Le chef de la diplomatie chinoise a appelé lundi les pays d’Asie du Sud-est à ne pas subir la coercition des grandes puissances, invitant les Etats-Unis à défendre le régionalisme en Asie-Pacifique
Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a déclaré lundi que les pays d’Asie devraient éviter de se laisser utiliser comme des "pions" par les grandes puissances mondiales, dans une région qui risque selon lui d'être remodelée par des facteurs géopolitiques.
S'adressant au secrétariat de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) dans un discours prononcé depuis Jakarta, en Indonésie, Wang Yi a souligné que de nombreux pays de la région étaient sous pression pour prendre parti.
"Nous devons protéger cette région des calculs géopolitiques... faire qu'elle ne soit pas utilisée comme un simple pion sur l’échiquier des rivalités entre grandes puissances et qu’elle ne subisse pas la coercition", a déclaré Wang Yi, qui s'exprimait par l'intermédiaire d'un interprète.
"Nous devrions être maîtres de l’avenir de notre région", a-t-il déclaré.
L'Asie du Sud-Est est depuis longtemps une zone de friction entre les grandes puissances compte tenu de son importance stratégique, et les pays de la région craignent aujourd’hui de se voir entraîner dans la rivalité entre Chine et Etats-Unis.
La Chine, qui revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale invoquant des "cartes historiques", s’est mis à dos certains pays de l'ASEAN victimes de cet expansionnisme territorial qu’ils dénoncent comme contraire au droit international.
Diplomatie chinoise intense
Le discours de Wang Yi intervient quelques jours seulement après sa participation à une réunion des ministres des Affaires étrangères du G20 à Bali et alors que le ministre chinois des Affaires étrangères déploie ces dernières semaines une diplomatie intense avec une série de voyages officiels effectués dans la région.
En marge du G20, Wang Yi a eu une réunion de cinq heures avec le secrétaire d'État américain Antony Blinken, tous deux qualifiant de "francs" leur premier entretien en face-à-face depuis octobre.
Wang Yi a affirmé lundi avoir dit à son homologue américain que les deux parties devraient discuter de l'établissement de règles pour des interactions positives et pour défendre conjointement le régionalisme en Asie-Pacifique.
"Les éléments essentiels sont soutenir la centralité de l'ASEAN, maintenir le cadre existant des sociétés régionales, respecter les droits et intérêts légitimes de chacun dans la région Asie-Pacifique au lieu de chercher à contrarier ou à contenir l'autre partie", a déclaré Wang Yi.
"Taiwan est à l'avant-garde de la résistance à l'expansionnisme" chinois
Interrogé sur Taïwan après son discours, Wang Yi a répondu que Washington, "en déformant et en vidant de sa substance la politique de Chine unique, essaie de jouer la carte de Taïwan pour perturber et contenir le développement de la Chine".
Les tensions entre Pékin et Taipei se sont intensifiées ces derniers mois alors que l'armée chinoise a mené une série de missions aériennes au-dessus du détroit de Taiwan, la voie navigable séparant l'île de la Chine.
La Chine considère Taïwan comme son territoire "sacré" et n'a jamais renoncé à l'usage de la force pour placer l'île sous son contrôle. Taïwan dit vouloir la paix mais seul son peuple peut décider de son avenir.
Washington affirme respecter le concept de Chine unique et ne pas encourager l'indépendance de Taïwan, mais rappelle aussi que les États-Unis sont tenus de fournir à Taïwan les moyens de se défendre en vertu de sa loi américaine sur les relations avec Taiwan.
"Les deux rives du détroit (de Taiwan) sont appelées à connaître un développement pacifique. Mais si le principe d'une Chine unique est arbitrairement contesté ou même saboté, le ciel risque de s’obscurcir et il pourrait même avoir des tempêtes féroces sur le détroit", a prévenu le chef de la diplomatie chinoise.
Le ministère taïwanais des Affaires étrangères a qualifié les commentaires de Wang Yi d'"absurdes", soulignant qu'il les condamnait dans les termes les plus forts.
"Taiwan est à l'avant-garde de la résistance à l'expansionnisme autoritaire et ne succombera pas aux menaces de recours à la force du gouvernement chinois", a déclaré la porte-parole du ministère, Joanne Ou.