Le chef d’un grand parti politique de Thaïlande a présenté des excuses mardi après une vague d’accusations d’abus sexuels contre un dirigeant qui a fait bondir #MeToo dans la twittosphère thaïlandaise.
Jurin Laksanawisit, chef du Parti Démocrate, le plus ancien parti politique de Thaïlande, a présenté des excuses mardi pour la conduite d'un ancien dirigeant accusé d'abus sexuels par plus d'une douzaine de femmes.
Prinn Panitchpakdi, 44 ans, a démissionné la semaine dernière de son poste de chef adjoint du Parti Démocrate lorsque que les premières accusations ont été rendues publiques par l’avocat des plaignantes. Il a été inculpé samedi d'abus sexuels et de viol après que cinq femmes ont formellement déposé des plaintes séparées contre lui.
La première plainte a été déposée le 12 avril par une étudiante de 18 ans qui accuse le politicien de l'avoir harcelée sexuellement le 11 avril lors de ce qu’elle pensait être une rencontre de travail dans le cadre de ses études au bar d'un hôtel de Bangkok. Quatre autres femmes lui ont emboité le pas dans les jours suivants, menant à son inculpation, et encore neuf autres encore se seraient présentées depuis à la police pour des allégations similaires contre le quadragénaire qui a nié les accusations et a été libéré sous caution dimanche.
Etoile montante de la politique thaïlandaise
Fils d’une ancienne figure de la politique thaïlandaise qui était au début des années 2000 chef de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), Prinn Panitchpakdi était présenté jusqu'à cette affaire comme une étoile montante au sein du Parti Démocrate avec un solide parcours dans les affaires économiques, comme le rappelle la chaine locale Thai PBS.
Son père, Supachai Panitchpakdi, a été vice-Premier ministre dans le gouvernement démocrate dirigé par Chuan Leekpai de 1997 à 2000, avant d’être élu directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), de 2002 à 2005. Il a également été nommé secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), de 2005 à 2013.
Autant dire que Prinn Panitchpakdi avait déjà un nom quand il a rejoint le Parti Démocrate il y a moins de trois ans. Et il avait aussi un parrain de taille en la personne de Jurin Laksanawisit, qui venait d'être élu nouveau chef du Parti Démocrate. Ce dernier l’a d'ailleurs choisi comme conseiller après que le parti a rejoint la coalition gouvernementale au lendemain des élections générales de mars 2019.
#MeToo dans la twittosphère thaïlandaise
Mardi, Jurin Laksanawisit, s'est excusé pour ce scandale et a reconnu son rôle dans l’ascension rapide de l’accusé au sommet du parti.
"Je suis profondément désolé et je dois m'excuser pour tout ce qui a pu se passer qui était lié à un membre du Parti Démocrate", a déclaré Jurin Laksanawisit lors d'une conférence de presse, sans donner plus de détails.
"En tant que chef de parti, je dois reconnaître que j'ai joué un rôle clé dans les efforts visant à faire entrer Prinn dans le parti", a reconnu celui qui est aussi ministre du Commerce et vice-Premier ministre du gouvernement de coalition.
La semaine dernière, le mot dièse #MeToo est devenu tendance sur les réseaux sociaux en Thaïlande, les utilisateurs exprimant leur indignation vis-à-vis des accusations portées à l’encontre du politicien et de l'impunité dont jouissent généralement les élites. Parti des États-Unis en 2017, le mouvement #MeToo, qui consiste à briser la loi du silence sur le harcèlement et les abus sexuels sur les femmes, a prospéré dans de nombreux pays, mais pas vraiment en Thaïlande. Selon certaines militantes qui ont appelé ces jours-ci à la mobilisation sur les réseau sociaux, cette affaire pourrait changer les choses.
Cinq accusations de viol
Jurin Laksanawisit a souligné que son parti s'opposait au harcèlement sexuel et à la violence contre les enfants et les femmes.
Il a par ailleurs démissionné de son poste de président de deux commissions gouvernementales sur l'égalité des sexes et les politiques relatives aux femmes, ajoutant que le Parti Démocrate mènerait sa propre enquête interne.
"Nous n'allons pas intervenir pour protéger Prinn, et n'interfèrerons pas dans le cours de la justice", a-t-il déclaré.
Selon le commissaire adjoint du Bureau de la police métropolitaine, Trairong Piwpan, 14 victimes auraient jusqu'ici présenté des allégations contre Prinn Panitchpakdi, dont neuf ont rencontré lundi la police, qui examinait les cas.
Selon l'avocat Sittra Biabungkerd de la Fondation des Avocats du Peuple, un groupe d'assistance juridique représentant les plaignantes, ces dernières avaient entre 17 et 30 ans au moment des infractions présumées, dont certaines remontent à plus de dix ans. Cinq ont déclaré avoir été violées.
"Il y en a beaucoup d'autres qui ont encore peur de se manifester", a déclaré Sittra Biabungkerd à Reuters.