafouer leurs droits".
Emmanuelle MICHEL (http://www.lepetitjournal.com/bangkok.html) jeudi 21 mai 2009