L'épouse d'un défenseur du droit à la terre qui a disparu l'an dernier dans d'étranges circonstances a été emprisonnée pour violation de propriété privée, a annoncé vendredi son avocat. Il s'agit d'un revers majeur pour une communauté rurale enferrée dans une interminable dispute avec l'Etat.
Supap Kamlae a fait campagne pour que soit menée une enquête complète sur la disparition supposée forcée de son mari Den, qui n'est jamais revenu d'une sortie en forêt pour cueillir des pousses de bambous en avril 2016.
Den, alors âgé de 65 ans, avait jusque là mené une longue bataille durant de nombreuses années pour garantir des titres de propriété à la communauté de Khok Yao à laquelle il apparient dans le district de Kon San de la province de Chaiyaphum, dans le nord-est du pays.
Jeudi, la Cour Suprême a prononcé le maintien de condamnations antérieures à l'encontre du couple pour avoir pénétré dans une forêt, mettant un terme à une affaire longue qui avait commencé bien avant la disparition de Den.
Supap Kamlae a été condamnée à six mois de prison "pour s'être introduite sur le terrain d'un parc national,'' a dit son avocat Thanomsak Rawadthai à l'AFP. Den a été condamné par contumace.
Leur communauté s'était installée dans cette zone rurale dans les années 1960, avant que le secteur ne soit désigné comme foret protégée. C'est alors que débuta le bras de fer de plusieurs décennies avec l'Etat.
La pression est montée d'un cran depuis que la junte a lancé après son coup d'Etat en 2014 une grande campagne de remise en ordre de l'occupation des sols. Une campagne dénoncée par plusieurs groupes de défense des droits de l'homme qui considèrent qu'elle vise injustement les pauvres et les petits paysans.
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Les autorités ont expulsés des centaines de villageois un peu partout dans le pays sous les ordres de la junte, souvent en déployant des soldats pour raser toutes les récoltes et intimider les habitants.
Les groupes de défense des droits de l'homme disent que les communautés ne sont pas compensées de manière adéquate et que des décennies de réglementation ad hoc de la propriété terrienne ont rendue difficile la revendication de propriété.
"L'épouse d'un activiste disparu qui se battait pour le droit à la terre va maintenant se retrouver en prison. C'est très triste pour nous", a déclaré Pornpen Khongkachonkiet, dont l'ONG Cross Cultural Foundation a appelé à des clarifications sur la disparition de Den, qu'ils pensent liée à son activisme.
Selon un rapport de l'ONG "Global Witness" publié en 2014, la Thaïlande est le 7èmepays le plus dangereux du monde pour les militants de la terre ?et le deuxième plus dangereux d'Asie, derrière les Philippines.
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L'ONU a enregistré au moins 82 affaires en cours concernant des disparitions forcées en Thaïlande pouvant remonter jusque dans les années 1980.
L'un des dossiers les plus connus est celui de Por Cha Lee Rakcharoen, un activiste Karen qui poursuivait en justice des responsable de parcs nationaux pour une série d'abus présumées envers sa communauté.
Les autorités ont nié toute implication dans sa disparition en 2014, qui reste toujours entourée de mystère trois ans plus tard.
VOIR AUSSI: Le dossier (en français) d'appel à soutien à Den Kamlae sur le site FrontLineDefenders
Avec AFP (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) mercredi 3 août 2017
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